L'élaboration de la norme française "Achats Responsables" illustre à merveille la place qu'accorde l'Etat français à la promotion de l'achat durable, et notamment de l'achat public durable. En effet, ayant vocation à s'appliquer tant dans le secteur privé que public, cette norme constitue un véritable outil normatif en faveur de l'achat public durable. Il convient de revenir dans un premier temps sur le contenu de la norme française "Achats Responsables" (§1) avant d'aborder, dans un second temps, le processus d'élaboration d'une norme ISO sur les achats responsables basée sur des travaux menés par l'AFNOR, en collaboration avec l'ANBT, organisme national responsable du système de normalisation brésilien (§2).


§1. Le contenu de la norme française « Achats Responsables »

La norme "Achats Responsables" est structurée en deux parties : la première partie (1.) définit la politique « achats responsables » selon les sept thèmes de l’ISO 26 000. Cette politique est à destination des directions achats et directions générales mais aussi de l’ensemble des parties prenantes de la démarche achat aussi bien interne qu’externe. Cette politique peut être adoptée aussi bien dans le secteur privé que dans le secteur public. Et enfin, cette politique s’adapte à tout type d’organisation quel que soit sa taille ou son activité. La seconde partie (2.) présente des recommandations opérationnelles à destination des acheteurs responsables.

1. La définition de la politique « Achats Responsables »

La construction de la politique d’Achats Responsables s’est faite à l’appui des sept fondements de la RSE préconisés par la norme ISO 26 000. Concernant le principe de gouvernance, la norme française le considère comme étant « le facteur le plus important » car "ce principe est essentiel à la définition de la politique achat responsable, à la mise en œuvre des objectifs, le suivi et la communication interne et externe, etc". Concernant le respect des droits de l’homme, l’achat sera responsable si et seulement si est mis en place des systèmes de contrôle et d’amélioration des impacts sociaux (discrimination, parité homme femme, etc.) de l'activité de l'entreprise mais aussi de celle de ses fournisseurs et sous-traitants, sur leurs salariés. Concernant le volet « relations et conditions de travail », la politique d’achat responsable doit prendre en compte l’identification, la prévention et le traitement des impacts des achats sur l’hygiène, la sécurité, la santé ou le dialogue social de ses salariés et également ceux de ses fournisseurs et sous-traitants. Concernant le volet « environnement », il s’agit de mesurer, prévenir et minimiser l’impact environnemental des achats et la chaîne d’approvisionnement : cela sous-entend la nécessité d’analyser le cycle de vie en coût global, en prenant en compte notamment les impacts environnementaux du produit ou du service et de fixer des indicateurs de suivi. A propos de la « loyauté des pratiques », cela se traduit dans la politique d’achat par une optimisation des délais de paiement afin qu’ils ne soient pas long, par le respect d’un certain équilibre des relations entre clients et fournisseurs en luttant contre la corruption, la concurrence déloyale et en développant l’esprit de partenariat. Concernant les « questions relatives aux consommateurs », la politique d’achat doit contribuer au maintien d’une traçabilité fiable et complète ainsi qu’une sécurité et une qualité d’utilisation du produit ou du service. Enfin, concernant le volet « communautés et développement local », il s’agit d’améliorer le tissu économique et social local en préservant et en accompagnant les fournisseurs locaux.

2. Les recommandations opérationnelles

La norme française recommande de prendre en compte des critères RSE dans la définition du besoin : par conséquent, ces critères devront également être pris en compte dans l’analyse du cout global du produit ou du service. Ensuite, la norme recommande d’ajouter aux spécifications techniques, au stade de l’élaboration du cahier des charges, des exigences RSE ainsi qu’une offre d’accompagnement des fournisseurs vers de meilleures pratiques afin que l’achat soit pleinement responsable. Ensuite, il est recommandé d’effectuer un sourcing afin de réaliser un état des lieux quantitatif et qualitatif en vérifiant les informations données : cela permettra d’établir une liste des fournisseurs capables de répondre aux besoins. Toutes ces recommandations concernent les travaux préparatoires avant de lancer un appel d’offre : lors de l’élaboration de l’appel d’offre, il faudra définir un référentiel RSE explicite en lien avec le secteur concerné et favoriser les fournisseurs les plus matures au plan de la RSE, c’est-à-dire ceux qui ont adopté une politique RSE depuis un certain temps et qui ont donc plus d’expérience. Le référentiel RSE ne suffit pas, il faudrait que l’appel d’offre prévoie des clauses RSE qui permettront d’effectuer un suivi effectif. Une fois l’offre sélectionnée, et le contrat conclu, il faudra s’assurer à ce que le contrat soit exécuté régulièrement en évitant le retard de passage de commande, de paiements, etc. Enfin, tout au long de l’exécution du contrat, il sera question d’assurer le suivi des indicateurs éventuellement fixés dans le contrat et de réaliser des audits internes ou externes.

La norme française NF X50-135 a été traduite en anglais dès sa publication et a connu un certain succès à l’international : une coopération avec le Brésil a été mis en place.

§2. Vers une dimension internationale de la norme française « Achats responsables »

Une norme ISO 20 400 sur les achats responsables est en cours d'élaboration: cette norme est le fruit de travaux effectués conjointement par l'AFNOR et l'ANBT (1.). Si l'ensemble des pays membres de l'ISO ont approuvé le projet de la norme, quelques réticences ont tout de même été exprimées (2.).

1. L’élaboration en cours d’une norme ISO sur les achats responsables

L’Associação Brasileira de Normas Técnicas (ABNT), créée en 1940, est depuis 1992 le seul organisme national responsable du système de normalisation brésilien. Membre fondateur de l’ISO avec AFNOR, l’ABNT a contribué à la fondation de la commission panaméricaine de normalisation (COPANT) et de l’association de normalisation du MERCOSUL (AMN) dont elle assure le secrétariat exécutif. Un accord a été signé en septembre 2012 entre l’ABNT et l’AFNOR Editions lui permettant ainsi de distribuer la collection de normes AFNOR. Par ce biais, l’ABNT proposera les normes françaises mais aussi les normes européennes via leur reprise en collection française (NF EN). Cette convention entre deux acteurs historiques de la normalisation permet aux entreprises brésiliennes et plus largement d’Amérique du sud d’accéder à un large catalogue de normes, outils indispensables au développement économique des organisations à travers le monde. L’ ANBT souhaitait élaborer, au sein de l’ISO, une norme sur les achats en soutien de l’ISO 9001 : dans ce contexte, AFNOR a proposé à l’ABNT de s’associer au projet français qui visait à élaborer une norme ISO sur les achats responsables, basée sur la norme française. Le projet de la norme a été soumis à consultation des pays membres ISO de novembre 2012 à janvier 2013. Le vote a été massivement positif pour le projet proposé : sur 32 votes exprimés, 25 furent positif, 5 négatifs et deux abstentions. 19 pays membres se sont annoncés prêts à s’impliquer activement dans les travaux. En février 2013, un Comité de Projet ISO pour héberger ces travaux a été créé.

2. Les réticences exprimées

Durant la consultation du projet, plusieurs réticences ont été exprimées : d’abord, l’application de la norme à la fois au secteur privé et public a été difficilement appréhendée. Ensuite, certaines réserves ont été émises concernant la pertinence d’une norme ISO sur les achats responsables : celle-ci semblait être redondante avec d’autres travaux en cours, ainsi qu’avec les réglementations et les normes existantes. En ce sens, l’approche holistique de l’ISO 26 000 a été critiqué et s’est posée la question de savoir si cette norme sur les achats responsables serait certifiable, alors que l’ISO 26 000 ne l’est pas. Ensuite, pour l’Allemagne ou les Etats Unis, leurs réticences traduisaient une préférence à l'élaboration d'une norme ISO sur les achats responsables "neutre" plutôt que de se baser sur une norme française.

Finalement, l’élaboration de nouveau projet relatif aux achats responsables proposé par l’AFNOR et l’ABNT a été approuvée. La future norme ISO 20400 sera élaboré par le comité ISO/CP 277, auquel participent une vingtaine de pays. La future norme ISO 20400 permettra d'uniformiser les lignes directrices et les principes applicables par toutes les parties prenantes qui opèrent avec des processus d'achat en internes et avec l’extérieur – notamment les entrepreneurs, les fournisseurs, les acheteurs, et les autorités locales – pour démontrer leur respect des bonnes pratiques en matière d’achats durables. Toutes les organisations, indépendamment de leur taille et de leur secteur d’activité, en bénéficieront en intégrant les principes et les domaines d’action de la responsabilité sociétale dans leurs processus d'achat. La norme permettra la valorisation des pratiques de gestion essentielles en matière d’achats ; la distinction entre les programmes qui, sur toute la chaîne d’approvisionnement, représentent de véritables efforts pour l'environnement et les droits humains ou contre la corruption, et les programmes qui ne sont que de simples activités de façade, d’encourager les autres organisations à lancer des programmes similaires en tirant d’emblée parti de l'expérience des experts et des précurseurs déjà initiés.

http://www.iso.org/iso/fr/home/news_index/news_archive/news.htm?refid=Ref1873

http://www.afnor.org/liste-des-actualites/actualites/2014/juin-2014/vers-une-dimension-internationale-de-la-norme-francaise-achats-responsables-les-utilisateurs-en-parlent

http://www.comite21.org/docs/actualites-adherents/2013/entreprises/gt-achats-responsables-afnor.pdf