Par un jugement du 28 janvier 2016, le Tribunal Administratif de Cergy Pontoise a, à la demande de deux filiales du groupe Total, Total Gas Shale Europe et Total Exploration et Production France, annulé la décision du 12 octobre 2011 par laquelle avait été abrogé leur permis de recherches d’hydrocarbures lié à un procédé de fracturation hydraulique. Les deux sociétés ont vu leur permis de recherche délivré le 1er mars 2010 abrogé en raison de la loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 interdisant l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et abrogeant les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique.

Ce procédé de fracturation hydraulique ou « fracking » consiste en une fissuration massive d’une roche au moyen de l’injection d’un liquide sous pression, généralement de l’eau additionnée de matériaux durs tels que du sable. Cette technique permet d’extraire des hydrocarbures dits « non-conventionnels » piégés dans des substrats trop denses où un puits classique serait inefficace. La fracturation hydraulique a un donc avantage indéniable en permettant d’exploiter des gisements d’hydrocarbures nombreux mais inaccessibles à d’autres méthodes. Cependant, elle fait l’objet de nombreuses controverses car elle produit de nombreux risques et nuisances. Elle engendrerait notamment un risque de pollution des sous-sols voire des nappes phréatiques et la technique de forage profond est encore mal maîtrisée quant à ses conséquences géologiques.

En l’espèce, l’administration, sur le fondement de la loi du 13 juillet 2011, avait prononcé l’abrogation du permis de recherche dont disposait Total car elle considérait que les techniques de substitution n’avaient pas été établies de manière suffisante pour permettre d’apprécier la réalité de l’engagement de la société de ne pas recourir à la technique de la fracturation hydraulique.

Les juges de première instance ont considéré que cette loi n’emporte pas abrogation des permis exclusifs de recherche antérieurement délivrés. En effet, l’article 3 de ladite loi impose le dépôt d’un rapport technique dans lequel le titulaire du permis doit indiquer si la mise en œuvre du permis comporte le recours effectif ou éventuel à des forages suivis de fracturations hydrauliques de roches.
C’est seulement en l’absence de rapport ou en présence de ces procédés que l’administration doit abroger le permis exclusif de recherches. Or en l’espèce, les deux filiales de Total ont remis un rapport à l’administration dans lequel elles ont clairement mentionné leur volonté de ne pas recourir au procédé litigieux et réaffirmé que le projet de recherches ne portait pas exclusivement sur la recherche d’hydrocarbures non-conventionnels. Le Tribunal a jugé que les deux sociétés du groupe Total avaient rempli leurs obligations en s’engageant clairement à ne pas recourir à la fracturation.

Tout l’enjeu posé par la loi du 13 juillet 2011 au vu de la décision rendue est donc de savoir si un simple engagement de ne pas recourir à cette méthode ou si un dossier technique expliquant clairement la méthode de substitution est nécessaire pour que l’administration puisse procéder à l’abrogation du permis. C'est sans doute une des questions à laquelle devront répondre les juges du seconde degré de juridiction.

En effet, d’une part dans un objectif de protection de l’environnement et de la santé et d’autre part car cette décision va à l’encontre de la loi n°2015-992 relative à la transition énergétique pour la croissance verte fixant comme objectif une réduction consommation d’hydrocarbures de 30% d’ici 2030, la ministre de l’environnement a déclaré vouloir faire appel de ce jugement.