
Le sort de la créance environnementale en cas de liquidation judiciaire.
Par Valérie MILLET
Juriste
Cabinet d'expertise Houdart
Posté le: 15/09/2009 8:25
Le risque environnemental n’en demeure pas moins important. Il persiste et survit devenant prioritaire en cas de procédure collective. Il s’agit de déterminer avant tout quand nait la créance environnementale avant de désigner le réel débiteur de cette créance et d’attribuer des rôles de chacun dans la liquidation judiciaire, face au danger de la prescription, et la réelle obligation qui doivent inévitablement envisager la solvabilité du débiteur de cette obligation. Le terme de créance environnemental peut paraître antinomique mais l’environnement renvoie aujourd’hui plus que jamais à un corps de règles, un objectif d’ordre public qui impose naturellement et juridiquement un droit personnel qu’un créancier, quand celui-ci en rapporte la preuve, peut exiger d’un débiteur. L’intérêt à agir ne se démontre plus, le constat de la pollution, crée la créance.
Une créance naît « par suite d’une atteinte portée à l’environnement » (RTD Com 2001, p581 D. Voinot), cette créance est également présente à l’article L514-1 du Code de l’Environnement. Mais il existe une sorte d’opposition naturelle entre l’entreprise et l’environnement ; en effet, l’intérêt économique de l’entreprise s’oppose inévitablement à celui de l’environnement ce que le droit se charge d’arbitrer.
En temps normal, les installations dites classées sont tenues, en cas de cessation d’activité, de remettre en l’état initial le terrain utilisé pour leur activité industrielle. Si rien n’est fait, il est prévu, à la suite d’un contrôle, qu’une mise en demeure de la Préfecture leur soit adressée afin de s’exécuter. A défaut de réalisation de ces travaux c’est le Trésor Public qui prend la relève et se charge de rétablir l’ordre par la consignation d’une somme correspondant au montant total des travaux de réhabilitation, somme progressivement restituée au fur et à mesure de l’avancée des travaux.
La nature de la créance environnementale subit les aléas du temps : avant l’ouverture du jugement prononçant l’ouverture de la liquidation, l’article L622-24 du code de commerce dispose que si son existence est connue, celle-ci doit automatiquement être déclarée, dans les deux mois suivant la date du jugement, par le débiteur sous peine d’inopposabilité ; a contrario, cette créance, dans le cadre de l’article L622-17 du même code, n’est plus obligatoire si elle se révèle postérieurement au jugement. Il y a de quoi y perdre la tête quand on envisage ce type de créance dites « non-contractuelles » ne devraient souffrir d’aucune restriction, au regard des conséquences désastreuses qu’elles emportent mais encore faut-il avoir connaissance de leur existence.
Une subtilité persiste pourtant: un arrêt de 2002 (Cass Com 17/09/2002) avait fait la distinction entre la date de naissance de la créance et celle de l’obligation, survenue ultérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective. Ainsi s’ouvrait le choix entre les deux dates qui offraient des régimes bien différents : avant le jugement, cette créance tombe dans la « masse » du passif généré par l’entreprise durant son activité et sera ou non réglé par le boni de liquidation. Dans le cas contraire, c’est le mandataire liquidation qui s’oblige, cette créance bénéficie du régime prévu à l’article L622-17 I du Code de commerce. Cette dernière ayant été générée postérieurement au jugement et deviendra créance privilégiée payable à échéance et selon l’ordre de priorité du III du même article. Un mandataire liquidateur avait tenté de se servir de l’inopposabilité de l’existence de la créance, déclarée plus de deux mois après le jugement d’ouverture de la liquidation. La Cour d’Appel lui avait alors donné raison mais la Cour de Cassation est revenue sur cette décision et avait alors rétabli l’ordre en rappelant que l’inopposabilité ne s’appliquait pas aux créances postérieures au jugement d’ouverture.
Il est également inévitable d'aborder la délicate question de l’identification du débiteur. La jurisprudence a donc prit le parti de désigner des responsables de « substitution » en cas de réelle absence de débiteur soit en cas d’impossibilité matérielle de pouvoir l’identifier ou bien dans le cas où le débiteur refuse d’exécuter son obligation.
C’est le mandataire liquidateur qui s’en défend bien souvent invoquant des inopposabilités en tout genre mais qui reste bien souvent désigné in fine comme débiteur de substitution, mis ainsi en cause par les tribunaux.
Cette solution de "dépannage" reste incomplète ; les véritables débiteurs profitent pour le moment d’un cadre juridique qui les exonère de leur obligation. En l’état actuel des choses, la confrontation entre ces deux systèmes juridiques en ce qui concerne la responsabilité du "vrai" débiteur n’est pas encore pleinement réglée. Le droit de l’environnement et la jurisprudence restent encore trop fragiles mais surtout mérite d’être revu. Reste à savoir comment se soldera l’éventuelle dépollution de Silpro, usine de production de silicium raffiné, créée en 2007, placée en liquidation judiciaire le 4 août 2009.