Au nom de la nécessité de l’homme de se nourrir, la loi autorise l’abattage des animaux d’élevage : manger constitue un besoin vital aussi bien pour l’homme que pour l’animal. L’utilisation ou l’exploitation de l’animal rapporte 75 milliards d’euros par an pour l’industrie agroalimentaire en France. Afin de ne pas contrarier ces intérêts, on admet que des poules soient confinées dans des cages où elle ne peuvent pas étendre leurs ailes, que les vaches ou les porcs soient enfermés dans des enclos métalliques à l’intérieur desquels ils ne peuvent pas se retourner. Les éleveurs cherchent à rentabiliser les surfaces disponibles pouvant conduire les animaux à cohabiter sur de faibles surfaces. On autorise des procédés d’élevage qui infligent de la souffrance à l’animal et qui ne tiennent pas compte de sa sensibilité alors qu’elle est reconnue par les textes et cela en raison de l’intérêt économique. La question de la souffrance animale dans le système d’élevage intensif reste une question d’actualité : les animaux d’élevages sont devenus dans les faits des machines animales à haut rendement. Au XXème siècle, en plein phénomène d’industrialisation, la France a du faire face à une forte augmentation de la consommation de produits d’animaux. La seule solution possible afin de répondre à ces besoins a été de créer les premiers systèmes de production animale qui devaient être aussi bien performants en termes de rendement que de productivité du travail. Produisant plus et à moindre coût car il s’agit d’une production de masse, la part de l’alimentation dans le budget des ménages a chuté. Les producteurs de masse n’envisagent pas d’évoluer vers des pratiques plus respectueuses du bien-être animal et cela en raison des coûts supplémentaires qu’entraineraient ces changements de pratiques. Alors que les citoyens associent à la notion de bien-être animal les aspects de santé physique, de besoins nécessaires en nourriture et en eau, de conditions de température, tous s’accordent à dire que la notion de liberté de mouvements, jugée insuffisante à l’heure actuelle dans les élevages, est une composante à part entière de la notion de bien-être animalier. A la suite du manque de place en raison de l’abondance des animaux dans des espaces réduits pour produire plus à moindre coût, les animaux développent des douleurs associées à leurs conditions de logement et d’entretien, comme par exemple :

- des lésions de pattes, des atteintes ostéo-articulaires et des problèmes locomoteurs qui sont une source potentielle de douleur chez les volailles d’élevage : ces lésions apparaissent en raison du fait qu’elles passent beaucoup de temps couchées ;
- des problèmes locomoteurs et des boiteries chez les porcs d’élevages : ces sources de douleurs découlent du manque de place, de la dureté des sols et du régime alimentaire dès lors qu’il favorise une croissance rapide ;
- des douleurs articulaires, des boiteries, des infections chez les bovins : ces sources de douleurs sont liées directement à la restriction de l’espace disponible impactant de manière directe l’hygiène des bovins dont la litière est le premier réservoir d’agents pathogènes et peut être donc source de maladies.

Toutefois, la prise en charge de la douleur en élevage entrainerait des surcoûts que les éleveurs ne peuvent pas se permettre. Liés à des changements de pratiques d’élevage, ces surcoûts mettraient potentiellement les filières animales en difficulté avec des risques de délocalisation de la production sans bénéfices pour la condition animale. D’autres pratiques et conditions d’élevage, motivées par des considérations sanitaires et financières, sources de douleurs sont pourtant autorisées par la loi comme par exemple :

- les interventions/mutilations : tatouages d’animaux, perçages des oreilles des bovins pour des raisons de traçabilité etc. ;
- toutes les étapes du départ de l’élevage jusqu’à la saignée, avec capture, manipulations et contention et transport ;
- l’abattage des volailles, lapins et petits gibiers domestiques sans étourdissement préalable à la suspension : les poules sont suspendues conscientes par les pattes à des crochets métalliques, leur tête passant dans un bain d’eau électrifiée avant d’être saignées mécaniquement ;
- le traitement des poussins mâles : après la sélection des femelles pondeuses opérée, les poussins mâles sont broyés et jetés dans une poubelle ;
- le gavage des canards ou des oies pour le foie gras.

Reste que la souffrance, commence largement avant celle de la mise à mort. Elle débute avec le transport des animaux vers l'abattoir, se poursuit durant les longues heures d'attente qui précèdent leur exécution. Autant d'étapes durant lesquelles les interventions humaines, la qualité des équipements et la promiscuité avec les autres animaux peuvent occasionner des douleurs.

En France, il est retenu que 80% des ovins, 20% des bovins et 20% des volailles sont abattus selon le culte religieux, dépassant ainsi la quantité de viande consommée répondant aux critères de la religion. Sous couvert de cette dérogation, de nombreux abattoirs français ont généralisé cette pratique en dehors de tout cadre religieux et cela dans une logique économique : de nombreux industriels renoncent à s’équiper de chaines d’abattage et mettent dans le circuit classique d’importantes quantités de viande issue de l’abattage rituel en l’absence de toute traçabilité. Au nom du droit à l’information du consommateur, l’industriel devrait avoir l’obligation d’imposer les notions de « viande provenant d’un animal abattu avec étourdissement » ou « viande provenant d’animal abattu sans étourdissement », appellation gardant ici un sens technique sans pour autant se référer à des expressions religieuses telles que « Casher » ou « Halal ». C’est l’objet de l’article 3 de la proposition de loi déposée par le sénateur Nicolas About le 15 septembre 2010. Néanmoins l’étiquetage du mode d’abattage entrainerait inévitablement une très forte augmentation des prix de la viande au risque d’impacter sa production. Parce que la viande d’un bon nombre d’animaux abattus rituellement est finalement mise sur le marché général pour écouler les stocks, son boycott aurait pour conséquence immédiate d’augmenter considérablement les prix de production de la viande et donc du prix payé par le consommateur. On voit bien que le problème de l’abattage rituel dépasse très largement les seules considérations religieuses et constitue plutôt un problème fondamentalement économique. Face aux enjeux liés à la production et à la consommation de viande, les religieux s’adapteront en fonction de l’évolution du rapport de forces entre acteurs sur le marché. Le bien-être animal, une fois de plus, dépendra des considérations d’ordre économique.