Le 27 avril 2004, Paul François, agriculteur charentais inspecte une cuve ayant contenu de l'herbicide l"Asso" commercialisé par Monsanto, multinationale spécialisée dans les biotechnologies agricoles, destiné à ses 240 hectares de mais et en inhale des vapeurs toxiques qui le conduiront à l’hôpital. Coma, défaillances cérébrales, l'état de l’agriculteur est très préoccupant. Des analyses permettront finalement d'identifier la cause de l'état du professionel: le monochlorobenzène, un solvant toxique contenu à haute dose dans le Lasso.

Reconnu comme « accidenté » du travail, ce dernier souffre encore aujourd’hui de troubles neurologiques et immunitaires dont il subit les effets indésirables au quotidien. Ce produit controversé et déjà interdit par la Belgique, la Grande-Bretagne ou encore, le Canada depuis 1985, n’a été retiré du marché français qu’en 2007.
L’agriculteur charentais a alors assigné Monsanto devant le Tribunal de Grande Instance de Lyon en 2010, afin d'obtenir réparation des séquelles subies suite à son empoisonnement à ce produit.
Dans une décision du 13 février 2012, le tribunal lui donna raison en reconnaissant la responsabilité de la firme américaine dans l'intoxication de Paul François suite à son utilisation du pesticide Lasso et l'a astreinte à indemniser entièrement ce dernier. Parmi les griefs invoqués par le tribunal, il a notamment été retenu que l’étiquette du produit en cause ne mentionnait pas la quantité des substances toxiques et qu’aucune information relative aux précautions d’utilisation ne faisait état "des risques liés à l’inhalation du produit ou à la nécessité de porter un appareil de protection respiratoire". Cette décision illustre bien le large contentieux qui déjà développé autour de l'obligation d'information auprès des consommateurs, qui incombe aux industriels, quant aux modalités de commercialisation d'un produit au potentiel toxique

Suite à la décision rendue en première instance, défavorable aux intérêts de Monsanto, la firme forma ainsi un recours devant la Cour d’appel de Lyon.
La société arguait notamment, que Paul François ne pouvait engager qu’une action contractuelle contre elle, afin de lui opposer ses clauses élusives de responsabilité. Or, la Cour d’appel rappelle qu’un tiers à un contrat, en l’espèce celui liant Monsanto et la coopérative de Civray et Chives, acquéreur du produit en cause, pouvait invoquer "sur le fondement de la responsabilité délictuelle un manquement contractuel dès lors que celui-ci lui cause un dommage". Ce qui fut précisément le cas de Paul François.
La Cour d’appel de Lyon jugea, dans le litige opposant « le pot de terre au pot de fer » pour reprendre les termes employés par l'agriculteur, qu’il était manifeste que si l’attention de l’agriculteur "avait été plus spécialement attirée sur les risques graves pour la santé générés par l’inhalation du produit précédemment contenu dans la cuve, ce qu’il n’ignorait pas, il aurait nécessairement agi avec plus d’attention en prenant les précautions qui auraient dû précisément être recommandées sur l’étiquette ou le contenant du produit ".
Ainsi, la Cour retient que Monsanto a failli à son obligation d’information ce manquement ayant directement contribué au préjudice subi par Paul François et justifiant la reconnaissance et la mise en jeu de sa responsabilité pour réparer le dommage causé.
Il a été communiqué le jour du verdict, par Vincent de Fourcroy avocat de l'agriculteur, que cette décision ouvrait "une brèche importante dans la responsabilité des fabricants de pesticides" et que la confirmation de la condamnation de Monsanto était "un espoir pour tous les agriculteurs " du fait qu'il y avait d'autres affaires en cours contre la firme. Ce dernier a également appelé à la création d'un fonds pour indemniser les autres victimes des pesticides.
Il a également estimé dans une intervention publique de Maria Pelletier, présidente de l'association de lutte contre les pesticides, Générations futures "qu'il était temps que ces firmes cessent d'exposer des pans entiers de populations à ces produits dont la toxicité et la dangerosité n'est plus à démontrer ".

Cette première juridique peut avoir des conséquences importantes pour avancer vers une agriculture plus respectueuse de l'environnement. Notamment en France, pays qui reste le troisième plus gros utilisateur mondial de produits phyto-sanitaires et le premier en Europe et cela, en dépit des engagements pris lors du Grenelle de l'environnement en 2008, de diminuer leur usage de moitié.
On ne peut que se réjouir de l’issue de cette affaire qui encourage l’amélioration de l’information des consommateurs et responsabilise les fabricants de produits toxiques quant à la préservation de la santé et de l’environnement. A ce sujet, l'agriculteur victime, à d'ailleurs fait part de sa volonté de faire évoluer sa propre ferme vers une agriculture durable. Cinq ans après, outre sa victoire judiciaire, Paul François est effectivement en train de convertir une centaine de ses hectares, en agriculture bio.


Sources :

http://www.agrisalon.com/actualites/2015/09/10/monsanto-reconnu-responsable-de-l-intoxication-d-un-agriculteur-francais

http://www.environnement-magazine.fr/presse/environnement/actualites/pesticides /confirmation-de-la-responsabilite-de-monsanto-dans-lintoxication-dun-agriculteur