Faits :


Le TA de Nîmes était saisi par la société CSB Conseil d’une demande d’annulation du titre n°440 émis à son encontre le 29 avril 2015, par laquelle la communauté de commune de Cèze Cévennes l’oblige au paiement de la somme de 50 euros représentant le montant de la redevance spéciale des ordures non ménagères de l’année 2015.


I. L'ORDONNANCE R. 222-1


Le TA saisi, rend une ordonnance R. 222-1 alinéa 2 du code de justice administrative pour incompétence du tribunal administratif : « Considérant qu’aux termes de l’article R. 222-1 du code de justice administrative : « (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (…) 2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ; (…) » ;

L’ordonnance par le biais du « R. 222-1 » pose la question du juge unique dans les juridictions administratives. Le recours au juge unique, statuant par simple ordonnance solitaire n’est pas critiquable puisque le magistrat met fin à des litiges « sans perspectives d’aboutissement » selon le professeur B. Pacteau. La décision rendue par ordonnance R. 222-1 n’est pas tranchée au fond.

Historiquement, c’est en 1984 que fut donné aux présidents de sous-section du Conseil d’Etat le pouvoir de statuer seul sur certains litiges, ce pouvoir fut étendu aux autres juridictions en 1990 avant de voir son champ d’application élargi. En effet, la loi du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions ajoute deux cas aux compétences du juge unique pour faire face « aux incidents de procédure ». La compétence du président pour rejeter des « requêtes qui ne relèvent manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative » au sens de cet arrêt constitue une réponse à l’avis du Conseil d’Etat Landrée (Conseil d'Etat, Avis Section, du 29 novembre 1991, 129441, publié au recueil Lebon).

En effet, dans cet avis, le Conseil d’Etat avait estimé que l’article 9 du code des tribunaux, selon lequel « Les présidents de tribunal administratif, les présidents de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris et les présidents de formation de jugement des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel peuvent, par ordonnance, donner acte des désistements, rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence des juridictions administratives (…) », ne donnait pas compétence aux présidents du tribunal administratif pour rejet, par voie d’ordonnance ayant l’autorité de chose jugée, des conclusions dont la juridiction administrative était manifestement incompétente pour connaître.

En l’espèce, l’ordonnance du TA de Nîmes a été prise sur le fondement du deuxième alinéa de l’article R. 222-1 du code de justice administrative. Par conséquent, le tribunal administratif s’est déclaré incompétent à statuer sur les litiges relatives aux redevances spéciales non ménagères.


II. LA REDEVANCE SPÉCIALE


L’institution de la redevance spéciale (RS) : elle correspond au paiement, par les producteurs de déchets non ménagers, de la prestation de collecte et de traitement de leurs déchets effectuée par la collectivité ou par un prestataire désigné et rémunéré par elle. Elle a été créée par la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975, mais c'est la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992, reprise dans le code général des collectivités territoriales, qui rend son institution obligatoire à compter du 1er janvier 1993, pour toutes les collectivités qui n'ont pas instauré la redevance d'enlèvement des ordures ménagères, dès lors qu'elles bénéficient du transfert partiel ou total des compétences et qu'elles assurent au moins la collecte (loi du 12 juillet 1999). L'institution de la RS ne dispense pas les producteurs de déchets non ménagers du paiement de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM). La redevance spéciale est donc cumulable avec TEOM mais pas avec la redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM) ni avec la redevance d'enlèvement des déchets de camping et de caravaning.

La RS s'applique aux déchets non ménagers que la collectivité peut "collecter et traiter sans sujétions techniques particulières, eu égard à leurs caractéristiques et aux quantités produites". Il s'agit des déchets des commerces, des artisans et des administrations situés dans le périmètre de la collectivité locale où s'effectuent la collecte et le traitement des déchets ménagers.


III. L’INCOMPÉTENCE DU JUGE ADMINISTRATIF


Dans notre cas d’espèce, le TA de Nîmes ne s’est pas prononcé au fond de la requête qui lui est soumise mais a décliné l’incompétence de la juridiction administrative sur le fondement de l’article L. 2333-78 du CGCT selon lequel : « A compter du 1er janvier 1993, les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale qui n’ont pas institué la redevance prévue à l’article L. 2333-76 créent une redevance spéciale afin d’assurer l’élimination des déchets visés à l’article L. 2224-14. Cette redevance est calculée en fonction de l'importance du service rendu et notamment de la quantité des déchets éliminés/ Elle peut toutefois être fixée de manière forfaitaire pour la gestion de petites quantités de déchets. » ;

Il ressort de cet article que le principe posé est que les communes, leurs regroupements ou les établissements publics locaux doivent instituer une redevance pour l’enlèvement, le traitement des déchets ménagers. En cas de litige, par application à l’ordonnance soumise à notre étude, le tribunal administratif est compétent.

Par exception, si aucune redevance n’a été instituée (pour les déchets non ménagers), une redevance spéciale doit être prévue. Pour les litiges nés de ce contentieux, le juge judiciaire est compétent.

En l’espèce, les juges ont jugé que la redevance spéciale ne provenant pas des ménages mais par les communes, les groupements de communes ou les établissements publics locaux pour financer le service d’élimination des déchets est une activité industrielle et commerciale ; que par conséquent, le juge judiciaire est incompétent à connaître le litige né de cette activité. En substance : « ; que, par suite, lorsqu'une commune, un groupement de communes ou un établissement public local finance son service d'élimination des déchets ne provenant pas des ménages par la redevance mentionnée à l'article L. 2333-78 précité du code général des collectivités territoriales et calculée en fonction de l'importance du service rendu, ce service municipal, qu'il soit géré en régie ou par voie de délégation, doit être regardé comme ayant un caractère industriel et commercial ; que, dès lors, la requête de la société CSB Conseil tendant à l’annulation du titre émis par la communauté de commune de Cèze Cévennes à son encontre pour avoir paiement de la redevance spéciale prévue à l’article L. 2333-78 du code général des collectivités territoriales en qualité d’usager de ce service de la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire;».

Cette décision avait été prise dès 2004 par le TA de Versailles (N° 9801819 TA de Versailles, 11 mars 2004). Dans cette décision du TA de Versailles, l’incompétence du tribunal administratif ne relevait pas de la nature des déchets, dès lors qu’il s’agissait bien des déchets ménagers dans cette décision mais mode de financement du service de l’élimination des déchets qui était basé sur le modèle des déchets non ménagers et gérés par la commune. « Considérant que la commune de Cerny a décidé de financer son service d’enlèvement des ordures ménagères par la redevance mentionnée à l’article L 233-78 du code des communes et calculée en fonction de l’importance du service rendu ; que ce service étant géré comme une activité industrielle et commerciale, il n’appartient qu’aux juridictions de l’ordre judiciaire de connaître des litiges relatifs au paiement des redevances qui sont réclamées au usagers de ce service ; »

Par voie de conséquence, nous pouvons dire que la compétence du juge administratif dans les litiges en matière de redevance n’est pas liée à la nature des déchets (qu’ils soient ménagers ou non ménagers) mais du mode de financement du service.


BIBLIOGRAPHIE :

www.legifrance.gouv.fr
www.conseil-etat.fr