I. Le renforcement des obligations d’information des sociétés


Le rapport annuel du conseil d’administration (A) et le rapport du président du conseil d’administration (B) voient leur contenu modifié par la loi sur la transition énergétique.

A. L’élargissement des obligations d’information du rapport annuel RSE aux enjeux climatiques


L’article L225-102-1 du code de commerce, applicable aux sociétés anonymes, définit le contenu du rapport annuel que le conseil d’administration doit présenter à l’assemblée annuelle des actionnaires, c’est-à-dire celle clôturant l’exercice comptable.
La loi Grenelle 2 avait rendu obligatoire, au sein de ce rapport annuel, un reporting environnemental et social (RSE), à compter de l’exercice 2012, pour les entreprises cotées ou non d’une certaine taille. Cette obligation a été modifiée en 2013 et en 2014 pour finalement concerner toutes les entreprises sous forme de société anonyme ayant plus de 500 salariés et 100 millions d’euros de chiffres d’affaires ou de total de bilan.

Ce reporting signifie que les sociétés doivent transmettre « des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité ainsi que sur ses engagements sociétaux en faveur du développement durable et en faveur de la lutte contre les discriminations et de la promotion des diversités ». A cet effet, un décret en Conseil d’Etat a établi deux listes d’informations devant être divulguées : l’une pour les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé et l’autre pour les autres sociétés anonymes.
La loi sur la transition énergétique modifie le contenu du rapport RSE en ajoutant l’obligation de divulguer des informations sur la prise en compte par la société des « conséquences sur le changement climatique de son activité et de l’usage des biens et services qu’elle produit ».

En effet, le député Arnaud Leroy, à l’origine de l’amendement à la loi sur la transition énergétique qui intègre cette disposition, souhaitait ainsi que les entreprises prennent mieux en compte « les enjeux liés au changement climatique et donc à la transition énergétique ».
La retranscription des débats parlementaires nous informe que M. Leroy avait souhaité qu’il soit précisé expressément que cette obligation s’applique également aux établissements de crédit, aux entreprises d’investissement, aux compagnies financières et aux sociétés d’assurance quelle que soit leur forme juridique, mais cet amendement n’a pas été retenu. Suite à un débat sur l’utilité d’une telle précision et sa portée pour les établissements cités, la ministre de l’Environnement a conclu qu’il n’était pas nécessaire de les mentionner expressément car la majorité de ces établissements seraient soumis au renforcement de l’obligation d’information en tant que société anonyme cotée.


B. L’insertion d’une analyse des risques financiers liés aux changements climatiques dans le rapport du président du conseil d’administration


L’article L225-37 du code de commerce relatif aux délibérations du conseil d’administration des sociétés anonymes prévoit que, s’agissant des sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé, le président du conseil d’administration doit établir un rapport joint au rapport annuel. Ce rapport traite de l’application de la représentation équilibrée entre les hommes et les femmes au sein du conseil, des procédures de contrôle interne et de gestion des risques mises en place par la société et du traitement de l’information comptable et financière pour les comptes sociaux ou consolidés. Il doit également informer des limitations de pouvoirs que le conseil apporte éventuellement au directeur général.
La loi pour la transition énergétique modifie l’alinéa 6 de cet article en ajoutant au contenu du rapport l’obligation de rendre compte « des risques financiers liés aux effets du changement climatique et des mesures que prend l’entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas-carbone dans toutes les composantes de son activité ».

Cette nouvelle obligation d’information devra être remplie dès l’exercice clos au 31 décembre 2016.
Ce rapport étant rendu public, il s’agit d’informer le public, et ainsi tous les actionnaires potentiels puisqu’il s’agit d’une société cotée, de l’impact du changement climatique sur la solidité financière de la société. En réalité cette obligation impose aux entreprises d’effectuer cette évaluation et le cas échéant de réorienter leurs activités. Les entreprises doivent ainsi contribuer à la lutte contre le changement climatique tout en améliorant leur solidité financière sur le long terme.


II. Le durcissement des obligations d’information des investisseurs


Les investisseurs institutionnels doivent désormais divulguer des informations ESG dans leur rapport annuel (A) et de nouvelles obligations d'informations spécifiques à la lutte contre le changement climatique sont créées par la loi sur la transition énergétique (B).


A. L’insertion d’informations ESG dans le rapport annuel


Tout d’abord, il s'agit d'étudier ici l’article L533-22-1 du code monétaire et financier, créé par l'ordonnance du 1er août 2011 relative aux OPCVM et à la modernisation du cadre juridique de la gestion d'actifs transposant la directive OPCVM IV et reprenant en l'étendant l'obligation issue de la loi Grenelle 2, qui est relatif aux obligations particulières des sociétés de gestion de portefeuille en tant que prestataires de services d’investissement.
Cet article prévoit que les sociétés de gestion mettent à la disposition des souscripteurs d’OPCVM ou de FIA (Fonds d’Investissement Alternatifs) des informations sur les « modalités de prise en compte dans leur politique d’investissement des critères relatifs au respect d’objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance » et doivent pour cela préciser « la nature de ces critères et la façon dont elles les appliquent ». Ainsi, lorsqu’elles investissent dans des sociétés, les sociétés de gestion doivent avoir élaboré une politique ESG. Les modalités d'information sont précisées par décret.

Egalement, elles doivent indiquer « comment elles exercent les droits de vote attachés aux instruments financiers résultant de ces choix ». Cela signifie que les sociétés de gestion, qui, lorsqu’elles investissent leurs OPCVM ou FIA dans le capital de sociétés deviennent actionnaires et acquièrent dans ce cadre les pouvoirs politiques des actionnaires – dont le droit de vote –, doivent indiquer aux porteurs pour le compte desquels elles agissent, la manière dont elles vont voter les résolutions en prenant en compte les aspects ESG.
Ensuite, la loi sur la transition énergétique comble un vide juridique par la création d’obligations à la charge des investisseurs institutionnels dans un nouvel alinéa ajouté à l’article L533-22-1.

Le nouveau troisième alinéa prévoit qu’un certain nombre d’entités qui sont des investisseurs institutionnels (entreprises d’assurance et de réassurance, mutuelles ou unions, institutions de prévoyance et leurs unions, société d’investissement à capital variable, Caisse des dépôts et consignations, …) doivent mentionner dans leur rapport annuel et mettre à la disposition de leurs souscripteurs « une information sur les modalités de prise en compte dans leur politique d’investissement des critères relatifs aux respect d’objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance et les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique ». Elles doivent également indiquer la « nature des critères et la façon dont ils les appliquent » ainsi que la manière dont elles exercent leurs droits de vote.

Ainsi, l’obligation qui était prévue pour les sociétés de gestion au premier alinéa est étendue aux investisseurs institutionnels afin de combler le vide juridique qui les entourait.


B. L’obligation de publication de l’empreinte carbone et de la contribution à la transition énergétique


La loi sur la transition énergétique innove encore en ajoutant un quatrième et dernier alinéa à l’article L533-22-1 du code monétaire et financier précité.

Le nouvel alinéa prévoit que les investisseurs visés au troisième alinéa, dès lors qu’ils excèdent des seuils fixés par un décret à paraître, doivent fournir de nouvelles informations sur leur « prise en compte de l’exposition aux risques climatiques, notamment la mesure des émissions de gaz à effet de serre associée aux actifs détenus (c'est-à-dire leur empreinte carbone), ainsi que la contribution au respect de l’objectif international de limitation du réchauffement climatique et à l’atteinte des objectifs de la transition énergétique et écologique ».
Cette contribution sera appréciée en fonction de cibles indicatives définies et il est précisé que les entités énumérées au troisième alinéa n’atteignant pas leurs objectifs devront se justifier.

Une difficulté apparaît à la lecture du texte : est-il bien applicable aux sociétés de gestion de portefeuilles en ce qui concerne les OPCVM et autres FIA qu'elles gèrent ?
L’amendement déposé initialement visait à ajouter les alinéas 3 et 4 pour qu’ils soient applicables aux « investisseurs institutionnels ».

Si le titre dans lequel cet article est inséré vise les obligations spécifiques des sociétés de gestion en tant que prestataire de service d'investissement, celui-ci ne peut être qu'un indice dès lors que les titres des chapitres, sections ou paragraphes d'un code n'ont pas de valeur juridique.

Ensuite, le texte vise expressément les entités du troisième alinéa, lequel ne mentionne pas les sociétés de gestion, qui ne sont mentionnées qu’au premier alinéa. La loi dispose au surplus que les entités visées au troisième alinéa ne seront soumises aux nouvelles obligations d'information susmentionnées que si elles remplissent les critères de seuils visés par décret et par ailleurs.
Mais l’article contient également une définition des impacts environnementaux et indique que l'empreinte carbone et la contribution à la transition énergétique sont incluses dans cette définition, lesquels impacts sont mentionnés au premier et troisième alinéa.

Comme la loi ne dispose pas expressément que les sociétés de gestion de portefeuilles sont concernées par ces nouvelles obligations, plusieurs lectures de cet alinéa 4 semblent alors possibles :
- soit les sociétés de gestion ne sont pas soumises à cette obligation renforcée : il s'agit d'une lecture stricto sensu des dispositions ;
- soit il faut comprendre de l'esprit du texte que les sociétés de gestion sont concernées : cela suppose de lire la définition d’impacts environnementaux de manière indépendante de l'alinéa en question et considérer qu’elle est autonome et s’applique aussi au premier paragraphe.

Dans une telle hypothèse, il est possible de s’interroger ensuite sur le point de savoir si les sociétés de gestion de portefeuilles seront concernées par les seuils à venir dans le décret et par la possibilité de s’expliquer en cas de non-atteinte de l’objectif puisque seules les entités de l'alinéa 3 sont visées par ces dispositions.

Malgré cette difficulté, le secteur ne semble pas se tromper en se préparant à adopter ces nouvelles obligations sans s’interroger outre-mesure sur son applicabilité qui est en soi logique. En effet, les sociétés de gestion gèrent l’épargne d’investisseurs institutionnels et particuliers à travers des fonds investis dans diverses sociétés cotées. Il ne serait pas logique que les investisseurs institutionnels, qui n’étaient soumis à aucune obligation d’information RSE jusqu’à la présente loi, deviennent débiteurs d’un plus grand nombre d’informations que les sociétés de gestion.

Pour conclure, il est également intéressant de noter que la loi nouvellement adoptée prévoit l’obligation de prendre en comptes les risques climatiques dans les tests de résilience (stress-tests), c'est-à-dire les scénarios de chocs des établissements de crédit.