Lorsque l'on s'intéresse à la réutilisation des eaux usées, plusieurs questions se posent : « qui est propriétaire de l’eau recyclée et qui en tire les revenus ? » Qui en est le gardien ? On peut néanmoins faire des propositions, et imaginer que « les eaux usées traitées appartiennent au service public de l’assainissement et donc, in fine, aux collectivités territoriales compétentes en matière d’assainissement ».(1) Il faudra conclure un contrat entre la collectivité, l’exploitant de la station d’assainissement, et l’usager de l’eau usée destinée à être réutilisée, qui devra « prendre la forme d’une convention de mise à disposition des eaux traitées entre la collectivité propriétaire du réseau d’assainissement (et/ou son délégataire) et le bénéficiaire afin de fixer le prix de l’eau réutilisée et de prévoir les partages de responsabilités entre chacun des acteurs ». (2)

L'objectif de cet article est d’examiner comment le régime commun de responsabilité, tant contractuel (A) que délictuel (B), peut s’appliquer aux risques liés à la réutilisation des eaux usées.

A- La responsabilité contractuelle

Un contrat peut exister entre l'exploitant de la station d'épuration et l’utilisateur. Une responsabilité contractuelle peut donc être engagée dans le cas où il y a une mauvaise formation du contrat ou dans le cas où un dommage résulte de l'inexécution ou d’une mauvaise exécution du contrat.
Les parties devront en premier lieu respecter les règles communes de formation et de validité du contrat. Notamment, le consentement des parties ne doit pas être vicié, les parties doivent être en capacité de conclure un contrat. Aussi, l’objet du contrat doit exister ou être futur, être déterminé ou déterminable, licite et sa cause doit être licite et morale. En l’absence du respect de ces conditions, la responsabilité d’une des parties pourra être engagée. Cependant, on peut déjà affirmer que si l’objet du contrat est la réutilisation des eaux usées, ni l’objet ni la cause ne viole les conditions de validité du contrat.
En deuxième lieu, selon l'article 1147 du Code civil, celui qui ne respecte pas le contrat pourra être « condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part. »

Il faudra cependant déterminer si l'obligation contractuelle est de moyens ou de résultat. Dans le premier cas, l'inexécution consistera à ne pas avoir mis en œuvre tous les moyens pour arriver au résultat : c'est donc au créancier de démontrer la faute. Ainsi, dans le cas de la réutilisation des eaux usées, on pourra engager la responsabilité de l'exploitant en cas d'incidence lié à l'épandage des eaux usées si l'on prouve qu'il n'a pas tout fait pour respecter les normes de qualité. A l'inverse, dans l'obligation de résultat, il n'y a pas besoin de prouver la faute. L'exploitant sera responsable si le résultat n'est pas réalisé et il sera difficile de prouver le contraire.

C’est ainsi qu’on peut demander à la réglementation, si elle choisit une obligation de résultat, de définir quel résultat est attendu : serait-ce le simple fait d’irriguer, ou d'irriguer sans aucun risque ? Selon le résultat envisagé, la responsabilité correspondante sera différente.


B- La responsabilité délictuelle

Il existe plusieurs types de responsabilité délictuelle : la responsabilité délictuelle sans faute, et la responsabilité délictuelle pour faute.

La responsabilité pour faute existe sur le fondement de l'article 1382 du Code civil : « tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Elle peut être aussi une responsabilité pour faute de négligence, ou d'imprudence sur le fondement de l'article 1383: "chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence." Une telle responsabilité pourrait être engagée si la collectivité, l'exploitant ou l’utilisateur néglige le respect de normes de qualité des eaux ou de conditions d’utilisation par erreur.

Cependant, il est plus probable qu'une responsabilité sans faute soit engagée. Il existe plusieurs cas de responsabilité sans faute, mais c'est la responsabilité du fait des choses que l'on a sous sa garde, c'est à dire la responsabilité « d'un préjudice qu'il aurait causé à autrui par le biais d'une chose dont il aurait eu l'usage, la direction et le contrôle au moment du dommage » (3) qui peut être intéressante ici. Cette responsabilité se trouve à l’article 1384, 1385 et 1386 du Code civil ; mais c’est l’article 1384 qui nous intéresse : « on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

Dans ce type de responsabilité, le propriétaire est présumé gardien. Il faudra alors inciter le législateur à définir qui est le propriétaire des eaux usées, entre la collectivité, la station d'épuration et un agriculteur, afin de pouvoir identifier de manière plus certaine un responsable.

La présomption peut être renversée s’il y a preuve que le contrôle, l'usage et la direction de la chose ont été transférés. A ce propos, il y a une distinction entre la garde de la structure et la celle du comportement de la chose. Selon un arrêt de la Cour de cassation du 5 janvier 1996 Oxygène liquide, si le dommage est dû à la façon dont une chose est utilisée, c'est son possesseur le gardien. En revanche, si le dommage est lié à la structure de la chose, c'est le fabricant ou le propriétaire qui sera gardien. L'information occupe une part importante dans ce domaine : on considère que celui qui détient l'information est gardien de la structure de la chose. (4) On peut alors imaginer qu'un agriculteur dont la responsabilité est engagée à cause d'un dommage lié à l'épandage des eaux usées sur ses cultures, pourra transférer la responsabilité en montrant qu'il n'a pas été informé correctement de la qualité des eaux usées par le « fabricant » de ces eaux usées, que l'on peut imaginer être l'exploitant ou l’entreprise, le ménage qui envoie les eaux usées.

Imaginer les types de responsabilité qui peuvent être engagés lors de l'utilisation des eaux usées met en exergue les lacunes du droit à ce niveau : en effet le droit ne précise pas qui est propriétaire des eaux usées, ni qui peut en être le gardien ; ce qui ne facilite pas l’engagement dans la mise en oeuvre de la réutilisation.


(1) (2) LamyLine.2013. Bulletin du Droit de l’Environnement Industriel. Où en est le droit de la réutilisation des eaux usées ? Contribution à l’élaboration d’une pratique durable.

(3) Définition Wikipédia

(4) Desideri Jean-Pierre, Sécurité dans les contrats