Une généralisation des juridictions spécialisées en matière environnementale telles qu’elles peuvent exister au Canada, au Kenya ou en Inde, est essentielle pour une meilleure protection de l’environnement.

L’environnement est en effet un domaine qui fait appel à des notions juridique, technique et scientifique exigeant un niveau de compétence et d’expertise élevés.
Une généralisation des juridictions vertes permettrait ainsi aux justiciables une meilleure lisibilité de la carte judiciaire.

Ainsi au Chili, le premier tribunal vert de l’environnement a vu le jour grâce à une loi datant de juin 2012.
Composé de onze membres - trois juristes, deux scientifiques, un écologue, trois juges dont deux juristes et un scientifique (…) - sa composition très hétéroclite reflète néanmoins une cohérence manifeste puisque tous disposent d’un niveau de compétence significatif pour un traitement plus efficace du contentieux environnemental.

Rappelons que la place des scientifiques est primordiale en raison de leurs missions d’expertise et de juge exercées au sein d’un tribunal mixte.

De surcroît, le tribunal de l’environnement constitue un contrepoids au pouvoir discrétionnaire dans le domaine environnemental et permet de mieux répondre aux besoins technique et scientifique de la matière.

Il est une véritable juridiction indépendante et non une autorité administrative indépendante, d’où la possibilité pour le justiciable de faire appel des décisions rendues devant les juridictions suprêmes que sont la Cour d’appel et la Cour suprême.

Les compétences dont jouit le tribunal vert confirment son rôle de véritable juridiction.

Il peut tout d’abord être assimilé à un tribunal du contentieux administratif puisqu’il connait des recours de légalité c’est-à-dire des contestations par tout demandeur de la légalité des normes environnementales, des recours contre tout décret ou acte administratif relatifs à l’environnement.
Il doit aussi vérifier la légalité des décisions prises par l’organisme de contrôle relevant de l’exécutif, c’est-à-dire qu’il est possible pour tout justiciable de contester la décision portant sur une autorisation ou un refus d’exploitation.

Par ailleurs, cette juridiction verte exerce une compétence non contentieuse qui se traduit par l’obligation de donner un avis dans le cas où l’organe de contrôle doit prendre une mesure ou sanction ayant des conséquences sur l’environnement.

Il est aussi un tribunal de droit commun en matière de préjudice écologique d’où la possibilité d’octroyer des indemnités aux victimes subissant les conséquences personnelles du préjudice écologique.

Enfin, il agit pour une réparation du préjudice écologique pur sous forme d’une réparation exclusivement en nature sauf si le responsable a lui-même mis en place un plan de mesure.
Cette réparation est conditionnée par la preuve d’une faute ou d’un dol à l’origine du dommage et par des exigences de procédure civile car les titulaires de l’action sont limités.

Ainsi seuls peuvent saisir le tribunal vert pour ce motif, les collectivités publiques, le Conseil de défense de l’état et les personnes ayant subi des conséquences personnelles résultant du dommage écologique.

La célèbre affaire Pascua Lama illustre l’exigence d’une généralisation des juridictions vertes tout en pointant le caractère lacunaire de celles-ci en raison notamment du poids du lobbying industriel et du risque d’une prévalence des intérêts économiques.

Il s’agissait en l’espèce d’une mine d’or à ciel ouvert que projetait d’exploiter l’entreprise minière canadienne Barrick Gold Corporation au Nord du Chili et précisément dans la précordillère de la vallée du Huasco. Or les travaux de construction ont été une source de pollution massive affectant tant les ressources en eaux que les sols du site. C’est pourquoi une cessation immédiate de l’exploitation avait dans un premier temps été décidée par l’autorité environnementale du Chili.

Toutefois, au regard des enjeux financiers conséquents et de l’activité économique florissante résultant de son exploitation, la Cour suprême a finalement autorisé le permis environnemental de l’exploitation sous conditions pour la société de respecter les exigences environnementales et surtout de préserver les glaciers situés autour de la zone d’extraction d’or.

Malgré les conséquences environnementales désastreuses, le projet d’exploitation a été maintenu ce qui tend à souligner une prévalence manifeste des intérêts économiques sur la protection de l’environnement.

En définitive, une généralisation des juridictions vertes à l’instar du Chili est la condition intrinsèque d’une meilleure défense de l’environnement.

Elle permet en effet d’assurer un contrôle des pouvoirs politique et discrétionnaire de l’administration et constitue en ce sens un contre-pouvoir en matière environnementale.
Elle est aussi une source de sécurité juridique en faveur des justiciables au regard des compétences de ses membres et d’un regroupement du contentieux.

Toutefois, comme l’illustre l’affaire Pascua Lama, l’efficacité de ces juridictions vertes est à tempérer en raison du risque d’une prévalence des enjeux économiques sur la protection de l’environnement.