1. Les normes de conduite

Il existe des codes de conduite homologués par des distributeurs et des codes de transparence pour les fonds ISR ouverts au public.
En France, un Code de transparence a été mis en place par les associations regroupant les professionnels du monde financier et de l’ISR que sont l’Association Française de la Gestion Financière (AFG), le Forum pour l’Investissement Responsable (FIR) et Eurosif (Forum Européen de l’Investissement Responsable). Il a été actualisé en 2012 et concerne, au 30 mars 2015, 308 fonds gérés par 42 sociétés de gestion.
Ce Code de transparence a champ d’application défini dans son intitulé : seuls les fonds ISR et les fonds ouverts (c'est-à-dire ceux qui ne sont pas destinés aux seuls investisseurs qualifiés et assimilés) sont concernés.Il vise à améliorer la lisibilité et la transparence de la démarche ISR des sociétés de gestion adhérentes vis-à-vis de leurs investisseurs. Pour cela, il impose aux sociétés de gestion de portefeuille de respecter des principes dans l’élaboration des réponses au questionnaire du code.
Quelle est la force juridique du Code de transparence ?
L’adhésion au Code de transparence a été rendue obligatoire pour les adhérents de l’AFG ou du FIR qui proposent des OPCVM ISR. Cependant, l’effectivité de cette norme est critiquée car la qualité des réponses apportées et leur lisibilité sont très inégales. Par ailleurs, ni l’AFG ni la FIR ne contrôlent pas la véracité des infos.
De plus, il n’est pas juridiquement contraignant. Il pourrait l’être si les sociétés de gestion l’intégraient dans leur prospectus (le document informatif sur la base duquel les investisseurs souscrivent à un fonds) car cela lui conférerait, pour cette société de gestion et pour le fonds en question, une valeur contractuelle, mais ce n’est pas le cas. Enfin, le Code de transparence n’est pas reconnu par l’AMF.
Un auteur s’interroge sur la portée de ce Code car, « norme non juridiquement contraignante, le Code de Transparence ne pourrait-il pas être socialement contraignant ? ». Selon elle, le risque de sanction du marché est limité car l’information est difficile d’accès et les investisseurs ne sont généralement en lien qu’avec leur distributeur (et non la société de gestion) qui n’est pas tenu de respecter le Code.

Pour donner pleine effectivité au Code de transparence, il faut recourir au droit des obligations. Ainsi, si la société de gestion ne se conforme pas au Code, l’investisseur pourra soit demander la nullité pour dol soit demander des dommages-intérêts (ou la réparation en nature) pour non exécution d’une obligation de faire.
En effet, le dol, qui est une cause de nullité du contrat sil est établi au stade de la formation ou de l’exécution du contrat, repose sur deux éléments. Il faut un élément matériel qui est l’existence de manœuvres, c'est-à-dire des actes positifs ou des mensonges mais aussi des réticences (sur des éléments objectifs déterminants du consentement ou sur tout élément dès lors que la personne est créancière d’une obligation d’information). Il faut ensuite un élément intentionnel, le cocontractant doit avoir la volonté de tromper c'est-à-dire qu’il doit avoir connaissance d’une information et de l’importance qu’elle a sur l’autre partie dans son choix de contracter. Ici, ce serait le cas si un investisseur décide de souscrire à un OPCVM, que le gestionnaire lui affirme ou lui fait croire que cet OPCVM va être investi conformément au Code de transparence mais qu’en réalité le gestionnaire lui a indiqué cela dans l’unique but de contracter.
Il pourrait aussi être question de la non-conformité à un engagement unilatéral.
Ici, si un investisseur décide de souscrire à un fonds ISR, que le Code de transparence lui ait fournit concomitamment et que par la suite, il découvre que la politique d’investissement de son gestionnaire n’est pas ISR en ce qu’elle n’est pas conforme au Code, alors ce serait un engagement par volonté unilatérale dont l’irrespect serait sanctionnée comme la violation d’une obligation de faire ou de ne pas faire.

Au niveau international, plusieurs initiatives d’investisseurs visent à promouvoir les pratiques de l’ISR.

Ainsi, les Principes pour l’Investissement Responsable (Principle for Responsible Investment, PRI) ont été établis par un réseau international d’investisseur avec le soutien des Nations-Unies. Le projet vise à promouvoir la pratique de six principes. Le but de l’initiative est de comprendre les implications du développement durable pour les investisseurs et de soutenir les signataires des principes à incorporer ces problématiques dans leurs décisions d’investissement. L’adhésion à ces principes est volontaire.
Une autre initiative internationale (Global Reporting Initiative (GRI)), lancée aux Etats-Unis en 1997, et soutenue en France par l’ORSE est pionnière en matière de promotion du reporting des sociétés sur les sujets ESG. Il s’agit d’une organisation indépendante. Elle fait participer les parties prenantes du secteur (entreprises, ONG, cabinets de consultants, universités…). La mission du GRI est d’élaborer des normes et des standards destinés aux entreprises pour mettre en œuvre des politiques de développement durable. Son but est que dans le futur toutes les décisions des organisations prennent en compte le développement durable.

(i) Les labels

Un label est un signe de qualité car il valorise les produits et apporte des informations objectives aux clients. En effet, un label fait l’objet d’une certification par un organisme tiers donc indépendant qui vérifie la conformité à un référentiel de certification.

Novethic, un organisme expert et indépendant, a mis en place deux labels : le label Novethic et le label Vert Novethic qui rencontrent un certain succès auprès des professionnels de l’ISR. Le label Vert Novethic est attribué depuis 2013 aux « fonds qui financent des entreprises apportant des solutions aux enjeux environnementaux comme la transition énergétique ou la gestion des ressources naturelles ». Le label Novethic est applicable uniquement aux OPCVM coordonnés disponibles pour les investisseurs particuliers.
Pour être labellisé, le fond doit remplir quatre critères cumulatifs :
 il doit prendre en compte l’analyse ESG (ici Novethic reprend le Code de transparence) ;
 le processus de labellisation doit être effectuée en toute transparence (la société de gestion doit répondre au Code de transparence de l’AFG) et Novethic contrôle la cohérence des réponses apportées (ce que ne font ni l’AFG ni l’AMF) ;
 un reporting effectué au minimum trimestriellement doit porter sur les critères ESG et ;
 la société de gestion a l’obligation de publier l’intégralité du portefeuille (c'est-à-dire tous les titres financiers dans lequel ce portefeuille est investi).
En cas de défaut de conformité aux critères énoncés postérieur à la labellisation, Novethic peut retirer le label.

En septembre 2012, lors des discussions du Grenelle de l’environnement, le gouvernement a déclaré souhaiter la création d’un label ISR dans la feuille de route issue de la conférence environnementale mais cela n’a pas été fait.
Cependant, le 22 septembre 2015, le gouvernement a relancé son projet de label en soumettant un projet de décret relatif à la création d’un label « Transition énergétique et climat » à consultation publique. Ce label devrait être inséré aux articles D. 127-1 et suivants du Code de l’environnement. Le projet de décret indique que le « label garantit que les fonds labellisés respectent des critères relatifs notamment à leur contribution directe ou indirecte au financement de la transition énergétique et écologique et à la qualité et la transparence de leurs caractéristiques environnementales ». Les critères peuvent différents selon les catégories de fonds ou leur type. Un projet d’arrêté doit définir les critères que les fonds d’investissement doivent remplir pour pouvoir se voir attribuer le label. Il est précisé qu’ « un critère décrit une exigence mesurable du label ».
Les fonds éligibles au label sont :
- Les OPCVM : c'est-à-dire les fonds relevant de la directive UCITS V
- Les fonds d’investissement alternatifs (FIA) n’ayant pas un effet de levier substantiel au sens de la directive AIFM ; en France il peut s’agir des FIVG (fonds d’investissement à vocation générale), fonds d’épargne salariale, fonds de capital-investissement, fonds d’infrastructure et fonds obligataires ;
- Les FIA de capital-investissement et d’infrastructures en création ; et
- Les organismes de titrisation n’ayant pas un effet de levier substantiel au sens de la directive AIFM.
Des cas particuliers sont prévus (fonds mixte : entreprises et état ou fonds de fonds ou fonds nourriciers).
L’actif des fonds vert est constitué de titres émis par des émetteurs établi dans n’importe quel pays, il n’y a pas dans ce cas de contrainte géographique.
Le label est délivré pour un mois, sur demande de la société de gestion du fonds concerné. Les Fonds doivent s’engager à promouvoir le label.
Pour bénéficier du label, les gestionnaires des fonds doivent fournir un certain nombre d’informations.
L’investissement des fonds, donc leur actif, est réglementé dans la mesure où le projet prévoit que pour obtenir le label, le fonds doit investir dans un certain nombre d’activités (Annexe 1 du projet de décret) et certaines activités sont par essence exclu (Annexe 2 du projet de décret).
Les activités entrant dans le champ des investissements possibles sont notamment les activités « concourant directement ou indirectement à une croissance verte » dont les activités développant les différents types d’énergies renouvelables, l’efficacité énergétique des bâtiments et des processus industriels, l’économie circulaire, les transports propres, l’agriculture et la foresterie, les infrastructures d’adaptation au changement climatique….
Les activités exclues sont soit des exclusions strictes soit des exclusions partielles. Les exclusions strictes concernent les activités suivantes : extraction et exploitation de combustibles fossiles, ensemble de la filière nucléaire, incinération de déchets et décharge à ciel ouvert sans capture de GES, efficience énergétique pour les sources d’énergie non renouvelables et les économies d’énergie liées à l’optimisation de l’extraction, du transport et de la production de l’électricité à partir de combustibles fossiles et l’exploitation forestirère et l’agriculture sur tourbière. Les exclusions partielles concernent : les sociétés de distribution / transport, production d’électricité et production d’équipements et de service, dans la mesure où plus de 33% [inclus] de leur chiffre d’affaires est réalisé en rapport avec le secteur des énergies fossiles ou la filière nucléaire.
Pour bénéficier du label, une certaine proportion du chiffre d’affaires du fonds doit être réalisée dans des activités éco-responsables : leur proportion est déterminée à l’annexe 3 du projet de décret. Cette proportion dépend de l’admission ou non à la cotation des titres dans lesquels les fonds sont investis.
Les critères de labellisation sont répartis en trois piliers :
- Pilier 1 : Objectifs recherchés par le fonds et méthodologie des actifs concourant à la transition énergétique et à la lutte contre le changement climatique ;
- Pilier 2 : Prise en compte des critères ESG dans la construction et la vie du portefeuille ;
- Pilier 3 : Mise en évidence des impacts positifs sur la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique.
Par pilier, des critères sont définis et correspondent à des informations devant être fournit par le fonds et devant ensuite être vérifiés par un organisme certificateur. En effet, le projet du gouvernement prévoit également la création d’un organisme certificateur indépendant.
Enfin, un comité est créé pour ce label et est composé de 20 membres : 5 représentants de l’Etat ; 5 représentants d’investisseurs et de société de gestion, 5 représentants de la société civile et 5 personnalités qualifiées en matière de gestion d’actifs financiers ou de certification.
Les critères pour la certification font l’objet d’un référentiel, comme exposé plus haut, celui-ci sera publié par arrêté et, à compter de cette publication, le comité du label sera chargé de proposer des modifications.



Sources :
- « L’ISR imposé aux gérants de portefeuille : big bang ou coup d’épée dans l’eau de la loi Grenelle II ? », Ivan TCHOTOURIAN
- Site Novethic
- Projet de décret relatif au label « Transition énergétique et climat » et consultation publique du gouvernement (Ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie)