
Audit énergétique des grandes entreprises : le dispositif réglementaire désormais en place
Par Aicha Barrani
ATOUT FRANCE
Posté le: 15/09/2015 14:22
Le 26 novembre 2014, Ségolène Royal, ministre de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, a annoncé la publication au Journal Officiel du décret qui prévoit la réalisation d’un audit énergétique pour les grandes entreprises de plus de 250 salariés, afin qu’elles mettent en place une stratégie d’efficacité énergétique de leurs activités. L’audit énergétique permet de repérer les gisements d’économies d’énergie chez les plus gros consommateurs professionnels (tertiaires et industriels). Si les investissements préconisés par l’audit sont réalisés, les économies d’énergie peuvent permettre, selon la nature de l’activité, jusqu’à 30 % d’économies, et dépasser 50 % pour la part de la consommation liée au bâtiment.
Le champ d’application de l’audit énergétique est restreint aux entreprises qui respectent un certain nombre de conditions (1) et sa mise en œuvre peut avoir un réel impact sur leurs consommations énergétiques (2).
1. Champs d’application de la réglementation
Le principe de l’audit énergétique obligatoire est prévu par la directive européenne 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique, et a été fixé par la loi n°2013-619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable. L’article 40 de la loi insère dans le titre III du livre II du code de l’énergie un nouveau chapitre consacré à la performance énergétique des entreprises avec quatre articles L233-1 à L233-4 qui constituent la base législative de l’audit énergétique obligatoire et qui fixe le régime des sanctions
Un décret en conseil d’État du 4 décembre 2013 prévoit les seuils au-delà desquels une personne morale doit réaliser un audit énergétique et un décret n°2014-1393 du 24 novembre 2014 et son arrêté d’application eu 24 novembre 2014 prévoient les modalités d’exemption en cas de système de management de l’énergie, le périmètre et la méthodologie de l’audit, les modalités de transmission des documents qui ont de la réglementation, les modalités et critères de qualification des prestataires externes, les critères de reconnaissance de compétence pour l’auditeur interne.
En pratique, d'ici le 5 décembre 2015, les entreprises de plus de 250 personnes ou ayant un chiffre d'affaires de plus de 50 M€ (ou un bilan supérieur à 43 M€) devront avoir réalisé un audit énergétique.
Cet audit énergétique doit permettre d'identifier les gisements d'économies d'énergie, de les hiérarchiser et de proposer des actions d'amélioration, qui devront ensuite être réalisé tous les quatre ans.
2. Mise en œuvre
Le dispositif s'appuiera uniquement sur le paquet de normes NF EN 16247. La première norme (NF EN 16247-1) définit la méthode générale de réalisation des audits, les trois autres précisent des points spécifiques aux secteurs du bâtiment, de l'industrie et des transports. La dernière (NF EN 16247-5) encadre les compétences requises pour l'auditeur.
La directive européenne indique que celui-ci doit être "qualifié et/ou agréé". La norme précise ces points. Ainsi, l'auditeur pourra soit être interne à l'entreprise, soit externe. Quoi qu'il en soit, une première condition est requise : il doit être indépendant du processus qu'il audite. Ensuite, il devra justifier d'un niveau de diplôme et d'une ancienneté suffisants (de deux à sept ans selon le niveau de diplôme). Pour les auditeurs externes, une qualification selon la norme NF X 50-091 sera exigée. Enfin, dans le secteur du bâtiment, les auditeurs devront être qualifiés RGE pour que l'entreprise puisse prétendre aux aides de l'Ademe, qui seront éco conditionnées à partir du 1er janvier 2015.
Enfin, les entreprises certifiées EN ISO 50001, autrement dit celles qui ont mis en place un système de management de l'énergie, seront totalement exemptées de l'obligation d'audit énergétique.
L'audit doit in fine permettre l'élaboration d'un rapport qui renseigne sur la consommation d'énergie de l'entreprise, les types d'énergie utilisée et le montant de la facture pour chaque énergie consommée.
Il doit également dresser des recommandations d'actions d'efficacité énergétique, à trois échelles de temps de retour sur investissement : moins d'un an, 1 à 4 ans, 4 ans et plus. Celles-ci doivent être hiérarchisées, leur coût doit être évalué ainsi que le temps de retour sur investissement de chacune d'entre elles
En moyenne, un audit devrait coûter entre 15.000 à 20.000 euros, mais le temps de retour estimé est inférieur à deux ans. Selon le ministère, les économies d’énergies réalisables peuvent s’élever de 1 à 6% grâce à des opérations requérant aucun investissement. D'autres opérations permettront de rentabiliser immédiatement l'audit.
S'il est difficile d'évaluer le gisement d'économies d'énergie que permettra cette nouvelle obligation, après le 5 décembre 2015, le gouvernement devrait avoir une meilleure vision de la consommation des entreprises et des secteurs concernés. En effet, les données récoltées lors des audits devraient être transmises aux Dreal et analysées par l'Ademe. L'article 48 du projet de loi de programmation sur la transition énergétique prévoit en effet d'habiliter le gouvernement à légiférer par ordonnance afin "de définir les règles de collecte des informations nécessaires au suivi et au contrôle des audits énergétiques (…) ainsi que la collecte des bilans de gaz à effet de serre". Cela devrait permettre à l'Ademe de mettre en place un outil informatique capable de compiler les données et d'obtenir une image plus précise de l'efficacité énergétique dans les grandes entreprises.