I. LE CADRE JURIDIQUE


Tout d’abord, précisions que l’article L.554-12 du code de justice administrative est pris sur le fondement de l’article 6 de la loi n°83-630 du 12 juillet 1983, relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l’environnement, qui réforme l’enquête publique dont l’objet est d’informer le public et de recueillir ses appréciations, ses suggestions et ses contre-proposition, au terme duquel : «Les juridictions administratives saisies d'une demande de sursis à exécution d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, font droit à cette demande si l'un des moyens invoqués dans la requête paraît, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier l'annulation. (…) ».

Ensuite, l’article L.521-1 du code de justice administrative est issu de la loi n°2000-597 du 30 juin 2000 relative aux référés devant les juridictions administratives. Cette loi organise à côté du référé suspension (L.521-1), le référé-liberté (L.521-2) et le référé-mesures utiles (L.521-3). Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ».


II. CONVERGENCE ET DIVERGENCE DES DISPOSITIONS


La procédure en matière de référé-suspension administratif et environnemental présente aussi bien des procédures communes que des divergences. Nous étudierons la convergence et la divergence des dispositions des deux articles.

Conditions de recevabilité :
Les demandes de référé-suspension et environnemental doivent être dirigées contre une décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours. En d’autres termes, la décision doit faire grief et ne pas avoir été entièrement exécutée (CE 19 juin 2001, Mme B.). En l’espèce une demande de suspension des épreuves d’admissibilité avait été demandée par le requérant. Les juges du fond, saisis, rejettent la demande pour irrecevabilité, au motif que les épreuves d’admission ont eu lieu.

Conditions du recours au fond :
Dans le cadre du référé-suspension administratif, la recevabilité est conditionnée à un recours au fond. Cette condition n’existe pas dans le cadre du référé suspension environnemental.

Conditions d’urgence :
Le référé suspension environnemental n’est pas conditionné à la condition d’urgence. En matière de référé-suspension, le juge des référés apprécie la condition d’urgence de manière globale et concrète, à la date à laquelle il se prononce tout en procédant à une balance des intérêts en cause (CE, Sect. 19 janvier 2001 Confédération nationale des radios libres).

Conditions de doute sérieux :
La condition du doute sérieux existe dans les deux procédures de référé-suspension. Il appartient au juge de vérifier si un moyen de la requête est propre, en l’état de l’instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée (CE 13 janvier 2014, Min. de l’éducation nationale).

Pouvoirs du juge des référés :
En matière de référé-suspension, le juge des référés se contente de suspendre la décision attaquée mais ne l’annule pas, au risque d’excéder sa compétence (CE 9 juillet 2001, Ministre de l’intérieur c/M. L.).


III. PARTICULARITÉ DU REFERE-SUSPENSION ENVIRONNEMENTAL


Comme nous l’avons précisé dans la première partie, le juge des référés n’est saisi qu’après les conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d’enquête et lorsque la requête est suffisamment sérieuse faisant naître, à l’état de l’instruction un doute sérieux quant à la légalité de l’acte.

La jurisprudence contrôle la nécessité de procéder à une enquête publique. Dans sa décision du 6 juin 2012 (n°1202543), le tribunal administratif de Versailles a statué dans ce sens. En effet, saisi d’une requête tendant à suspendre les travaux entrepris par la commune de Verneuil-sur-Seine et la communauté d’agglomération « Deux rives de Seine », les requérants ont soutenu que ces derniers auraient dû faire une enquête publique, en application des dispositions de l’article L. 554-12 du code de justice administrative.

Dans sa décision, les juges des référés ont jugé que le montant des travaux de modernisation du réseau d’assainissement (1 029 850, 80 euros HT) n’était pas au nombre de ceux qui sont soumis à enquête publique en application des dispositions de l’annexe I de l’article R. 123-1 du code de justice administrative. Cette décision montre l’exigence d’admission de la nécessité de l’enquête publique.

Par ailleurs, les juges des référés peuvent rejeter la requête alors même que toutes les conditions de l’article L. 554-12 sont réunies.

En effet, le Conseil d’état en fait une application dans sa décision du 16 avril 2012, Commune de Conflans-Sainte-Honorie (n°355792). En l’espèce, plusieurs communes et collectifs d’habitants de la région parisienne mettaient en cause la légalité d’un arrêté du Ministre de l’écologie du 15 novembre 2011, portant modification du dispositif de la circulation aérienne en région parisienne. Les requérants demandaient la suspension de l’arrêté en ce qu’il établissait de nouvelles trajectoires de décollage.

Les conclusions de l’enquête publique réalisées étaient accompagnées de réserves importantes considérées par la Haute juridiction comme constituant un avis défavorable. Le doute sérieux quant à la légalité de l’acte était constitué aussi. Le Conseil, dans sa décision a pourtant décidé de ne pas suspendre la décision : « ne font pas obstacle à ce que le juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension de l’exécution d’une décision prise après avis défavorable du commissaire-enquêteur ou de la commission d’enquête, écarte, à titre exceptionnel, cette demande, même si l’un des moyens invoqués paraît propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée, lorsque la suspension de l’exécution de cette décision porterait à l’intérêt général une atteinte d’une particulière gravité ; »

En l’espèce, il a été jugé que le retour aux trajectoires d'approche de l'aérodrome de Paris-Charles-de-Gaulle en vigueur avant l'intervention des arrêtés contestés du 15 novembre 2011 approuvant une modification de la circulation aérienne en région parisienne ne serait possible qu'après des études et simulations destinées à garantir la sécurité des manœuvres d'approche et d'atterrissage des appareils et qu'après la modification des modalités du contrôle aérien et des bases de données utilisées par les pilotes. Eu égard à la complexité de telles opérations et à la longueur des délais nécessaires à leur mise en œuvre, la suspension de l'exécution des arrêtés contestés compromettrait la continuité et la sécurité du trafic aérien et porterait ainsi à l'intérêt général une atteinte d'une particulière gravité. En conséquence, les juges du fond en tire pour conséquence qu’il y a lieu, à titre exceptionnel, de rejeter les requêtes qui tendent à cette suspension.



BIBLIOGRAPHIE :

www.conseil-etat.fr
www.dalloz.fr
http://archives.conseil-etat.fr/