REACH : Décryptage

Préambule :
Aujourd’hui près de 400 millions de tonnes de substances chimiques sont produites dans le monde, ce qui est environs 400 fois plus qu’au début du XXe siècle.
Face à ce phénomène exponentiel qui est amené à perdurer, le principe de précaution s’est imposé à l’UE et spécifiquement à la Commission européenne, au regard de l’insuffisance des informations nécessaires pour assurer la protection de la santé humaine et la protection de l’environnement.
La Commission vise à terme par l’adoption de REACH une réduction de moitié du nombre de décès par cancer par an et au niveau européen, ainsi qu’une réduction des dépenses de santé publique qui pourrait atteindre 50 milliards d’euros sur 30 ans.
C’est dans ce contexte que le règlement REACH 1907/2006 (Registration, Evaluation, Authorisation and restrictions of CHemicals) du 18 décembre 2006 a été adopté par le Parlement et le Conseil.
Entré en vigueur le 1er juin 2007, REACH impose désormais aux producteurs et importateurs et non plus aux autorités administratives, la responsabilité de l’évaluation et de la gestion des risques liés aux substances chimiques. De plus, le règlement pousse vers des démarches de substitution des substances les plus dangereuses.
Face aux complexités du règlement 1907/2006, il convient de déterminer qui sont les personnes concernées et à quelles obligations ces dernières devront-elles répondre dans les délais déterminés.


I- Explication du calendrier REACH

a) Le pré-enregistrement :

Cette étape dite « phase-in » concerne des substances déjà mises sur le marché et a démarré le 1er janvier 2008 pour s’achever le 1er décembre 2008.
Les substances désignées par le règlement sont celles présentes sur le marché avant 1981 ; ou celles dans la communauté ou l’un des pays ayant adhéré le 1er mai 2004, sans avoir été mises sur le marché au cours des quinze dernières années.
Exemples de substances exclues : substances actives des produits phytopharmaceutiques et biocides évaluées.
Cette première phase imposait aux producteurs et importateurs une identification et une évaluation des quantités des substances utilisées et/ou produites, dès lors que le seuil d’une tonne par an est atteint, et ce même dans le cas d’importation hors Union Européenne.
L’utilisateur en aval n’a pas d’obligations directes dans cette phase.
Les conséquences du non pré-enregistrement sont une obligation d’enregistrer la substance immédiatement (c’est-à-dire avant le 1er décembre 2010) sans pouvoir bénéficier du régime transitoire prévu par le règlement (échéancier pour l’enregistrement)

b) L’enregistrement : pas de données, pas de marché !

L’enregistrement vise les producteurs et importateurs de substances chimiques de quantité supérieure à une tonne par an.
Il doit se faire par déclaration administrative auprès de l’Agence Européenne des Produits Chimiques (ECHA en anglais, basée à Helsinki, Finlande).

Les échéances du règlement sont nombreuses :

- Pour les substances nouvelles à compter du 1er juin 2008 : l’enregistrement doit être fait à compter du 1er juin 2008 pour que la substance puisse être fabriquée ou mise sur le marché

- Pour les substances « phase in » ou déjà mises sur le marché : l’enregistrement se fait à différentes périodes selon le type de substances, et la quantité en question à condition qu’elles soient pré-enregistrées (à défaut en principe l’enregistrement doit intervenir sans délai, mais des dispositions de « rattrapage » existent)
Echéancier :
• Enregistrement jusqu’au 30 novembre 2010 : les CMR* fabriquées ou importées en quantités supérieures ou égales à 1 tonne par an ; les substances dites « très toxiques pour les organismes aquatiques, peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l’environnement aquatique » fabriquées ou importées en quantités supérieures ou égales à 100 tonnes par an ; les substances fabriquées ou importées en quantités supérieures ou égales à 1000 tonnes par an.
• Enregistrement jusqu’au 31 mai 2013 : les substances fabriquées ou importées en quantités supérieures ou égales à 100 tonnes par an.
• Enregistrement jusqu’au 31 mai 2018 : les substances fabriquées ou importées en quantités supérieures ou égales à 1 tonnes par an.

Précisons :
- les substances possédant un numéro ELINCS ou présentes dans les produits phytopharmaceutiques et biocides sont considérées comme déjà enregistrées ; il y a des substances exemptées d’enregistrement, par exemple celles entrant dans la composition de médicaments.
- L’enregistrement donne lieu au versement d’une redevance à l’Agence Européenne des Produits Chimiques (le pré-enregistrement est gratuit)
- On estime qu’au total plus de 30 000 substances devront être à terme enregistrées, sur les 100 000 substances existantes.




II- Les procédures mises en place par le règlement 1907/2006

a) La procédure d’autorisation et la « candidate list »

Le principe est que les substances les plus préoccupantes susceptibles de provoquer des effets irréversibles graves sur la santé ou l’environnement devront être soumises à une procédure d’autorisation. Ces substances figureront à l’annexe XIV, qui demeure vide pour le moment.
La procédure d’autorisation de mise sur le marché sera accordée par la commission et instruite par l’ECHA au terme d’un dossier de demande d’autorisation qui doit notamment contenir une analyse des substituts existants et un programme de substitution associé. Le risque lié à la substance devra être maîtrisé, devra être comparablement inférieur aux avantages socio-économiques qu’entraîne l’utilisation de la substance et aucune substance de remplacement ne pourra être utilisée.
La durée d’autorisation sera limitée dans le temps et fixée au cas par cas.
Dans cette optique la « candidate list » définie à l’article 59.1 de REACH identifie les substances préoccupantes sus mentionnées en vue de leur inclusion éventuelle dans l’annexe XIV du règlement. Aujourd’hui cette liste contient 15 noms de substances.
L’inscription dans cette liste ne signifie pas une interdiction ou une restriction de mise sur le marché. Ces substances font de manière générale l’objet d’une obligation de communication d’information par les fournisseurs.

b) Les restrictions à la production et à l’utilisation des substances chimiques

Les mécanismes de restriction du règlement n’innovent pas puisqu’on les retrouvent dans la Directive 76/769 du 27 juillet 1976 relative à la limitation de mise sur le marché et de l’emploi de certaines substances et préparations dangereuses.
Cette procédure permet la gestion des risques de toutes substances. Les substances visées sont inscrites à l’annexe XVII du règlement, indépendamment de tout seuil prédéterminé ou de la condition d’enregistrement.
On parle de « filet de sécurité » par lequel un Etat membre ou la Commission peut décider d’inscrire une substance à cette annexe en vue de maîtriser un risque qu’il/qu’elle estime insuffisamment ou pas maîtrisé.
Les restrictions sont inscrites de manière spécifique à l’annexe XVII.

Le règlement REACH s’inscrit dans un mouvement d’harmonisation des règlementations en matière de substances et préparations chimiques (voir aussi règlement CLP), parallèlement à la montée en puissance du principe de précaution.
Il témoigne d’une forte préoccupation des impacts néfastes sur l’homme et l’environnement des pratiques de production, qui se révèlent à terme coûteuses pour les institutions publiques ou privées en matière de santé et d’environnement.

Sources :
- www.developpement-durable.gouv.fr
- www.actu-environnement.com
- www.reach-info.fr
- www.inrs.fr
Définitions :
Importateur : toute personne physique ou morale établie dans la Communauté européenne qui est responsable de l’importation
Utilisateur en aval : personne physique ou morale établie dans la Communauté européenne autre que le fabricant ou l’importateur, qui utilise une substance dans l’exercice de ses activités industrielles ou professionnelles.
CMR : substance cancérigène, mutagène (susceptible de provoquer des mutations de l’ADN) et reprotoxique (toxique pour la reproduction)