Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 novembre 2015 par le Conseil d’Etat d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur la conformité constitutionnelle (QPC) des articles L323-3 à L323-9 du code de l’énergie relative à la traversée des propriétés privées par les ouvrages de transport et de distribution d’électricité. Les servitudes litigieuses étant désignées par le 3° de l’article L323-4 du code de l’énergie, le Conseil constitutionnel a restreint le champ de la QPC à ces seules dispositions. Dans sa décision n°2015-418 du 2 février 2016, le Conseil Constitutionnel a déclaré conforme les dispositions de l’article précité du code de l’énergie, sous une réserve d’interprétation.

Pour comprendre cette décision, il convient de revenir sur les arguments des requérants avant d’examiner le raisonnement suivi par le Conseil Constitutionnel.

Les requérants considéraient en premier lieu que les dispositions litigieuses méconnaissent l’article 7 de la Charte de l’environnement qui prévoit que « toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ».
En effet, ils soutenaient que les informations relatives aux terrains concernés par le tracé et les servitudes d’implantation de pylônes ne sont pas déterminées à la date à laquelle est organisée l’enquête publique ou la consultation du public selon les cas.

Dans un second temps, ils considéraient que les dispositions litigieuses sont contraires aux articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, l’implantation d’un pylône sur une propriété privée aurait des conséquences engendrant une violation du droit de propriété.
Enfin les requérants estimaient qu’est méconnu le droit à un recours juridictionnel effectif dès lors que le propriétaire dont le terrain accueille un pylône ne peut, à aucun moment, contester le bien-fondé de la création de la ligne électrique, son tracé et l’implantation du pylône.
Le Constitutionnel considère que les dispositions litigieuses sont conformes à l’article 7 de la Charte de l’environnement. En effet les Sages considèrent que le droit à l’information est respecté dès lors que la déclaration d’utilité publique (DUP) est précédée d’une étude d’impact et d’une enquête publique. En outre il est prévu une consultation publique, sur le dossier de DUP et que cette consultation mise à disposition de tout citoyen en mairie, y compris celle des communes traversées par l’ouvrage, pour une durée d’au moins quinze jours.

Quant au droit de propriété, le Conseil constitutionnel écarte dans un premier temps une atteinte à l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme car il n’y pas de privation du droit de propriété. En l’absence d’une telle privation, il résulte néanmoins de l'article 2 de la Déclaration de 1789 que les limites apportées à son exercice doivent être justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi.

Les Sages considèrent que les servitudes instituées entrainent une simple limitation à l’exercice du droit de propriété, sauf si la sujétion ainsi imposée devait aboutir, compte tenu de l'ampleur de ses conséquences sur une jouissance normale de la propriété grevée de servitude, à vider le droit de propriété de son contenu ; que, sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 17 de la Déclaration de 1789. Par conséquent, il appartiendra un juge d’apprécier au cas par cas si la servitude constitue non pas une limitation mais une privation de propriété.

Le Conseil constitutionnel souligne que les dispositions attaquées poursuivent un but d’intérêt général car le législateur a entendu faciliter la réalisation des infrastructures de transport et de distribution de l’électricité. De plus, l’institution de servitudes prévue par les articles ne concerne que les terrains non bâtis qui ne sont pas fermés de murs ou autres clôtures équivalentes, et qu’elle ne fait pas obstacle au droit du propriétaire de se clore ou de bâtir. Enfin, le propriétaire conserve la possibilité d’opérer toutes modifications de sa propriété conformes à son utilisation normale.
En outre, l’établissement d’une telle servitude, lorsqu’elle entraîne un préjudice direct, matériel et certain, ouvre le droit (voir l’article L. 323-7 du code de l’énergie) à une indemnité au profit des propriétaires, des titulaires de droits réels ou de leurs ayants droit. Ainsi, les Sages concluent que l’atteinte portée au droit de propriété est proportionné à l’objectif poursuivi.

Enfin concernant le recours juridictionnel, les Sages rappellent que l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme garantit l’exercice d’un recours juridictionnel effectif. Par conséquent, le propriétaire dont le terrain est grevé de l'une des servitudes instituées par les dispositions contestées n'est privé de l'exercice d'aucune des voies de recours prévues à l'encontre de la déclaration d'utilité publique et des actes subséquents, notamment de la décision établissant la servitude.