a- Les restrictions d’exploitation des aéronefs

Le premier texte à traiter le bruit comme une nuisance ayant spécifiquement trait à l’environnement a été adopté au niveau de l’Union européenne. Il s’agit de la directive cadre n° 2002/49 du Parlement européen et du Conseil relative à l’évaluation et à la gestion du bruit dans l’environnement.
Afin de compléter le cadre général de lutte contre le bruit, l’Union européenne a également adopté des législations sectorielles visant plus spécifiquement la réduction des nuisances dans certains domaines.
Dans le domaine de l’aéroportuaire, il s’agit du règlement n° 598/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif à l'établissement de règles et de procédures concernant l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit dans les aéroports de l'Union, dans le cadre d'une approche équilibrée la directive n° 2002/30 du Parlement européen et du Conseil, 26 mars 2002. Cette directive reprend notamment, au niveau de l’Union européenne, les normes acoustiques élaborées en premier lieu par l’organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Cette législation de l’Union européenne classe les aéronefs en plusieurs catégories en fonction des nuisances sonores générées par les appareils. Les aéronefs mentionnés au chapitre 1 sont interdits d’exploitation, ceux du chapitre 2 sont, sauf dérogation, interdits en Europe depuis le 1er avril 2002. Le chapitre 3 précise les règles applicables aux aéronefs dont l’exploitation peut être restreinte en adoptant « l’approche équilibrée » issue de l’OACI qui vise un bilan avantages / inconvénients de l’exploitation avant toute restriction. Enfin, les aéronefs du chapitre 4 ne peuvent pas faire l’objet de restrictions par les Etats membres .
La Cour de Luxembourg a eu l’occasion d’interpréter la notion de restriction d’exploitation dans un arrêt du 8 sept. 2011, European Air Transport SA c/ Région de Bruxelles-Capitale. Elle précise qu’il s’agit d’« une mesure prohibitive de nature préalable et objective qui interdit l’accès d’un aéronef à réaction subsonique civil à un aéroport. Le contenu de l’ordre caractérisant ces mesures est l’interdiction expresse d’atterrir. Par conséquent, les mesures ex post et répressives, comme c’est le cas d’un régime de sanction applicable aux émissions sonores, ne seraient pas des “restrictions d’exploitation”» .
En cas de non-respect de ces dispositions, l’Autorité peut prononcer des sanctions administratives à l’encontre des exploitants d’aéronefs.
Ces dispositions européennes ont été transposées par un décret n° 2004-1051 du 28 septembre 2004 relatif à l'introduction de restrictions d'exploitation liées au bruit sur certains aérodromes et modifiant le code de l'aviation civile, qui donne le pouvoir de sanction en cas de non-respect des restrictions d’exploitation à l’Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA) .
Cette réglementation a donné lieu à un contentieux administratif. En l’espèce, une association de protection de riverains de l’aéroport de Paris Charles de Gaulle avait fait demande au ministre des transports, équipements, du tourisme et de la mer d’interdire tout mouvement d’aéronef la nuit en se fondant notamment sur les objectifs de la directive 2002/30/CE et sur l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme . Le Conseil d’Etat rejette ces arguments au motif qu’il existe un plan d’exposition au bruit, une limitation des mouvements de aéronefs les plus bruyants et une taxe en fonction des horaires de circulation des avions. De plus, il relève au sujet de l’article 8 de la convention EDH qu’il n’a pas été « porté atteinte au bon équilibre entre le droit des personnes au respect de leur vie privée et familiale et les intérêts notamment économiques liés à l'activité nocturne de cet aéroport ». Ainsi, l’association est déboutée de sa demande d’annulation de la décision implicite de rejet du ministère d’adopter un arrêté interdisant tout mouvement aérien nocturne.

b- Les sanctions et recours associés au régime spécial

Le non-respect des restrictions d’exploitation peut dans un premier temps fonder un recours en responsabilité délictuelle en vertu de l’article 1382 du Code civil. Il suffirait alors au requérant de démontrer que la compagnie aérienne n’a pas respecté les dispositions lui étant applicables en matière de circulation aérienne, ce qui peut s’analyser comme une faute délictuelle ; qu’il a subi un préjudice (matériel, corporel ou moral) et enfin que c’est cette méconnaissance des dispositions qui a conduit au dommage subi.
S’agissant des recours en responsabilité fondés sur les nuisances acoustiques générées par les avions, la Cour de cassation considère traditionnellement qu’il s’agit d’une « responsabilité exceptionnelle qui est une charge des entreprises liée à l'exploitation des lignes aériennes » . Ainsi, ce sont les compagnies aériennes qui supportent le coût des dommages liés à l’exploitation aérienne.
A l’inverse, la Cour européenne des droits de l’homme a pu considérer qu’un Etat n’était pas obligé d’instaurer un recours contre l'exploitant d'un avion volant à une altitude raisonnable et dans le respect des règlements relatifs au trafic aérien . Elle met donc implicitement à la charge de l’exploitant d’aéroport ou de l’Etat la charge de la réparation des préjudices dus aux nuisances sonores. Dans cette affaire Powell c/ Royaume-Uni, la Cour de Strasbourg s’est appuyée sur l’article 8 de la Convention consacrant le droit au respect de la vie privée et à un environnement sain en considérant que «le bruit des avions de l'aéroport de Heathrow avait diminué la qualité de la vie privée et les agréments du foyer des requérants».
En matière de recours administratif, tant les compagnies faisant l’objet d’une restriction d’exploitation en vertu de la législation relative aux nuisances sonores que les riverains s’estimant victimes de celles-ci peuvent intenter une action devant le juge administratif aux fins de voir annuler une réglementation ou être indemnisé en raison d’une carence ou d’une faute de l’Administration.
Il existe également un important contentieux des plans d’exposition au bruit, documents d’urbanisme régissant ces nuisances acoustiques.
Dans ce cadre il convient de noter que le Conseil d’Etat est venu souligner, dans un arrêt du 6 juin 2007, que les requérants victimes de nuisances aéroportuaires ne peuvent pas invoquer les paragraphes 2, 3 et 7 de l'article 6 de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement faite à Aarhus le 25 juin 1998. En effet, ces articles ne sont d’effet direct qu’en ce qui concerne les activités expressément visées à l’annexe I de ladite convention, ce qui n’est pas le cas des activités aéroportuaires . Ces dispositions mettent seulement des obligations à la charge des Etats parties et n’impactent pas les relations entre personnes privées et Etat.