Depuis l’introduction de la notion de « transition vers une économie circulaire » à l’article L110-1 du Code de l’environnement par la loi de transition énergétique, l’enjeu est de mettre en place les outils appropriés afin d’arriver à cet objectif. Dans les territoires d’Outre-mer, cet objectif semble davantage complexe à atteindre. En effet, les spécificités propres à ces territoires, que sont l’éloignement de la métropole, l’isolement ainsi que leur taille modeste, nécessitent une adaptation des outils.
C’est dans ce cadre que, Serge Letchimy, député de la Martinique, a remis le 16 février 2016 à Ségolène Royal, Ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, un rapport relatif à l’accélération de la transition vers l’économie circulaire des départements, régions et collectivités d’Outre-mer. Ce rapport constitue la seconde phase de la mission confiée au député par la Ministre, concernant l’économie circulaire dans les collectivités d’Outre-mer. Le premier rapport, remis le 20 juillet 2015, avait constitué la première étape et proposait des pistes d’amélioration de la gestion des véhicules hors d’usage en Outre-mer. Le Rapport de février 2016 concerne quarte filières de déchets : les bateaux de plaisance hors d’usage (B.P.H.U.), les déchets d’équipements électriques et électroniques, les déchets d’emballage ainsi que les meubles et textiles.

L’objectif de ce Rapport est d’appliquer les solutions apportées pour les V.H.U. aux autres filières de déchets. Les cinq défis identifiés dans le Rapport V.H.U. sont les mêmes pour les quatre filières de déchets. A ce titre, il existe tout d’abord un enjeu sanitaire et environnemental, afin de lutter contre la pollution, protéger le patrimoine paysager et restreindre la prolifération des diverses maladies. Ensuite, il y a un enjeu économique, à travers la création d’emploi et de richesses. L’enjeu est également de faire évoluer et de responsabiliser le comportement des habitants, des acteurs économiques et des politiques. Outre ces défis « classiques », deux défis majeurs existent afin de faire face aux spécificités de ces territoires. Il s’agit de développer la coopération interrégionale et d’adapter la législation à ces territoires.

Tout d’abord, la première filière étudiée est celle des bateaux de plaisance hors d’usage. Ces derniers font l’objet d’une analyse dans ce Rapport du fait de leur forte analogie avec les véhicules hors d’usage. L’article 89 de la loi de transition énergétique énonce qu’ « à compter du 1er janvier 2017, les personnes qui mettent sur le marché national, à titre professionnel, des navires de plaisance ou de sport devront contribuer ou pourvoir au recyclage et au traitement des déchets issus de ces produits. ». Au regard du nombre de B.P.H.U, l’Association pour la Plaisance Eco-Responsable (APER) préconise la création d’unités de démantèlement en Guadeloupe, Martinique et en Réunion. Le Rapport propose de faire jouer un « rôle moteur » aux départements, régions et collectivités d’Outre-mer pour les B.P.H.U. immatriculés sur leur territoire. La seconde proposition envisage de défendre au niveau européen la création d’une filière à responsabilité élargie du producteur (R.E.P.) pour les B.P.H.U.

Ensuite, la filière relative aux déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E) fait l’objet d’une réglementation européenne transposée en droit interne. Cette réglementation ne semble pas être inadaptée aux particularités des territoires d’Outre-mer. Les producteurs de D3E ont mis en place des éco-organismes afin de gérer ces déchets. Pour cette filière, le Rapport du 16 février 2016 propose de développer les points de collecte chez les distributeurs afin d’accroitre le taux de collecte.

Puis, en ce qui concerne les déchets d’emballage, c’est la Directive européenne 2008/98/CE du 19 novembre 2008 relative aux déchets qui met en place la réglementation applicable. Dans les DOM, le taux de collecte de ces déchets apparaît plus faible qu’en métropole. Selon les données de l’ADEME, il existerait près de 95 000 tonnes de canettes, alors que seulement 1 000 tonnes sont recyclées. Le Rapport donc propose d’expérimenter un système de rémunération de la collecte des canettes et des bouteilles en plastiques. La seconde proposition est d’expérimenter des dispositifs de consigne pour les bouteilles verre. Le Rapport conseille d’effectuer une étude sur les possibilités de valorisation énergétiques de certains matériaux. La troisième proposition est d’étudier l’opportunité de l’implantation d’une unité de recyclage plastique à la Réunion. Enfin, en matière de réglementation, le Rapport préconise d’adapter certaines règles. Ces adaptations consisteraient, tout d’abord, à une interdiction des emballages en verre à usage unique pour les boissons, afin d’assurer un soutien réglementaire à la mise en place des consignes. Ensuite, il conviendrait, selon le Rapport Lecthimy, de modifier la hiérarchie des modes de traitement afin de l’adapter aux territoires d’Outre-mer. Néanmoins, aucune solution n’est proposée.

Enfin, la filière des meubles et textiles est très peu développée et structuré. Tout d’abord, pour les déchets d’éléments d’ameublement (DEA), une filière R.E.P. a été créée par la loi Grenelle II. Cependant, il n’existe pas de valorisation locale de ces déchets en outre-mer et, en raison de leur important volume, ils ne sont pas exportés en métropole, du fait des coûts trop élevés. C’est donc des structures de l’économie sociale et solidaire qui collectent des DEA, en collaboration avec les deux éco-organismes existants.
La filière textiles a été créée par la loi n°2006-1666 du 21 décembre 2006. En mars 2009, l’éco-organisme Eco TLC a été mis en place et son agrément a été renouvelé jusqu’en 2019. Néanmoins, il existe de nombreuses initiatives privées ou publiques de collecte, de réparation et de redistribution de ces produits. Le Rapport conseille d’effectuer un inventaire des initiatives existantes et d’étudier celles qui ont fait leur preuve.

De manière générale, le Rapport constate des difficultés récurrentes dans la mise en place et l’organisation d’une filière dans son intégralité. Outre le particularisme des territoires d’ Outre-mer, ces obstacles s’expliquent par une insuffisance à la fois des débouchés pour les déchets recyclés et du bassin de collecte, d’une faible présence des éco-organismes, et d’un manque de rentabilité des installations dû à des quantités insuffisantes. De plus, ce Rapport fait apparaître la nécessité d’une coopération régionale. Néanmoins, cette volonté devra faire face aux disparités de réglementation et d’implication des Etats limitrophes en matière de gestion des déchets.

Bien que ce rapport constitue un premier pas significatif vers l’économie circulaire dans les DOM-TOM, il reste encore de nombreux défis à relever avant de parvenir à une concrétisation législative ou réglementaire permettant de pérenniser un modèle d’économie circulaire viable.