INTERPHONE : le rapport attendu de l’OMS sur l’impact sanitaire du téléphone mobile, un rapport déjà controversé.

La question de l’innocuité du téléphone mobile dans son ensemble n’est pas nouvelle. Elle n’est pas née lors des différentes décisions rendues par certaines juridictions françaises ces derniers temps. En effet, l’étude Interphone est la plus vaste enquête épidémiologique sur le risque de tumeurs cérébrales qui pourrait être lié à l’utilisation du téléphone mobile. Elle a été lancée en 2000 par le Centre International de recherche sur le cancer (CIRC), une structure qui fait partie de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). S’appuyant sur un protocole commun définissant la méthodologie à appliquer, Interphone regroupe les données de treize pays (France, Royaume-Uni, Allemagne, Italie, Danemark, Suède, Norvège, Finlande, Canada, Japon, Nouvelle-Zélande, Australie, Israël). Le protocole prévoyait aussi une durée de recherche de 5 à 6 ans dès que le financement serait réuni. La publication des résultats d’ensemble se fait attendre depuis plusieurs années tout comme l’étude finale mais des critiques s’élèvent déjà sur la fiabilité du rapport.

La principale critique concerne le financement de l’étude Interphone, celle-ci dépendant largement des opérateurs de téléphonie. Ce qui pose le question de l’impartialité et de l’indépendance d’une telle étude sur un sujet aussi sensible que l’impact du téléphone mobile sur la santé humaine en sachant que plus de deux millions de téléphone mobiles sont vendus chaque jour dans le monde. C’est pourquoi, des scientifiques de quatorze pays se sont livrés à une critique d’Interphone dans un rapport intitulé : Cellphones and Brain Tumors : 15 reasons for concern (Téléphone mobile et tumeurs cérébrales : 15 raisons de s'inquiéter). Les auteurs de cette critique soulignent les différences entre les résultats intermédiaires d'Interphone, qui sous-estiment selon eux le risque de tumeur cérébrale, voire montrent un « effet protecteur » chez les usagers du téléphone mobile. Ils affirment que : « Le résultat dominant dans l'ensemble des 14 études était que l'utilisation d'un téléphone mobile protège l'utilisateur des tumeurs cérébrales. Deux conclusions sont possibles à partir de ce résultat peu vraisemblable : soit l'utilisation d'un téléphone mobile donne réellement une protection à l'égard des tumeurs cérébrales, soit l'étude est fondamentalement biaisée. ». En effet, l’analyse d’Interphone permet de comparer l’usage du téléphone mobile chez les cas et chez les témoins, notamment en prenant en compte l’intensité de l’usage, la durée des appels, l’ancienneté de l’usage, l’utilisation de kits mains libres, et d’autres paramètres comme le fait de vivre en ville ou à la campagne, ou d’utiliser le téléphone en se déplaçant. Les auteurs critiquent l’application de cette méthode de recrutement dans la mesure où elle est actuellement appliquée de telle sorte qu’elle sous estimerait le risque cancérigène du téléphone mobile.
Alors que ce rapport pourrait apporter de réelles réponses puisqu’il est fait au niveau international, ce dernier tarde toujours et s’accompagne déjà de vives critiques.

Aujourd’hui en France, la place est à la précaution comme en témoignent les différentes décisions rendues par certaines juridictions françaises. En effet, en 2009, à trois reprises, Bouygues et SFR ont été condamnés à démonter des antennes-relais, tandis qu'il a été interdit à Orange d’en installer une à près d’une église.
C’est pourquoi, le gouvernement a mis en place la Table ronde « Radiofréquences, santé environnement » afin de répondre à l’inquiétude d’une partie de la population sur les antennes de téléphone mobile. La table ronde a chargée l'Afsset (Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail) de mener des travaux afin d'éclairer la conduite des politiques publiques et de mieux informer les citoyens. Son rapport est attendu pour ce mois de septembre.
En attendant l'avis de l'Afsset des principes d'action publique et des recommandations opérationnelles ont pu être dégagés :
• la transparence sur les informations à donner à la population et aux professionnels de santé, ainsi que sur le financement des dispositifs de contrôle et de recherche ;
• l'attention portée à toutes les craintes exprimées ;
• une pratique rénovée de la gestion du risque avec la mise en pratique du principe de précaution et du principe d'attention ;
• la concertation et le débat.

Sur ces fondements, dix orientations ont été proposées à l'issue de la table ronde :

• une information accessible au grand public avec un portail internet, un guide d'information, une campagne d'information ;
• une communication ciblée auprès des élus locaux et professionnels de santé afin de répondre aux attentes des administrés ;
• la prise en charge de façon adaptée les personnes hypersensibles avec l'élaboration d'un protocole d'accueil et de prise en charge des patients ;
• une démarche de précaution proportionnée auprès des consommateurs et des salariés ;
• un suivi raisonné des seuils d'exposition avec une réflexion sur les différents référentiels de seuils et la définition d'une valeur moyenne au sein des lieux de vie et de travail ;
• une rénovation du dispositif de contrôle des expositions ;
• un droit au contrôle individuel des expositions avec la possibilité pour chaque citoyen de faire mesurer le niveau d'exposition au sein des lieux de vie et de travail ;
• des prérogatives renforcées pour les élus locaux : une triple expérimentation sera mise en place d'ici à l'automne sur la concertation et l'information locale ;
• une organisation de la recherche rénovée;
• un prolongement de la table ronde avec la mise en place d'un comité de suivi et de mise en œuvre des actions.

Dans cette attente, les tribunaux français s’en tiennent à leur jurisprudence. Par une ordonnance de référé en date du 11 août 2009, le tribunal de grande instance de Créteil décide que le principe de précaution fait obstacle à l'installation d'antennes relais projetées par la société Orange France suite à une action intentée par un syndicat de copropriétaires.
Il est évident que les pouvoirs publics, nationaux et internationaux, doivent apporter une réponse claire quant à l’existence d’un risque associé à l’utilisation du téléphone mobile.

Pour le moment, les opérateurs de téléphonie mobile semblent être dans l’embarras, d’autant plus que l’idée d’une taxe sur les antennes relais visant à palier la suppression de la taxe professionnelle semble être avancée par le Ministère de l’économie.