La Cour d’appel d’Amiens a rendu ce mercredi 16 septembre 2015 sa décision maintenant la condamnation de neufs militants de la Confédération paysanne à des amendes avec sursis comprises entre 1 500 euros et 5 000 euros. Ces derniers étaient poursuivis pour deux actions de démontage menées sur le chantier de la ferme industrielle de Drucat en Picardie, en septembre 2013 et mai 2014.

I. Contexte

Une société civile d’exploitation agricole (SCEA) exploite une ferme de vaches laitières. Par un arrêté préfectoral du 1er février 2013, cette exploitation reçoit l’autorisation de n’élever qu’un effectif limité de 500 vaches laitières, outre les veaux et génisses qu’elles mettent au monde. Cette limitation d’effectif est justifiée par le fait que la ferme n’offrait pas de surface suffisante d’épandage pour le digestat (résidus organiques chargés d’azote produits par la méthanisation).
Or la ferme entend constituer progressivement un cheptel de mille vaches et se dote à cet effet d’un méthaniseur.

Opposés à ce projet, neufs militants de la Confédération paysanne se sont alors introduits sur le chantier de la future ferme des 1000 vaches afin de stopper l’exploitation. Poursuivis devant le tribunal correctionnel pour dégradations, vols et recels aggravés, ils ont été condamnés à des amendes et peines allant de 2 à 5 mois de prison avec sursis. D’autres membres du syndicat ont alors manifesté leur soutien en se constituant prisonniers solidaires des prévenus, mettant ainsi en avant la dimension collective et syndicale de l’action.

II. Une action syndicale contre l’agriculture industrielle

En première instance, le tribunal avait prononcé des peines allant de simples amendes à la prison avec sursis. Le porte-parole de la Confédération paysanne avait écopé d’une peine de 5 mois de prison avec sursis et de 300 euros d’amende.

Un contrôle inopiné réalisé le 9 juin 2015 sur demande du préfet (suite à la publication d’un article sur le site Reporterre) révèle le dépassement du plafond autorisé de vaches laitières. Une mise en demeure est alors adressée au propriétaire de cette société agricole, qui se justifie en avançant l'attribution d'un permis de construire.
Les recours introduits par le syndicat de la Confédération paysanne et l’association Novissen concernant le permis de construire et l’autorisation d’exploiter la ferme, ont fait l’objet d’un rejet par le Tribunal administratif d’Amiens le 30 juin. Le rapporteur public avait en effet écarté les arguments des opposants faisant valoir l’atteinte à la salubrité publique, à la potabilité de l’eau et les épandages potentiellement toxiques.

Le 20 juillet 2015, un procès verbal pour non respect de la mise en demeure est transmise au procureur de la République auprès du Tribunal d'Amiens. Le 28 août, la préfecture confirme les sanctions administratives, soit une amende de 7 800 euros et une astreinte journalière de 780 euros à compter de la date de notification de l’arrêté.


Alerté par la Confédération paysanne, le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, demande alors à ce que soit diligentée une enquête publique préalable pour toute augmentation de cheptel de vaches laitières.
Mais les propriétaires de la ferme opposent alors un décret n°2011-63 relatif aux regroupements laitiers affirmant que l’objectif de 899 vaches pouvait être atteint par simple déclaration, sans demande d’autorisation.

Le combat se poursuit.