Le droit des achats publics durables est un droit nouveau qui prend naissance dans les textes issus de du Sommet de Rio de 1992 et dont l’élaboration est en pleine construction. A l’échelle internationale, les textes invoquant la nécessité de modifier les modes de consommation des acheteurs publics se sont avérés davantage incitatifs que contraignants. Dans ce contexte, l’Union européenne a joué un rôle considérable en faveur de la consécration d’un véritable droit des achats publics durables. Si dans un premier temps elle s’est contentée de rappeler aux Etats membres de l’Union européenne leurs engagements politiques, elle a ensuite rapidement pris des mesures plus contraignantes afin que les Etats mettent en œuvre de façon effective lesdits engagements au travers des directives « marchés publics » de 2004 qui ne seront pas traitées dans le présent article. Antérieurement à l’adoption de ces directives, la Commission européenne avait publié en 2003 une communication dans laquelle elle fixait des orientations afin que tous les Etats membres s’engagent dans une démarche d’achat public durable(I). Si la France est souvent qualifié de « mauvaise élève », elle a cette fois-ci était l’un des premiers Etats à avoir élaboré un plan national d’action des achats publics durables suite aux recommandations de la communication de la Commission européenne. Le premier PNAAPD, pour la période 2007-2010, n’a pas connu un franc succès et a montré certaines limites (II). Afin de tirer un bilan du premier exercice du PNAAPD et de mieux comprendre les attentes des acheteurs publics, l’Observatoire économique de l’achat public (OEAP) a mené une enquête en 2011 : selon les acheteurs publics, le premier PNAAPD avait une portée peu pratique et non contraignante. Fort de ces critiques, le nouveau PNAAPD définit des actions concrètes et précises, notamment en faveur de la mise en œuvre effective du droit des achats publics durables. (III).


I. Les initiatives de la Commission européenne en faveur de l’achat public durable


De Rio à Johannesburg, les ONG et de nombreuses associations ont vivement critiqué l’inertie des pays du Nord face à l’intensification des dégâts environnementaux et sociaux. De facto, de Rio à Johannesburg, l’Union Européenne a marqué sa volonté, via ses politiques publiques, de jouer un rôle actif dans la promotion du développement durable. En 1993, le cinquième programme communautaire de politique et d’action pour l’environnement de l’Union européenne, intitulé « vers un développement soutenable » a été adopté. Ce programme, s’appliquant sur la période 1993-2000, était destiné à mettre en œuvre, à l’échelle européenne, l’Agenda 21 de Rio et visait notamment à assurer l’intégration des préoccupations environnementales dans les politiques publiques européennes, et indirectement, dans les politiques publiques des Etats membres. Ce programme s’en est suivi par l’élaboration, en 1994, de la charte d’Aalborg invitant les collectivités à soutenir l’Agenda 21 de Rio et à élaborer des plans d’action globaux à moyen et long terme. Elle a été signée par 2400 collectivités européennes : seulement 38 collectivités françaises en font partie . A la demande du Parlement et du Conseil Européen, la Commission européenne a présentée, en 2000, une évaluation globale de la mise en œuvre et du succès du programme : certaines améliorations sont constatées mais ne se sont pas avérées suffisantes au vu de l’aggravation de l’impact de certains secteurs sur l’environnement, notamment celui du transport. En janvier 2001, la Commission européenne propose un sixième programme en faveur de l’environnement dans lequel il est question de renforcer l’intégration des préoccupations environnementales dans divers secteurs d’activité et dans lequel elle insiste sur la nécessité d’une mise en œuvre plus complète des législations environnementales par les Etats-membres.
Dans deux communications de 2001 , la Commission européenne précise les possibilités d’intégrer des considérations respectivement environnementales et sociales dans les marchés publics. Leur rédaction est claire et précise : les communications ont vocation à guider les pouvoirs adjudicateurs dans l’intégration de considérations sociales ou environnementales dans le processus d’achat en précisant les outils juridiques du droit européen disponible à cette époque. En 2003, elle publie une communication dans laquelle elle fixe des orientations pour que tous les Etats membres s’engagent dans une démarche d’achat public durable : de cette initiative, est né le plan nation d’action des achats publics durables 2007-2010 en France, publié en mai 2007.


II. L’apport limité du PNAAPD 2007-2010 en faveur du droit des achats publics durables


Le PNAAPD 2007-2010 se présente en 6 chapitres répartis en 2 parties. L’une des premières vocations de ce premier PNAAPD a été de faire un rappel du cadre réglementaire relatif aux achats publics durables . A cet égard, il rappelle le contexte dans lequel a émergé la promotion de l’achat public durable à l’échelle internationale, et comment l’intégration des considérations sociales et environnementales dans les marchés publics a été encadrée par le législateur européen. Dans un second temps, le PNAAPD fait un « états des lieux » des outils à disposition des acheteurs publics leur permettant de consommer mieux. Parmi les outils recensés, on y trouve des « outils d’aide » que sont les guides d’achat, thématiques, ou généraux, des « outils de formation », formations proposées principalement par l’IFORE, des « outils de sensibilisation », notamment les moyens déployés par le ministère de l’Ecologie du Développement durable et de l’Energie pour promouvoir l’achat public durable. Enfin, le PNAAPD finit par fixer des objectifs en précisant les moyens d’action pour les atteindre à l’horizon 2010.
Si le PNAAPD 2007-2010 a le mérite de faire un rappel clair des sources du droit des achats publics durables, il en est différemment quant aux modalités de mise en œuvre : le droit des achats publics durables est un droit mou, non contraignant, laissant aux acheteurs publics la liberté d’intégrer, ou non, des considérations environnementales dans les marchés. De ce fait, afin que soit mis en œuvre en pratique le droit des achats publics durables, il faudrait davantage encourager les acheteurs publics en leur montrant la marche à suivre notamment. Or, dans le PNAAPD 2007-2010, les actions en faveur de la mise en œuvre effective du droit des achats publics durables sont inexistantes.
D’après une enquête menée par la commission européenne en 2010 , la France est figure parmi les cinq premiers Etats membres en nombre d’acheteurs publics ayant inclus des clauses environnementales dans leurs marchés. Selon cette enquête, c’est le cas pour au moins 50% marchés publics français. Néanmoins, outre la fiabilité des chiffres, il faut nuancer la portée de cette enquête.
Premièrement, le fait que 50% des marchés publics conclus par l’Etat français aient intégré une clause environnementale ne signifie pas pour autant que les acheteurs publics l’aient fait suite à la publication du PNAAPD. A cet égard, selon une enquête menée par la Direction des Affaires Juridiques du Ministère de l’économie, auprès des acheteurs publics au premier trimestre 2011 , seuls 20% des acheteurs publics ayant répondu à l’enquête connaissaient le PNAAPD publié en 2007. Cela prouve la portée limitée du PNAAPD qui a manqué fortement de publicité et de communication. Selon la même enquête, parmi ceux qui connaissent le PNAAPD, 80% s’en sont inspirés pour insérer des clauses sociales et environnementales dans leur marché, mais la majorité a considéré qu’il ne permettait pas d’apporter une aide sur la rédaction des critères de sélections des candidats et des offres. Cela prouve cette fois, la portée limitée du PNAAPD dont le caractère pratique et concret a été critiqué.
En ce sens, et deuxièmement, ce chiffre constitue une donnée davantage quantitative que qualitatif : aucune précision n’est donnée sur le contenu des clauses environnementales et de ce fait, il n’est pas possible d’estimer les effets de l’insertion d’une clause environnementale dans les marchés publics. Pour rendre l’achat public durable efficient, il ne suffit pas d’insérer des clauses sociales ou environnementales, mais il est nécessaire que celles-ci soient correctement rédigées afin d’aboutir aux effets souhaités. Parce que le PNAAPD a beaucoup insisté sur le « quoi acheter », les rédacteurs du PNAAPD 2015-2020 se sont focalisés davantage sur le « pourquoi acheter » en mettant en avant les avantages tirés de l’achat public durable et sur les moyens à mettre en œuvre pour effectuer des achats publics durables efficace et efficient.


III. PNAAPD 2015-2020 : la consécration de véritables mesures en faveur de la mise en œuvre effective du droit des achats publics durables


Dans la première partie du nouveau plan national d’action, il est question de rappeler le contexte de son élaboration ce qui comprend un rappel des textes applicables en matière d’achat public durable et un état des conséquences tirés du premier plan national d’action qui n’a pas eu l’effet escompté. La seconde partie se divise en trois sous parties représentant chacune un champ d’action afin de faire face aux obstacles de la mise en œuvre effective du droit des achats publics durables. Le premier axe se caractérise par l’élaboration de mesures en faveur de la mobilisation des décideurs, le second par l’élaboration de mesures d’accompagnement des acheteurs et le dernier par la mise en place de moyens permettant de rendre compte des progrès réalisés. Ce nouveau PNAAPD parait plus pragmatique du fait de l’effort de définition de mesures concrètes et pratiques.
A l’approche de la COP21 qui aura lieu en France en décembre prochain, et en raison des critiques quant au manque de publicité qu’a connu le PNAAPD 2007-2010, le PNAAPD 2015-2020 a connu une plus grande publicité. Aussi, le PNAAPD 2015-2020 a pour particularité de proposer des actions à mener beaucoup plus concrète et définit plus précisément les outils à exploiter pour promouvoir l’achat public durable. L’une des nouveautés de ce PNAAPD est qu’il pointe du doigt le manque d’effectivité du droit des achats publics durables et propose des actions prioritaires à mener afin de le promouvoir : l’une des actions à mener tend à la sensibilisation aux dispositifs réglementaires obligeant ou incitant à l’achat public durable et ce, de manière permanente. Il est question de rappeler les obligations légales qui incombent aux acheteurs publics, notamment l’article 1 du CMPC qui oblige à prendre en compte les considérations de développement durable dès la définition du besoin. Dans le même sens, ce PNAAPD préconise d’étudier les conditions juridiques et techniques de certains sujets nouveaux ou complexes. A ce titre, il est question de faciliter l’insertion des clauses sociales, en apportant des clarifications juridiques, d’apporter des précisions quant aux conséquences juridiques de l’insertion des clauses de développement durable pour les fournisseurs et sous-traitants, ou encore de développer les ressources de la cellule d’information juridique, de la DGFIP et de la DAJ des ministères financiers, aux acheteurs publics afin qu’ils puissent obtenir des conseils pour mieux intégrer les clauses sociales et environnementales dans les marchés. Enfin, l’une des critiques du premier PNAAPD émise par les acheteurs publics consistait à remettre en cause l’aide apportée dans la rédaction des clauses sociales et environnementales et l’insuffisance de diffusion des retours d’expériences des acheteurs ayant procédé à un achat public durable. Pour contrer à ces deux problématiques, le PNAAPD invoque la nécessité de préciser les clauses sociales et environnementales dans le questionnaire de l’OEAP auxquels sont soumis les acheteurs publics. Cela permettrait de diffuser largement les types de clauses qui sont insérés et aider donc à l’élaboration de celles-ci pour les « nouveaux » achats publics durables.