L'encadrement juridique du risque lié aux légionelles en entreprise fait naître de nombreuses obligations à l'égard des différents acteurs impliqués. L'employeur et le salarié sont les acteurs directs, auxquels il incombent d'importantes obligations. Néanmoins, les acteurs indirects, représentés par l'Etat, le fabricant, le vendeur ou encore le prestataire de maintenance des installations à risque, sont également soumis à diverses obligations permettant de limiter la prolifération bactérienne.

I. Les obligations de l'Etat

L'Etat est le garant de la protection de la santé et de la sécurité au travail. L’industrialisation et l’émergence des préoccupations sanitaires ont favorisé la mise en place d’une protection des travailleurs dès le milieu du XIXe siècle. Néanmoins la protection des salariés est fragilisée par le développement de situations de précarité (travail temporaire) et par les effets de la sous-traitance (1). Le Pacte International relatif aux droits économiques sociaux et culturels de 1966 (PIDESC), dans son article 12, témoigne de l’engagement de l’Etat dans la prévention des risques professionnels : « Les Etats parties au présent acte reconnaissent le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale qu'elle soit capable d'atteindre, les mesures prises par les Etats en vue d'assurer le plein exercice de droit comprendront [....] les mesures nécessaires à l'amélioration de tous les aspects de l'hygiène du milieu et de l'hygiène industrielle ».

De plus, dans quatre décisions rendues le 3 mars 2004, le Conseil d'Etat considère que les autorités publiques ont une obligation générale de prévention des risques. En application de la législation du travail codifiée à l’article L 230-2 du Code du travail (2): « Il incombe aux autorités publiques chargées de la prévention des risques professionnels de se tenir informées des dangers que peuvent courir les travailleurs dans le cadre de leur activité professionnelle, compte tenu notamment des produits et substances qu’ils manipulent ou avec lesquels il sont en contact, et d’arrêter, en l’état des connaissances scientifiques, si besoin à l’aide d’études ou d’enquêtes complémentaires, les mesures les plus appropriées pour limiter et, si possible, éliminer les dangers. » Le Conseil d'Etat déduit donc que l’Etat, les pouvoirs publics et les collectivités territoriales ont l’obligation de s’informer des risques professionnels encourus et d’édicter des mesures préventives et correctives en vue d’éliminer le risque étudié.

II. Les obligations des sous-traitants

1) Les obligations du fabricant des installations

Le fabricant des installations (réseaux d'eau chaude sanitaire et tours aéroréfrigérantes) est soumis à deux principales obligations. D'une part, la conception d'un produit conforme à la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre, et d'autre part, l'information relative au produit fabriqué et/ou vendu.

a) L'obligation de sécurité

Tout comme l'employeur et l'exploitant, le fabricant des installations se doit de respecter l'obligation contractuelle de sécurité qui lui incombe. Le fabricant se doit de concevoir un produit conforme à la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre. Ces dispositions sont codifiées au sein des articles 1604 et 1386-4 du Code Civil et L 221.1 du Code de la consommation.

Aux termes de l'article 1603 du Code Civil, le vendeur, qui peut être le fabricant lui-même, est débiteur de deux obligations principales : celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. L'obligation de délivrance consiste à mettre la chose vendue en possession de l'acquéreur, cette chose devant être conforme à sa destination. Accessoirement à cette obligation de délivrance, la jurisprudence met à la charge du vendeur l'obligation de sécurité énoncée ci-dessus. Concernant l'obligation de garantie, elle consiste à garantir l'acquéreur des conséquences de tout vice caché affectant la chose vendue, et la rendant impropre à sa destination (art. 1641 et suivants du Code civil). Le défaut de sécurité peut également être considéré comme un vice caché. Le vendeur professionnel est censé connaître les vices de la chose qu'il vend.

b) L'obligation d'information et de conseil

Le fabricant/vendeur est également soumis à une obligation d'information et de conseil contractuelle en ce qui concerne les caractéristiques de l'installation, son utilisation ou encore les précautions de mise en garde. Cette obligation est a différencier de l'obligation précontractuelle de renseignement. Il est vrai qu’en pratique cette distinction est difficile à établir, elle permet pourtant de dessiner les contours du devoir de conseil.

Il existe aujourd’hui une obligation précontractuelle de renseignement qui peut être regardée comme un principe général. Le fabricant/vendeur est tenu d’une obligation de renseignement avant la formation du contrat, il doit en effet informer son cocontractant afin d’éclairer son consentement. Cette obligation peut parfois être légale. Il s’agit le plus souvent de textes insérés dans le code de la consommation : art L.111-1 du Code de la Consommation, le vendeur professionnel doit mettre le consommateur « en mesure de connaître les caractéristiques du bien vendu »; art L.111-2 et L.114-1 lorsque la vente porte sur un meuble, le vendeur professionnel doit en outre indiquer « la période pendant laquelle il est prévisible que les pièces indispensables à l’utilisation du bien seront disponibles sur le marché » ; art L.111-3 doivent être clairement indiqués les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente. Cette obligation précontractuelle a été reconnue d’une façon générale par la jurisprudence (3).

L’obligation contractuelle d’information impose au vendeur de prévenir son cocontractant des tenants et aboutissants de l’objet acheté. Cette obligation contractuelle accessoire prolonge l’obligation précontractuelle de renseignement. La question se pose, cependant, de savoir si l’obligation vaut pour le simple revendeur aussi bien que pour le fabricant. La jurisprudence, sur ce point, semble avoir évoluée. Après avoir, dans un premier temps, admis que le vendeur pouvait être mis hors de cause au motif qu’il : « n’était pas forcément au courant des éléments ne résultant pas de l’étiquette apposée par le fabricant » (Cass 1ère Civ 31 janvier 1973). La Cour de Cassation a ensuite posé en principe dans un arrêt du 27 janvier 1982 que « le vendeur professionnel ne peut invoquer vis-à-vis de son acheteur profane, une information insuffisante du fabricant du matériau incriminé ».

L'obligation contractuelle de conseil est plus lourde que la simple obligation d’information. En effet, le fabricant/vendeur peut être tenu d’accomplir certaines recherches, d’effectuer des études préalables, notamment pour adapter le matériel aux besoins du client ou à l’utilisation qui en est prévue. Cette obligation est très étendue car elle comprend un devoir de déconseiller de mauvaises opérations. Il devra également prévenir et mettre en garde l’acheteur sur les risques graves encourus par son client s’il utilise le produit différemment de l’utilisation prévue.

Ainsi, en matière de risque lié aux légionelles, le fabricant de l'installation, qui peut également être acteur de la vente se doit d'informer et de conseiller l'exploitant sur l'utilisation et l'entretien afin de limiter tout risque de prolifération bactérienne.

2) Les obligations du prestataire de maintenance

Le contrat de maintenance est un contrat de prestation de services par lequel un prestataire de service, donc la société de maintenance, s'engage à fournir un certain nombre de prestations telles que : l'assistance, l'entretien, la réparation .... La société de maintenance est donc soumise à plusieurs obligations contractuelles.

Comme dans tous les contrats, la société de maintenance est débitrice d'une obligation de sécurité à l'égard des prestations qu'elle effectue sur les installations (réseaux d'eau chaude sanitaire ou tours aéroréfrigérantes). Le prestataire se doit donc d'assurer le bon fonctionnement du matériel dans le cadre d'une obligation de résultat. Hormis cette obligation de sécurité, plusieurs obligations diverses incombent au prestataire de maintenance, notamment des obligations d'information à l'égard de l'exploitant.

Le prestataire se doit d'informer l'exploitant sur les obligations qui l'incombe, notamment, le sous-traitant se doit d'avertir l'exploitant lors d'un dépassement de seuil en Legionella pneumophila, à condition que ce dernier ait accès aux résultats du laboratoire. Il doit également informer l'exploitant sur la nature des travaux nécessaires et les dangers éventuels encourus lors de l'utilisation de l'installation. Concernant la traçabilité des informations, la société de maintenance est tenue de conserver les données permettant l'identification de "toute personne ayant contribué à la création d'un contenu des services dont elle est prestataire" (4).

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Références :

(1) Vie publique. Rubrique : Politique publique - La régulation des relations de travail - L’Etat garant de la protection de la santé et de la sécurité au travail. (Article mis à jour le 31.10.2014)

(2) Assemblée du contentieux sur le rapport de la 2ème sous-section. Séance du 20 février 2004. Lecture du 3 mars 2004. N° 241150 - MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITE c/ consorts B.

(3) Chevalier Avocats - Avocats Lille - Etienne Chevalier Avocat. Avocat droit commercial. Article : quelle est l’étendue de l’obligation de conseil et d’information du professionnel ?

(4) Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique (1). TITRE Ier : DE LA LIBERTÉ DE COMMUNICATION EN LIGNE ## Chapitre II : Les prestataires techniques. Article 26