Dans un arrêt Neptune Distribution SNC contre Ministre de l’Économie et des Finances rendu le 17 décembre dernier, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu un arrêt important, puisque relevant du domaine de la santé publique.

En 2009, l’administration française avait enjoint à Neptune Distribution (assurant notamment la vente et la distribution des eaux minérales naturelles gazeuses « Saint-Yorre » et « Vichy Célestins ») de supprimer toute mention tendant à faire croire aux consommateurs que ces eaux étaient pauvres ou très pauvres en sel ou en sodium.

La question de la teneur en sodium des eaux minérales naturelles est une question importante puisque le consommateur pourrait être induit en erreur lors de l’achat d’une eau qui se présenterait comme pauvre en chlorure de sodium, alors qu’elle serait en réalité riche en bicarbonate de sodium.

Or, comme le souligne la Cour, le sodium est un composant de différents assemblages chimiques (de chlorure de sodium et le bicarbonate de sodium), tous deux potentiellement néfastes pour la santé humaine.

Saisi de cette affaire en dernière instance, le Conseil d’Etat avait demandé, par le biais d’une question préjudicielle à la Cour si la teneur en sodium présente dans certaines eaux minérales doit être calculée sur la seule base du chlorure de sodium (sel de table) ou bien également sur la base de la quantité totale de sodium contenu dans la boisson sous toutes ses formes, bicarbonate de sodium inclus.

Comme le rappelle la Cour dans cette affaire, la directive portant sur les eaux minérales naturelles (directive 2009/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2009, relative à l’exploitation et à la mise dans le commerce des eaux minérales naturelles) et plus précisément l’article 9 prévoit notamment que si sont interdites toutes les indications attribuant à une eau minérale naturelle des propriétés de prévention, de traitement ou de guérison d’une maladie humaine, sont cependant autorisées les mentions « convient pour un régime pauvre en sodium », si la teneur en sodium est inférieure à 20 mg/l.

Ainsi, selon la Cour, les emballages, les étiquettes ou la publicité des eaux minérales naturelles ne peuvent pas mentionner que cette eau est pauvre en sel ou en sodium, ou qu'elle convient à un régime pauvre en sodium, si sa teneur totale en sodium est égale ou supérieure à 20 mg/l, et ce indépendamment de la forme chimique du sodium. La Cour décide donc que la quantité de sodium présente dans les eaux minérales naturelles doit être appréciée en tenant compte de l’ensemble de sa présence dans les eaux minérales naturelles en cause, quelle que soit sa forme chimique.

Ceci est d’autant plus important, compte tenu du fait qu’ « aucune donnée scientifique ne permettant d’affirmer, à l’heure actuelle, que le bicarbonate de sodium induit ou aggrave l’hypertension artérielle au même titre et dans les mêmes proportions que le sel de table ». La Cour utilise donc le principe de précaution pour justifier son raisonnement, et c’est d’ailleurs au nom de ce même principe qu’elle parvient à déclarer comme étant justifiée et proportionnée l’interdiction de faire figurer « sur les emballages, les étiquettes et dans la publicité des eaux minérales naturelles toute allégation ou mention relative à la faible teneur de ces eaux en chlorure de sodium, ou sel de table, susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la teneur totale des eaux en question en sodium », dans la mesure où elle satisfait au besoin d’assurer au consommateur l’information la plus précise et transparente pour assurer la protection de la santé humaine dans l’Union, ce besoin de protection primant alors sur la liberté d'expression et d'information publicitaire.


Référence de l’arrêt : CJUE, 17 déc. 2015, affaire C-157/14, Neptune Distribution c/ Ministre de l’Économie et des Finances