Depuis le 16 février 2015, le nouvel article 515-14 du code civil déclare que « les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité ». Ce faisant, est introduit, en droit civil, la catégorie des êtres vivants et sensibles, commune aux animaux et aux être humains. Les animaux sont extraits de la catégorie des biens ce qui a pour conséquence de créer un statut juridique de l’animal hybride, idée renforcée par la modification des articles qualifiant les animaux de meubles ou d’immeubles.

Il ressort, à la lecture des débats parlementaires, que « l’animal est un être doué de sensibilité ». Le législateur a, par la suite, souhaité définir l’animal. Cependant, de nombreux opposants à cette idée ont fait valoir que ce n’est pas au code civil qu’il revient de proclamer que les animaux sont des êtres vivants et sensibles. Selon eux, dans le code civil, il n’est « question des animaux que de manière très indirecte, comme une catégorie de biens pouvant appartenir à une personne ou susceptibles d’entraîner la responsabilité d’une personne » . En définissant l’animal, le législateur a souhaité remplir un vide juridique en raison du fait que l’animal n’était défini que par la jurisprudence.
L’article 515-14 du code civil tire sa force extractrice aussi bien de sa place que de son contenu. En effet, ce nouvel article affirmant que « les animaux sont des être doués de sensibilité », aurait pu être placé au sein du titre Ier relatif à la distinction des biens en devant l’article 516-1 faisant référence à l’article 516 posant le principe selon lequel tous les biens sont meubles ou immeubles. C’est ce qu’a proposé le député Philippe Gosselin dans son sous-amendement du 12 septembre 2014. Ne voulant pas remettre en cause la distinction traditionnelle du code civil concernant les biens meubles et immeubles, le député proposait de reconnaître la qualité d’être sensible aux animaux dans un ajout à l’article 516 qui les aurait rattaché de manière explicite à la catégorie des biens corporels meubles ou immeubles. Si le législateur avait opéré de la sorte, les animaux seraient devenus une nouvelle sous-catégorie de biens qu’il aurait été possible de dénommer « les biens sensibles ». Suite à l’affirmation du rapport Antoine selon laquelle faire de l’animal un « meuble-sensible serait une absurdité », le législateur n’a pas souhaité courir ce risque et a mis de côté ce sous-amendement. Il a préféré placer l’article avant le titre Ier relatif à la distinction des biens, sans pour autant constituer un titre préliminaire, et après l’intitulé du livre II. Le législateur n’a pas voulu faire apparaître l’article 515-14 dans une sous-catégorie où il aurait été tentant de les distinguer parmi les autres biens meubles par nature ou les autres immeubles par destination. L’absence de justification quant à l’inscription de cet article spécifique relatif aux animaux en marge d’un livre général consacré à la totalité des biens, permet d’expliquer l’hostilité du Sénat quant à l’évolution du régime juridique de l’animal.

« Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens ». Cette phrase est empruntée au mot près aux dispositions envisagées par le professeur Hugues Perinet-Marquet pour une réforme du droit des biens datant de 2008 – 2009. Cela signifie que les animaux ne sont pas des biens : les règles constituant le régime des biens leur sont applicables mais ils ne sont plus eux-mêmes des biens. C’est ce qu’avait envisagé le député Philippe Gosselin pour justifier son sous-amendement. Il soulignait que l’article 515-14 laisse entendre que « les animaux ne sont plus par nature des biens ». Cela signifie que les animaux sont affiliés au régime des biens que par une fiction juridique : ils se voient appliquer le régime des biens alors qu’ils n’en sont plus. De plus, lorsque les animaux relèvent des lois qui les protègent, le régime des biens ne leur est pas applicable. En conséquence, plusieurs régimes de protection des animaux cohabitent : celui du code civil, celui du code rural et de la pêche maritime, celui du code de l’environnement et celui du code pénal. Restant tout de même soumis au régime des biens « sous réserve des lois qui les protègent », les animaux n’acquièrent donc pas la personnalité juridique avec tous les droits et devoirs qui en découlent. Une place à part entière est accordée à la protection des animaux pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils représentaient c’est-à-dire une valeur patrimoniale. La consécration de l’animal en tant que tel permet de mieux concilier sa qualification juridique avec sa valeur affective. Le statut juridique est ainsi modifié mais pas le régime juridique auquel les animaux restent soumis à savoir celui des biens. Il convient également de remarquer que ce sont les animaux, reconnus comme des être doués de sensibilité, qui sont protégés sans que le code civil ne précise si la protection est possible pour les animaux appropriés ou non.

L’article 515-14 du code civil rompt de manière partielle avec la tradition qui consistait à considérer l’animal comme un instrument utile à l’agriculture telle que retenue au moment de la rédaction du code Napoléon. Cet article n’est que la première étape vers une réforme plus concrète et plus complète du statut juridique de l’animal. Il semble que l’article 515-14 a toute sa place dans le code civil. Le droit spécial a déjà, depuis de nombreuses années, consacré la sensibilité de l’animal. Cependant, il est impossible de définir les animaux uniquement par leur caractère vivant et sensible. Cette définition est trop large et l’assimilation à l’humain est bien trop forte car ces derniers sont également vivants et sensibles : contrairement aux animaux, ils ne sont pas soumis au régime des biens. L’article 515-14 introduit la catégorie des êtres vivants et sensibles, caractéristiques communes à l’homme et à l’animal, l’un relevant du statut des personnes, l’autre du statut des biens.
Afin d’éviter tout amalgame entre un chat et une table, le législateur a décidé de changer, ajouter ou supprimer certaines notions afin de faire sortir de manière efficace les animaux des sous-catégories des meubles ou immeubles. Les articles 524 et 528 sont ceux qui ont fait l’objet des modifications les plus conséquentes mais d’autres articles ont également été victimes de rectifications plus discrètes.

L’alinéa premier de l’article 524 affirmait que les animaux et les objets que le propriétaire d’un fonds y a placé pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. Cet article visait :

- les animaux attachés à la culture ;
- les pigeons des colombiers ;
- les lapins des garennes ;
- les poissons de certaines eaux.

Désormais, ces animaux ont disparu de cet article qui dispose désormais que « les objets que le propriétaire y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds sont immeubles par destination. Les animaux que le propriétaire d'un fonds y a placés aux mêmes fins sont soumis au régime des immeubles par destination ». Le législateur a souhaité opposer les objets immeubles par destination et les animaux qui sont soumis au régime des immeubles par destination. Cet article constitue le corollaire à l’article 515-14 du code civil en opérant une extraction des animaux de la sous-catégorie des immeubles par destination au régime desquels ils sont simplement soumis. Désormais, les animaux listés ci-dessus n’auront que vocation à être soumis au régime des immeubles par destination sans pour autant en être. La réforme de l’article 524 du code civil est alors calquée sur les propositions d’Hugues Perinet-Marquet qui proposait déjà de délester cet article de toute cette liste d’animaux. Le professeur André Castaldo dans son étude « Regard sur la ménagerie de l'article 524 du code civil » fait le constat suivant lequel « on verse simplement dans la catégorie des immeubles des biens qui, par leur nature, n’en sont pas, mais auxquels on veut appliquer un régime dont on se contente ».

Concernant l’article 528 relatif aux meubles par nature, l’extraction des animaux est d’autant plus flagrante car il n’y a plus la moindre trace de leur présence. Alors que cet article disposait en 1804 que « sont meubles par leur nature, les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, comme les animaux, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère, comme les choses inanimées », puis en 1999 que « sont meubles par leur nature les animaux et les corps qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre, soit qu'ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu'ils ne puissent changer de place que par l'effet d'une force étrangère », désormais et ce depuis la loi du 16 février 2015, l’article dispose que « sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d'un lieu à un autre ». Cette formulation lapidaire amène à un constat qui n’est pas des moindres : les animaux ne sont plus mentionnés par cet article. On remarque également que les corps qui peuvent se transporter, auxquels on opposait les animaux depuis 1999, ont été remplacés par des biens. Par ce fait, il est incontestable que l’article 528 vise les biens pouvant se transporter d’un lieu à un autre dont les animaux ne font pas partie. Afin qu’aucune possibilité d’assimilation des animaux à la sous-catégorie des animaux par nature, le législateur n’a pas souhaité préciser que les biens peuvent se transporter d’un lieu à un autre « soit qu’ils se meuvent par eux-mêmes, soit qu’ils ne puissent changer de place que par l’effet d’une force étrangère ». La référence à l’animal était limpide lorsque l’article visait les biens qui peuvent se mouvoir par eux-mêmes. Les animaux prennent désormais place, à côté des humains, dans la nouvelle catégorie des êtres vivants doués de sensibilité.

Afin que plus aucun doute ne subsiste quand à l’éventuelle possibilité d’assimiler les animaux aux meubles ou immeubles, le législateur a décidé de rectifier d’autres articles moins essentiels. L’article 522 prévoyait en 1804 que « les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture, estimés ou non, sont censés immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la convention. Ceux qu'il donne à cheptel à d'autres qu'au fermier ou métayer sont meubles ». Désormais et ce depuis la loi du 16 février 2015 « les animaux que le propriétaire du fonds livre au fermier ou au métayer pour la culture, estimés ou non, sont soumis au régime des immeubles tant qu'ils demeurent attachés au fonds par l'effet de la convention. Ceux qu'il donne à cheptel à d'autres qu'au fermier ou métayer sont soumis au régime des meubles ». Se référant à des modes d’exploitation tel que le métayage, cet article paraissant obsolète compte tenu de notre société industrialisée, et aurait sans doute mérité d’être totalement révisé au titre d’une loi de modernisation du droit. Cependant, le législateur l’a seulement revu en précisant que, dans les cas de livraison au fermier ou au métayer, les animaux, considérés comme immeubles depuis 1804, ne sont soumis au régime des biens immeubles dans l’unique hypothèse où ils demeurent attachés au fonds. Cet article affirme que, lorsqu’ils sont donnés à cheptel à quelqu’un d’autres qu’à un fermier ou un métayer, il convient de dire qu’ils sont soumis au régime des meubles et non qu’ils sont meubles afin de s’inscrire dans la nouvelle logique du code civil visant à extraire les animaux de la catégorie des biens meubles ou immeubles. En 1804, on retrouvait à l’article 564 du code civil les pigeons, les lapins et les poissons qui, lorsqu’ils passaient dans un autre colombier, un autre garenne ou un autre plan d’eau, ils appartenaient au propriétaire de ces objets pourvu qu’ils n’y aient pas été attirés par fraude et artifice. Cette possibilité était offerte au tire du droit d’accession aux choses immobilières. Désormais, afin de mettre en place un régime juridique cohérent applicable aux animaux, la notion « ces objets », se référant aux colombier, garenne et plan d’eau, a été remplacée par la notion « ces derniers » afin d’éviter tout risque de confusion dans l’esprit du lecteur qui pourrait croire que « ces objets » se réfèrent aux animaux. L’article 533, quant à lui, dressait une liste de biens qui ne devaient pas être considérés comme meuble lorsque ce terme était « employé seul dans les dispositions de la loi ou de l’homme sans autre addition ni désignation ». Parmi l’argent comptant, les instruments de science, les vins, les foins etc. se trouvait le cheval. Les chevaux, au même titre que les animaux, n’ont plus besoin de dispense pour ne pas être considérés comme meuble. A ce titre, depuis la loi du 16 février 2015, les chevaux ont été retirés de la liste.

A travers la modification de tous ces articles, le législateur a eu le souci du détail afin, qu’à compter du 16 février 2015, il soit impossible de dire que les animaux sont des biens meubles ou immeubles. L’extraction des animaux de la catégorie des biens opérée par l’article 515-14 du code civil a pour conséquence de créer un statut juridique hybride de l’animal quelque part entre les biens et les personnes sans préciser dans quelle catégorie les animaux se trouvent. Ce non-dit du législateur ne devrait pas avoir pour conséquence de freiner l’évolution du statut juridique de l’animal : au contraire il s’agit d’un premier pas vers des perspectives de changement plus poussées en faveur des animaux. La loi du 16 février 2015 a donné ses lettres de noblesse au droit animalier et a mis fin à 200 ans de vision archaïque de l’animal dans le code civil. L’échappé des animaux hors de la catégorie des biens a eu pour conséquence d’affirmer que la valeur intrinsèque de l’animal a pris le pas sur sa valeur marchande et patrimoniale. En inscrivant la sensibilité dans le code civil, pilier du droit français, le législateur a souhaité toucher la société dans son ensemble et faire évoluer les mentalités en faveur d’une meilleure prise en compte du bien-être animal. Afin d’assurer une plus grande cohérence entre les différents textes et rendre leur application efficace, le droit civil s’est rapproché du droit spécial. Posant les bases d’une éventuelle nouvelle catégorie juridique, la loi du 16 février 2015 est la pierre angulaire d’une nouvelle vision de l’animal ouvrant le chemin à d’éventuelles perspectives d’évolution du statut de l’animal plus concrètes.