«C’est la première fois qu’une ville comme Paris va se doter d’un plan santé–environnement, qui visera à réduire l’ensemble des pollutions pour améliorer la santé de ses habitants», expliquait Bernard Jomier, adjoint à la mairie de Paris chargé de la santé, en juin dernier lors d’un colloque sur le climat et la santé organisé au ministère de la santé. L'objectif premier était la présentation du plan au Conseil de Paris «juste avant la COP21», la 21ème conférence des parties à la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tiendra dans la capitale à partir du 30 novembre. Bernard Jomier a évoqué la conduite d’études d’impact sanitaire lors des aménagements urbains, la question de la végétalisation urbaine, ainsi qu’une «réflexion sur la lutte contre les îlots de chaleur».
Pour Nadine Lauverjat, de l’association Générations futures, qui fut impliquée dans la préparation du plan, Paris fait preuve d’« une volonté de s’attaquer à la problématique. Mais qu’en sera-t-il des moyens? Au niveau politique, cela sera un peu plus compliqué ».

Suite à une première réunion plénière fin mars et dans l'objectif de débuter la rédaction du plan au printemps, cinq groupes de travail avaient été mis en place sur les questions respectives de l’exposition, de la définition des risques, de l’urbanisme et son impact sanitaire, de la démocratie participative, et des réponses opérationnelles.
Dans le groupe «démocratie participative», il s’agit de «mieux impliquer les populations à travers les atteintes de l’environnement», afin que «les gens soient à même de trouver des solution pour améliorer leur santé sans attendre qu’on légifère», explique Valérie Domeneghetty, référente Ile-de-France pour l’association Women in Europe for a Common Future (WECF), qui en fait partie. Si les associations furent nombreuses dans la préparation du plan, plusieurs semblent avoir été omises, notamment les associations anti-ondes que contactées par divers journaux. Parmi elles, le Collectif des électrosensibles de France et Robin des Toits ont même reconnu ne pas être au courant du projet.
Notamment interrogé par le Journal de l'environnement, Etienne Cendrier, porte-parole de Robin des Toits, se montre peu surpris.«La Ville de Paris fait tout pour être agréable aux opérateurs [de téléphonie mobile], j’imagine qu’elle n’a pas spécialement envie de nous ajouter au concert des associations», déclare-t-il.


Présenté comme souhaité juste avant la COP 21, le projet constitue une première dans une ville de la taille de Paris.
Bien qu'il reste encore beaucoup à faire, de premiers grands thèmes ont d’ores et déjà été définis, notamment en matière de maladies. Dans un document de travail, les experts en définissent 5 grands groupes: les cancers, les maladies cardio-vasculaires, les maladies respiratoires, les allergies et les troubles du développement.
Pourquoi celles-ci? Parce qu’il s’agit de «pathologies graves, fréquentes et pour lesquelles l’environnement joue un rôle suffisamment important pour espérer obtenir un impact sur la morbidité et la mortalité grâce à la réduction des expositions», expliquent les experts.
Quant aux facteurs de risque, 7 obtiennent la priorité: l’air extérieur, l’environnement intérieur, le bruit, le climat (changement climatique-phénomènes climatiques extrêmes), l’amiante, les sols pollués et le plomb. Auxquels s’ajoute un 8e groupe de facteurs «devant faire l’objet d’une attention particulière», à savoir les perturbateurs endocriniens, les nanoparticules, les champs électromagnétiques, les expositions chimiques alimentaires et la sédentarité.
Selon les experts, ces derniers facteurs «n’ont pas été retenus initialement car ils ne sont pas particulièrement prioritaires au regard de la situation parisienne actuelle. L’exposition à ces facteurs est en effet comparable à la situation nationale, voire même souvent plus favorable».

Il n’en fallait pas moins pour faire réagir certaines associations. Parmi elles, le réseau Environnement Santé (RES) se montre sceptique quant à la hiérarchisation effectuée par la mairie de Paris. Interrogé son président André Cicolella estime que le plan, dans sa version actuelle, «n’est pas à la hauteur de l’enjeu: le cadre n’est pas le bon, il aurait été bon il y a 30 ans».
Le saturnisme et l’amiante en sont des illustres exemples, «des problèmes du passé qui ne sont pas prioritaires», sont pourtant considérés comme tels, alors que les perturbateurs endocriniens, les nanomatériaux et les champs électromagnétiques ne le sont pas. «C’est une façon de raisonner totalement obsolète, qui est même contraire à l’éthique, si l’on veut éviter que les dégâts sanitaires aient lieu», ajoute André Cicolella.
Dans un document d’analyse, le RES estime que «les perturbateurs endocriniens ne peuvent être considérés comme un facteur de risque émergent (…) On comprendrait mal que cela ne figure pas dans le présent plan au motif que la question ne serait pas encore suffisamment validée, ce qui ne correspond pas à la réalité des données scientifiques».


Le ressenti est très différent du côté de France Nature Environnement (FNE), également impliquée dans la préparation du plan. Pour Michel Riottot, président d’honneur de l’association pour l’Ile-de-France, les priorités choisies «semblent correctes. [En termes de santé] la hiérarchisation, c’est tout d’abord l’air», ajoute-t-il, estimant qu’il ne «faut pas prendre les choses par le petit bout de la lorgnette».
Si Michel Riottot admet que l’amiante est un problème «en cours de traitement», le plomb constitue encore et toujours un risque environnemental important à Paris, qui nécessiterait un «travail énorme» de remplacement de conduites d’eau.
Selon le document préfigurateur du plan parisien, «plus de 70% des cas de saturnisme de l’enfant déclarés en France de 1995 à 2014 l’ont été en Ile-de-France, et plus de 40% des cas franciliens ont été déclarés à Paris (soit un peu plus de 30% des cas français)».

Sources :
- http://www.developpement-durable.gouv.fr/Troisieme-plan-national-sante.html
- http://www.frequenceterre.com/2015/09/21/paris-le-plan-sante-environnement-divise/
- http://www.journaldelenvironnement.net/article/paris-le-plan-sante-environnement-divise,62169