La prolifération des légionelles en entreprise engendre la responsabilité des acteurs indirects notamment le fabricant des installations à risque, le vendeur ainsi que le prestataire de maintenance.

I. Une multiplicité d'intervenants impliquant une juxtaposition de responsabilités

L’exploitation des réseaux d’eau chaude sanitaire et des tours aéroréfrigérantes nécessitent l’intervention de plusieurs acteurs notamment les fabricants, les vendeurs et les prestataires de maintenance. Il en ressort ainsi une multiplicité d’intervenants qui induit une juxtaposition des responsabilités en cas d’épidémie de légionellose.

1) La responsabilité du fait d'un défaut de conception de l'installation

Le fabricant et le vendeur des installations s’exposent à une responsabilité du fait d’un défaut de conception du produit. Ils engagent alors leurs responsabilités soit sur le fondement des règles du contrat de vente, soit en cas de manquement au régime de responsabilité des produits défectueux ou bien sur le fondement de la garantie des vices cachés. En effet, les équipements susceptibles de véhiculer des légionelles sont tenus d’être conformes à l’usage prévu et exempts de tout vice caché.

Le Code de la consommation énonce diverses obligations qui incombent au vendeur des installations, notamment l'obligation de délivrance, de renseignement (art L111-1, L111-2 et L113-3), de sécurité (art 1386-1 et 1386-7). Il appartient alors aux fabricants de faire figurer dans leur notice des informations claires et détaillées concernant le risque liée aux légionelles, inhérent aux équipements fournis. L’article L 221.1 explicite clairement la notion de préservation de la santé : « Les produits et les services doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, présenter la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes. » Le vendeur en est débiteur même s’il n’est pas le fabriquant. En cas de manquement à ces obligations, il engage sa responsabilité de plein droit.

Une grande partie de l’histoire du droit de la vente se caractérise par l’extension des obligations du vendeur afin de protéger l’acheteur. C’est ainsi que la jurisprudence a dégagé une responsabilité du fait de produits défectueux, intégrée ensuite dans le Code civil. Au sens de l’article 1386-4 du Code civil, un produit défectueux est « un produit qui n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. » La responsabilité ainsi engagée est une responsabilité de plein droit qui cède devant la force majeure. Le responsable est défini comme le producteur des installations à condition que le défaut soit antérieur à la mise en circulation du produit. Le producteur est également celui qui fourni les composantes du produit fini comme énoncé à l'article 1386-8 du Code civil. Les limites de cette responsabilité de plein droit sont définies à l'article 1386-11 du Code civil. Le fabricant peut s’exonérer sur le fondement du risque de développement, en démontrant que le produit n’était pas destiné à la vente, etc. (1)

La responsabilité des fabricants peut également être engagée sur le fondement de la garantie des vices cachés, dans la mesure où le risque lié aux légionelles peut rendre l’installation impropre à sa destination (art 1641 du Code civil). Pour faire valoir cette garantie, le défaut de l’installation doit remplir plusieurs conditions, à savoir : être non apparent lors de l'achat, rendre le bien impropre à l'usage auquel on le destine ou diminuer très fortement son usage. Concernant les installations de refroidissement, il peut s’agir de la présence d’un bras mort ou d’un dysfonctionnement au niveau de l’évacuation, qui entraineraient alors une stagnation des eaux. Cette garantie ne bénéficie qu’à la victime contractuelle, contrairement au régime des produits défectueux. Le vendeur peut s’exonérer en faisant valoir le délai de prescription défini à 2 ans à compter de la date de découverte du vice, cette découverte peut résulter d'un rapport d'expertise (2), ou insérer une clause de non garantie des vices cachés au sein de son contrat de vente.

2) La responsabilité du fait d'un défaut de maintenance

Le prestataire de maintenance est soumis à diverses obligations définies précédemment. En cas de manquement à ses obligations de résultats et de conseil, vis-à-vis du risque lié aux légionelles, le prestataire s’expose à une responsabilité de plein droit. Le responsable de maintenance peut être tenu responsable personnellement et pénalement en cas de contamination. En effet, il se doit de veiller à la santé et à la sécurité des salariés de l’entreprise utilisatrice mais également des tiers. Dans le cas où, la violation de ces obligations induirait une épidémie, il peut être poursuivi pour homicide ou blessures involontaires. En pratique, il n’est pas directement concerné par la responsabilité civile. Seule son entreprise peut se voir condamnée à verser des dommages et intérêts en cas de dommages causés à ses clients ou aux tiers.

II. Une responsabilité inspirée du droit de l'environnement

Le droit de l’environnement vient renforcer le régime de responsabilité en matière de risque lié aux légionelles en entreprise. Etant donné que l'exploitant, des installations à risque, soumet la population et l'environnement à un risque de contamination par les légionelles, il se doit de mettre en œuvre une maîtrise du risque exhaustive.

Trois principes clés structurent la règlementation environnementale : le principe de prévention, qui anticipe l'occurrence d'une atteinte à l'environnement et implique la mise en place de mesures spécifiques afin d'en empêcher la survenance; le principe de précaution, qui prend en compte des menaces potentielles, hypothétiques et incertaines; le principe du pollueur-payeur, initié dans le but de limiter les atteintes à l'environnement. Ce dernier tend à imputer au responsable de la pollution les coûts relatifs aux mesures de prévention, de réduction de la pollution et de lutte contre celle-ci.

Ces principes ont été définis en droit français par la loi Barnier du 2 février 1995, relative au renforcement de la protection de l'environnement. Ils furent ensuite intégrés au sein de l'article L110-1-II du Code de l'environnement et de la Charte de l'environnement de 2004. Ils influencent l'exploitant dans sa maîtrise du risque et dans ses responsabilités.

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Références :

(1) La Cour de cassation. Publication. Rapport annuel 2011, Troisième partie : Etude : Le risque, Livre I, Titre 2, « Chapitre 2 : Régimes autonomes de responsabilité ».

(2) Cour de Cassation. Chambre civile. Arrêt du 4 avril 2006. N° de pourvoi 03-20379.

(3) Agathe Van Lang. Droit de l'environnement. 3ème édition mise à jour. Thémis droit. Septembre 2011. 517p