La responsabilité du fait des animaux est liée à l’évolution générale des idées en matière de responsabilité. En effet, alors que l’article 1384 alinéa 1 prévoit un régime de responsabilité générale du fait des choses inanimées, il semblait nécessaire de transposer ce régime aux choses animées c’est-à-dire aux animaux, pouvant se déplacer sans l’effet d’une force étrangère. L’arrêt fondateur de la responsabilité du fait des choses est l’arrêt Teffaine rendu par la Cour de Cassation le 16 juin 1896. Il consacre le principe général de responsabilité du fait des choses que l’on a sous sa garde. La responsabilité du fait des animaux est de nature délictuelle : elle résulte d’un manquement du propriétaire qui n’est pas contractuel. Elle peut être encourue pour faute ou sans faute. Concernant l’article 1385 du code civil, ce dernier dispose depuis 1804, que « le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ». En 1804, et plus particulièrement pendant la quasi-totalité du XIXème texte, ce texte fût le seul, avec l’article 1386 sur la responsabilité du fait des bâtiments, à viser l’hypothèse particulière du dommage causé par une chose. Cela s’explique par le fait que la France est majoritairement rurale à cette époque d’où l’importance des bâtiments et des animaux.
A l’époque, il était tentant d’assimiler la responsabilité du fait des animaux à une responsabilité pour faute qui découlerait du manquement du propriétaire à son obligation de surveillance. Cela reviendrait à dire que l’article 1385 ne serait qu’une application spécifique des articles 1382 et 1383 du code civil qui prévoient respectivement :

 l’obligation pour l’auteur de réparer le dommage qu’il a causé à autrui de manière volontaire : « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » ;
 l’obligation pour l’auteur de réparer le dommage causé à autrui résultant d’une faute involontaire car elle résulte d’une négligence ou d’une imprudence: « chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence ».

La faute civile ne requiert pas un élément intentionnel ni une intention de nuire. Le principe général de la responsabilité pour faute implique un rapport certain entre la faute et le dommage : l’existence d’un lien de causalité entre la faute est une condition de recevabilité. Cette règle, appliquée à la responsabilité du fait des animaux, imposerait à la victime de démontrer la faute du propriétaire de l’animal. Le fait de calquer le régime de l’article 1385 sur les articles 1382 et 1383 n’aurait présenté que de très faibles intérêts. Par ce fait, l’idée d’une responsabilité du fait des animaux sans faute a commencé à émerger au sein de la jurisprudence afin de permettre à la victime de bénéficier d’un régime de protection favorable et particulier par rapport à celui du droit commun. C’est pour cette raison que les juges ont décidé d’admettre une présomption de faute de propriétaire de l’animal ayant causé un dommage : la victime n’a pas à rapporter la preuve de la faute du propriétaire puisque ce dernier est présumé avoir commis une erreur. Cependant, il peut toujours échapper à sa responsabilité en démontrant qu’il s’est bien comporté. Néanmoins, bien que le régime fut adoucit pour la victime, il n’en demeurait pas moins que le fondement de la responsabilité restait inchangé : celui de la responsabilité pour faute.

C’est par un arrêt de la Cour de Cassation du 27 octobre 1885 que la Chambre Civile a décidé de faire évoluer le fondement de la responsabilité du fait des animaux en affirmant que le propriétaire ne pouvait s’exonérer en établissant son absence de faute. En l'espèce, un âne s’était appuyé contre un mur provoquant ainsi la chute de quelques pierres qui avaient blessé une personne. Arguant qu’il n’avait commis aucune faute, la Cour d’Appel avait décidé de décharger le propriétaire de toute responsabilité. La Cour de Cassation a censuré cet arrêt en affirmant que l'absence de faute ne peut renverser la présomption édictée par l'article 1385. La responsabilité édictée à cet article « repose sur une présomption de faute imputable au propriétaire de l'animal qui a causé le dommage ou à la personne qui en faisait usage au moment de l'accident […] cette présomption ne peut céder que devant la preuve soit d'un cas fortuit, soit d'une faute commise par la partie lésée ». Cependant, il convient de constater que cette décision mentionnait toujours l’expression de présomption de faute. Cette décision fit l’objet de controverses doctrinales importantes en raison du fait que, selon la haute juridiction, l’article 1385 repose sur une présomption de faute mais l’absence de faute ne permet pas de la renverser. De plus, une partie de la doctrine a considéré que seul l’article 1382 est applicable lorsque la faute est prouvée. A contrario, en l’absence de faute prouvée, c’est la présomption de l’article 1385 qui joue. D’autres auteurs estimaient, quant à eux que l’article 1385 n’est qu’une application de l’article 1382 avec une spécificité relative à la preuve. L’article 1385 recouvre donc toutes les situations, que la faute soit démontrée ou présumée.

Dans une société rurale dans laquelle l’animal était un instrument agricole indispensable à l’économie, l’article 1385 présentait une importance toute particulière. Cependant, le développement de l’industrie et du machinisme associés à l’exode urbain conduisent à priver l’article 1385 d’une partie de son intérêt. Le développement de l’automobile a multiplié les dommages causés par les choses inanimées conduisant à donner ses lettres de noblesse à la responsabilité générale du fait des choses de l’article 1384-1 alinéa 1 du code civil qui affirme que l’ « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ». Dans l’arrêt Jand’heur du 13 février 1930, les Chambres Réunies de la Cour de Cassation précisent que la présomption de responsabilité établie par l’article précité, à l’encontre de celui qui a sous sa garde la chose inanimée qui a causé un dommage à autrui, ne peut être détruite que par la preuve d’un cas fortuit ou de force majeure ou d’une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable. Il ne suffit pas de prouver que le gardien n’a pas commis de faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnue. Il ne convient pas de distinguer suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme, qu’il s’agisse d’une chose dangereuse ou non. C’est l’article 1385 qui a servi de modèle pour la construction jurisprudentielle de l’alinéa 1 de l’article 1384. De nos jours, dès lors qu’un dommage est causé par une chose inanimée, il faut appliquer l’article 1384-1 alinéa 1 (ou 1386) et l’article 1385 si le dégât est causé par une chose animée.

La catégorie des animaux est très hétérogène : les dommages causés par tous les animaux ne rentrent pas dans le champ de l’article 1385. Seuls certains d’entre eux permettront à la victime d’obtenir réparation. Seuls les animaux ayant un lien avec les hommes, soit parce qu’ils sont à leur service (animaux agricoles) ou qu’ils leur tiennent compagnie (animaux de compagnie) sont visés par le texte. Le rattachement de l’animal à une personne est essentiel : l’appropriation de l’animal est une condition sine qua non d’application de l’article 1385 puisque le texte retient la responsabilité du propriétaire ou de l’utilisateur de l’animal. Le principe posé par le texte consiste à affirmer que tout animal peut entraîner l’application de la présomption édictée par l’article 1385 dès lors qu’il fait l’objet d’un droit de propriété. Cela n’est pas sans rappeler le rattachement originel de l’animal au droit de propriété à l’époque où la majeure partie de la France était rurale. Cette approche large de l’animal résulte directement de l’apport de l’arrêt Jand’heur consistant à exclure toute distinction liée à la nature de la chose ayant causé le dommage. Certains auteurs avaient proposé de réduire la portée de la responsabilité générale du fait des choses de l’article 1384 du code civil en distinguant selon la dangerosité de la chose et si elle avait été actionnée ou non de la main de l’homme. La Cour de Cassation rejeta les propositions des auteurs et considéra que : « pour l’application de cette présomption, il n’y a pas lieu de distinguer suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme ; et il n’est pas nécessaire que cette chose ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer le dommage, l’article 1384 rattachant la responsabilité à la garde de la chose, non à la chose elle-même ». Transposée à l’article 1385 du code civil, cette décision permet d’aboutir à la conclusion selon laquelle il n’y a pas de distinction entre les animaux : la responsabilité est attachée à la garde de l’animal et non à l’animal lui-même. Dans la pratique, on constate que cet article vise en général les animaux domestiques, les animaux sauvages appropriés et les animaux immeubles par destination.

Au XIXème siècle, la Cour de Cassation a défini les animaux domestiques comme « les êtres animés qui vivent, s'élèvent, sont nourris, se reproduisent, sous le toit de l'homme et par ses soins » . Cette définition reste très vaste : la liste des animaux concernés est donc très conséquente. Parmi cette liste, figurent les animaux domestiques au sens strict du terme tels que les animaux de compagnie définis par l’article L.214-6 du code rural et de la pêche maritime comme « ceux qui sont détenus ou destinés à être détenus par l’homme pour son agrément » : chiens, chats, NAC, animaux d’élevage, animaux de ferme etc.

Alors que les animaux sauvages sont considérés comme des res nullius la plupart du temps et exclus de ce fait du champ d’application de l’article 1385 du code civil, certains animaux sauvages peuvent être appropriés. C’est en raison de ce lien entre l’homme et l’animal au travers du droit de propriété, que les bêtes sauvages peuvent relever de l’article 1385 comme les animaux des ménageries . Cette solution n’est pas récente puisque Jean Domat y faisait déjà référence : « ceux qui ont des bestes farouches, comme des lions, des tigres, des ours et autres semblables […] répondent des dommages arrivés faute de bonne garde ». Les auteurs actuels adoptent la même position. L’article 1385 s’applique en cas de dommage causé par un tigre ou un léopard si, toutefois, la victime est un tiers et non un visiteur du zoo : ce sera le cas par exemple pour la réparation de dommages causés par un éléphant échappé d’un cirque . En effet, s’il s’agit d’un visiteur du zoo victime d’un préjudice, l’action intentée le sera sur le fondement de la responsabilité contractuelle, et non délictuelle, en raison de la violation d’une obligation contractuelle de sécurité à moins que la victime ait accepté les risques en vertu de la théorie de l’acceptation des risques qui ne concerne que les risques normaux de l’activité. Il est impossible de cumuler responsabilité contractuelle et délictuelle.

La dernière catégorie d’animaux visée par l’article 1385 sont les animaux immeubles par destination. En vertu de l’article 524 du code civil, sont immeubles par destination « les animaux que le propriétaire d’un fonds y a placés » « pour le service et l’exploitation de ce fonds ».

Le seul fait que l’animal soit approprié suffit à engager la responsabilité du gardien alors même que l’animal présente une particularité par rapport aux choses inanimées : il dispose naturellement d’une capacité de déplacement. En effet, que l’animal ayant causé un dommage, se soit échappé ou enfuit n’a aucune incidence sur l’application de l’article 1385 du code civil. A titre d’exemple, le passage d’un animal vers la prairie voisine à l’insu de son gardien ne constitue pas une cause d’exonération de ce dernier. Tout repose donc sur la notion de garde de l’animal.En vertu de l’article 1385 du code civil, est présumé responsable du dommage causé par un animal « le propriétaire […] ou celui qui s’en sert pendant qu’il est à son usage ». Depuis un arrêt de la Chambre Civile de la Cour de Cassation du 2 mai 1946, la jurisprudence considère que la responsabilité « repose non sur la propriété, mais sur la garde des animaux ». Ainsi, le gardien de l’animal est présumé responsable de l’animal. Selon l’article 1835 du code civil, le propriétaire est responsable « soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ». Ainsi, la fuite de l’animal n’est pas une condition d’exonération de responsabilité. Contrairement au régime de responsabilité du fait des choses inanimées, le régime de responsabilité du fait des animaux est frappé d’une spécificité résidant dans la capacité des animaux de se mouvoir et d’échapper à leurs maîtres. Avant le code Napoléon, la réparation du préjudice causé par l’animal variait selon qu’il avait agi suivant son instinct (secundum naturam) comme par exemple les animaux qui se sont échappés afin d’aller se nourrir dans les champs d’autrui, ou en s’écartant de son habitude (contra naturam) comme un âne qui mord sans raison. Le maître répondait des dommages causés par l’animal qui avait agi selon son comportement habituel et non en cas d’accident fortuit. Néanmoins, cette distinction a été abandonnée, certains auteurs estimant même que la fuite d’un animal est une circonstance aggravante résultant du défaut de surveillance. La jurisprudence actuelle tend à adopter la même vision. A titre d’exemple, le propriétaire ayant laissé divaguer ses oies sur la route causant une sortie de route, l’automobiliste ayant réagit par reflexe afin d’éviter les oies, est responsable du dommage causé par les animaux dont il répondait . Il convient de rappeler que seuls les tiers victimes peuvent bénéficier de la présomption de l’article 1385 du code civil. La Cour de Cassation a dû réaffirmer le principe selon lequel le gardien blessé par sa propre bête ne peut invoquer l’article 1385 . Dans le cas d’espèce, un cheval s’était emballé et avait blessé son propriétaire qui essayait de justifier le comportement de son animal en affirmant que le comportement inhabituel de la bête résultait du comportement d’un enfant. Le gardien réclamait des dommages et intérêts sur le fondement de l’article 1385 mais la haute juridiction n’a pas permis au gardien d’être bénéficiaire de l’article 1385. Elle a rappelé que la présomption est une possibilité offerte uniquement aux tiers victimes.

Dans un premier temps, la haute juridiction décida que la personne « qui reçoit chez lui un animal pour lui donner les soins que son état exige doit être considéré comme l'ayant pris sous sa garde et assimilé à une personne qui en a momentanément l'usage ».Cependant, la Cour de Cassation, par l’arrêt Franck de 1941 a décidé de définir la garde de la chose. Ainsi, afin de pouvoir être considéré comme gardien, ce dernier doit avoir l’usage, la direction et le contrôle de la chose. La garde est donc définie sous un angle matériel : le pouvoir de fait sur la chose. Cette définition appliquée à l’article 1385, a conduit la Cour de Cassation à affirmer que la responsabilité prévue par ledit article « à l'encontre du propriétaire de l'animal ou de celui qui s'en sert est fondée sur l'obligation de garde, corrélative aux pouvoirs de direction, de contrôle et d'usage qui caractérisent la garde ». La définition du régime spécial de responsabilité du fait des animaux est calquée sur celle retenue pour définir la garde en matière de responsabilité du fait des choses inanimées. De plus, ce même arrêt précise que pèse sur le propriétaire de l’animal une présomption simple. Afin de se dégager de toute responsabilité, il doit prouver qu’au moment du dommage il n’était pas le gardien de l’animal . C’est aux juges que revient la charge d’examiner si les trois éléments permettant de caractériser la garde sont réunies à savoir l’usage, la direction et le contrôle, la notion de garde étant une question de droit. La garde peut être transférée d’un individu à un autre : c’est un pouvoir de fait. Si la personne poursuivie en tant que gardien arrive à démontrer qu’elle n’a plus la garde de l’animal en raison d’un transfert de garde, elle échappe aux poursuites fondées sur l’article 1385 du code civil.