Dans le cadre de la prévention du risque lié aux légionelles, l’entreprise est soumise à diverses obligations d’ordre règlementaire, technique et managérial vis-à-vis de ses salariés. L’employeur et l’exploitant des installations à risque, telles que les réseaux d’eau chaudes sanitaires et les tours aéroréfrigérantes, sont les principaux débiteurs de ces obligations.

I. Les obligations de l’employeur

1) L'obligation de sécurité de résultat

La gravité des atteintes à la santé des salariés résulte du fait qu'il s'agit d'un droit fondamental que l'on trouve dans les engagements internationaux de la France et dans le droit constitutionnel interne, tels que, la Déclaration universelle des droits de l'homme : « Toute personne a droit [...] à des conditions équitables et satisfaisantes de travail » et l’article 31 (§1) de la Charte des droits fondamentaux de l'union européenne : « Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. »

Le fondement de l'obligation générale de sécurité incombant à l'employeur vis à vis de ses salariés est devenu un fondement légal par la transposition en droit interne des dispositions communautaires de la directive 89/391 visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs (1). Ainsi, conformément à l’article L4121-1 du Code du travail, l’employeur, en tant que chef d'entreprise, a l’obligation d'assurer la sécurité et la protection de la santé des travailleurs placés sous son autorité. « Le chef d'établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de l'établissement, y compris les travailleurs temporaires. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. Il veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. » Cet article fonde l'obligation qui est faite à l'employeur d’effectuer une analyse de risque, consignée au sein d’un document unique de prévention des risques (article R4121-1 du Code du travail), donnant lieu, si nécessaire, à la mise en œuvre d’actions correctives.

En droit du travail, ce principe général de prévention mis à la charge de l'employeur crée une obligation de sécurité de résultat beaucoup plus contraignante que l'obligation de sécurité de moyens utilisée dans le cadre du droit de la sécurité sociale. Cette obligation de sécurité de résultat permet de s'assurer que l'employeur n'a pas commis une faute inexcusable. Elle limite le pouvoir de direction de l'employeur dans le cadre d'une réorganisation. En effet, elle "interdit, à l'employeur dans l'exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés". Ce principe général de prévention a « interdit » en l'espèce la mise en œuvre d'une réorganisation sur le site SEVESO de Gennevilliers qui ne satisfaisait pas à cet impératif (2). Une décision du TGI de Paris du 5/7/2011 11-05780 refuse également l'externalisation du centre d'énergie AREVA de la HAGUE intervenue deux mois après Fukushima illustre la poursuite de ce courant jurisprudentiel.

2) L'obligation d'information et de formation

L’employeur est débiteur d’une obligation d’information telle que codifiée aux articles L4121-1 et L4154-2 du Code du travail. La formation, l’information et la mise à disposition des instructions nécessaires au poste de travail figurent parmi les 9 principes généraux de prévention. Outre qu’elle constitue une obligation légale, la formation fait partie intégrante de la politique de prévention de l’entreprise. La nouvelle réglementation de 2013, relative aux TAR, impose un recyclage tous les 5 ans des formations au risque légionelles à toute personne impliquée directement ou indirectement dans l’exploitation d’une installation et selon sa fonction (3). Il revient à l'employeur de veiller à cette prescription.

II. Les obligations de l’exploitant des installations

L'exploitant des installations n'est pas forcément l'employeur. A ce titre, plusieurs obligations supplémentaires incombent à l'exploitant.

1) Les obligations techniques

Les circulaires DGS n° 97/377 du 24 avril 1997, DGS/VS4 n° 98-771 du 31 décembre 1998 et la DGS n° 2002/273 du 2 mai 2002 recommandent, aux responsables des établissements recevant du public ou aux exploitants, de mettre en œuvre les moyens nécessaires de prévention du risque de légionellose : assurer un bon entretien des installations, réaliser une analyse de l’eau au moins une fois par an et renforcer le contrôle en cas de détection de légionelles. Ces circulaires indiquent les mesures d’entretien à mettre en œuvre dans les réseaux d’eau chaude sanitaire et les tours aéroréfrigérantes. Il apparait dès lors qu'il s'agit d'une obligation de sécurité de moyens puisque d'après ces textes, l'exploitant doit mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour prévenir le risque de prolifération des légionelles.

La règlementation a fortement évolué depuis 2004. Ainsi, en matière de prévention des risques liés aux légionelles dans les réseaux d’eau chaude sanitaire, l'Arrêté du 1er février 2010 définit des seuils de dénombrements en Legionella pneumophila à respecter. Ils doivent être inférieurs à 1 000 UFC/L au niveau de tous les points d'usage à risque. Pour cela, l’exploitant doit mettre en œuvre une surveillance de ses installations détaillée à l’annexe 2 de l’arrêté précité. Cette surveillance est renforcée : en cas d'incident ou de dysfonctionnement de nature à favoriser la prolifération des légionelles, ou à la demande du directeur général de l’ARS, notamment lorsque la qualité de l'eau ne respecte pas les objectifs cibles définis ou lorsqu'un signalement de cas de légionellose est mis en relation avec l'usage de l'eau distribuée (4).

On peut donc facilement s'apercevoir que l'obligation de sécurité de moyens qui incombait à l'exploitant est devenue une obligation de sécurité de résultat. En effet, les obligations sont désormais fonction des paramètres scientifiques et techniques. Dans ces conditions, seule la faute présumée de l'exploitant pourra être retenue.

Les obligations de l’exploitant sont plus contraignantes en matière d’exploitation de tours aéroréfrigérantes (TAR). Les Arrêtés du 14 décembre 2013 (5) définissent également des seuils de dénombrement en Legionella pneumophila; un seuil d’alerte : 1 000 UFC/L. dans l’eau et un seuil d’arrêt de l’aérodispersion par les installations : 100 000 UFC/L. L’exploitant est tenu d’établir et de tenir à jour un dossier relatif à l’ICPE qu’il exploite, tel que définit à l’annexe 1 et au chapitre 1- art 4. Il doit veiller au suivi des contrôles périodiques effectués par les organismes agréés, dans les conditions définies par les articles R. 512-55 à R. 512-66 du Code de l'environnement.

Ensuite, diverses obligations incombent à l’exploitant en matière d’entretien et d’exploitation de la TAR : élaboration d’un plan d’entretien et de surveillance, mise en œuvre de traitement préventif et curatif, mise en œuvre d’actions curatives et correctives en cas de dépassement de la valeur seuil, mise en place d’un suivi de l’installation suite aux actions mises en place afin de réduire la prolifération de légionelles.

Concernant la protection des personnes, l’exploitant est tenu de mettre à disposition des intervenants, des équipements de protection individuels (EPI) adaptés et conformes aux normes en vigueur (masque contre les aérosols biologiques, gants...). Ces EPI sont destinés à protéger les salariés contre l'exposition aux aérosols d'eau susceptibles de contenir des germes pathogènes.

2) Les obligations de traçabilité documentaire

L’exploitant de réseaux d'eau chaude sanitaire assure également la traçabilité de cette surveillance. Il consigne les modalités et les résultats de cette surveillance avec les éléments descriptifs des réseaux d'eau chaude sanitaire et ceux relatifs à leur maintenance dans un fichier sanitaire des installations, qui est tenu à disposition des autorités sanitaires.

Concernant l’exploitation des TAR, l’exploitant est tenu de transmettre les résultats d'analyses de concentration en Legionella pneumophila à l'inspection des installations classées, dans un délai de trente jours à compter de la date des prélèvements (6). Ces résultats d’analyses, les périodes d'utilisation avec leur mode de fonctionnement et les périodes d'arrêt complet ou partiel, ainsi que les consommations d'eau sont adressés, chaque année, par l'exploitant à l'inspection des installations classées sous forme de bilans annuels interprétés.

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Références :

(1) Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre des mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail.

(2) Arrêt de la Cour de cassation du 5 mars 2008, Chambre sociale, N° de pourvoi: 06-45888. Société Snecma.

(3) Article 23 de l'Arrêté du 14 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2921 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement

(4) Arrêté du 1er février 2010 relatif à la surveillance des légionelles dans les installations de production, de stockage et de distribution d'eau chaude sanitaire (NOR: SASP1002960A)

(5) Arrêté du 14 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de la déclaration au titre de la rubrique n° 2921 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement / Arrêté du 14 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement au titre de la rubrique n° 2921 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement

(6) Arrêté du 14 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations relevant du régime de l'enregistrement (déclaration) au titre de la rubrique n° 2921 de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement - Article 26 - I - 2 -e)