Par un arrêté du 3 octobre 2014, le préfet de l’Isère avait accordé une autorisation de destruction des zones humides à la SNC Roybon Cottages qui souhaite créer un Center Parcs dans la commune de Roybon. Le tribunal de Grenoble a annulé cet arrêté dans sa décision du 16 juillet 2015 au titre de la loi sur l’eau. Le tribunal estime que les mesures compensatoires prévues par le porteur de projet pour la destruction de zones humides ne sont pas suffisantes.


I. L’autorisation de destruction de zones humides


L’article L.211-1 du code de l’environnement définit les zones humides comme « les terrains, exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d'eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation, quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l'année ». (1)
Pour compléter cette définition, l’arrêté ministériel du 24 juin 2008, modifié par l’arrêté du 1er octobre 2009, présente les critères de définition et de délimitation des zones humides. Il précise notamment les sols correspondant aux zones humides ainsi que la végétation les caractérisant.

Les zones humides assurent plusieurs services écologiques ou éco-systémiques, c’est-à-dire que leurs fonctions permettent aux êtres-humains d’en tirer des bénéfices par l’utilisation des processus naturels. Elles permettent notamment de réguler les régimes hydrauliques en jouant un rôle « d’éponge » : elles absorbent les excès d’eau pour les redistribuer lors des périodes de sécheresse. Ainsi, elles permettent de prévenir les crues. Les zones humides contribuent également au maintien et à l’amélioration de la qualité de l’eau grâce à son rôle de filtre épurateur des eaux souterraines et superficielles. Ainsi, elles fournissent une eau potable. Enfin, les zones humides sont un réservoir biologique par sa fonction de territoire de transition entre la terre et l’eau. De nombreuses espèces animales et végétales y vivent car ces zones leur servent de lieu d’alimentation, de reproduction et d’habitat, que ce soit de façon permanente ou transitoire. (2)
Il est d’autant plus important de préserver les zones humides dans le cade d’actes d’urbanisme que les zones humides font partie des milieux les plus vulnérables au changement climatique.
D’ailleurs, les zones humides doivent être prises en compte dans le cadre des documents de planification tels que le schéma de cohérence territoriale, le Plan Local d’Urbanisme, la carte communale, ainsi que dans le cadre des actes d’urbanisme.

Cependant, il est possible de détruire certaines zones humides dans le cadre de certains types de projets. C’est notamment le cas pour certains projets d’installations, d’ouvrages, de travaux et d’activités (IOTA).
Certaines conditions doivent être respecter dans le cadre de la destruction des zones humides. L’article L.173-1 du code de l’environnement définit les sanctions et poursuites pénales dans le cadre de la destruction non autorisée de zones humides. Ainsi, toute personne physique ou morale détruisant sans autorisation des zones humides est passible de payer une amende de 75 000€ et d’être sanctionné d’un an d’emprisonnement. Par ailleurs, ces sanctions peuvent être assorties d’une obligation de remise en l’état initial des lieux et d’astreintes financières.

Les zones humides étant des écosystèmes présentant un fort intérêt écologique, les IOTA doivent identifier si leur projet est situé sur l'une de ces zones ainsi que la surface impactée par le projet. Par ailleurs, conformément aux articles R.214-6 et R.214-32 du code de l’environnement, les porteurs de projets doivent énoncer les incidences de leur projet sur la ressource en eau, et donc sur les zones humides. Ils doivent également justifier la comptabilité avec le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) ou le Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau (SAGE) de la région et présenter les mesures correctives ou compensatoires lorsque l’impact sur les zones humides est inévitable. (3)
Un SDAGE est un instrument de planification propre à chaque bassin hydrographique et qui fixe les orientations pour une gestion équilibrée de la ressource en eau dans l’intérêt général et dans le respect des principes de la directive cadre sur l’eau et de la loi sur l’eau. Il fixe également des objectifs environnementaux pour chaque masse d’eau. (4)

Les préfets ont, par ailleurs, la possibilité de réguler les interventions sur les zones humides puisque, depuis mars 1993, les IOTA relevant de la nomenclature « eau et milieux aquatiques » d’après l’article R.214-1 du code de l’environnement, sont soumises à autorisation ou déclaration administrative préalable. Les décisions administratives doivent d’ailleurs être compatibles avec les documents de planification de la gestion de l'eau.
L’objectif de ce contrôle par le préfet est de supprimer, limiter, voire, en cas d'impossibilité technique, de compenser l’incidence d’une IOTA sur les zones humides. C’est pourquoi les demandes d’autorisation ou de déclaration doivent contenir toute une série de mesures correctives ou compensatoires efficientes dans le cas où l’incidence ne peut être évitée.


II. Les mesures compensatoires


Les mesures compensatoires à prévoir vont dépendre des orientations et prescriptions du SDAGE de la région considérée. Pour qu’elles soient considérées comme acceptables, les mesures compensatoires doivent restituer les mêmes services écologiques que ceux endommagés, sur une entité biogéographique de même niveau (ex: retrait de remblais ou de drainage sur des zones humides préexistantes et altérées par les générations antérieures).

Les mesures compensatoires permettent de réparer les dommages causés à l’environnement d’un projet par le biais d’une action positive. Ainsi, la mesure compensatrice doit permettre d’établir une situation d’une qualité globale proche de la situation antérieure, avec un état écologique jugé fonctionnellement normal ou idéal. La mesure compensatrice n’intervient que lorsque l’impact n’a pas pu être évité par le biais par exemple d’un projet alternatif.
Le porteur de projet doit proposer des mesures compensatoires respectant un critère de faisabilité technique (mise en œuvre de génie écologique : création de zones humides, réhabilitation, etc.) et un critère de faisabilité foncière (réalisme des possibilités d’acquisition et de leur coût).
Par ailleurs, le porteur de projet doit également garantir que les mesures d’entretien ou de gestion de long terme, nécessaires au bon fonctionnement des mesures compensatoires, seront effectuées durant le temps requis.

Les mesures compensatoires devront porter sur les mêmes habitats et espèces que ceux impactés par le projet. Aussi, la priorité devra être d’effectuer ces mesures compensatoires à proximité immédiate du site affecté par les travaux du projet ou dans le même bassin versant. Une priorité pourra également être donnée à des espaces qui sont identifiés pour leur intérêt fonctionnel, comme par exemple une trame verte ou une trame bleue.
Si la compensation ne peut pas être réalisée dans le même bassin versant, le porteur de projet devra le justifier et ainsi mettre en place ces mesures à une échelle plus large que le bassin versant.
Il existe trois types de mesures compensatoires :
La restauration et la réhabilitation : il s’agit de restaurer ou réhabiliter d’anciens milieux humides. L’objectif est de restaurer des habitats qui ont été détruits, qui ont évolué ou qui ont été dégradés.
La préservation et la mise en valeur : Les mesures compensatoires permettent dans ce cas de protéger un espace menacé.
La création : il s’agit de créer une zone humide sur un site où elle n’existait pas à l’origine, par le biais de travaux physiques (hydraulique, reconstitution de sols) et de travaux biologiques (génie écologique, revégétalisation, habitats, etc.).
Par ailleurs, le porteur de projet doit vérifier l’efficience de ses mesures compensatoires. La vérification doit comporter un suivi des techniques et de l’évolution des milieux. Les mesures compensatoires étant bien souvent longues à mettre en œuvre, le suivi le sera tout autant et pourra durer pendant plusieurs années.
Enfin, l’élaboration de mesures de compensation nécessite l’accompagnement d’un bureau d’étude compétent qui doit être spécialisé dans le domaine de l’écologie.

Concernant l’affaire du Center Parc de Roybon, la société Pierre et vacances a prévu deux types de mesures compensatrices : remettre en état trois sites locaux d’une superficie globale de près de 20 hectares et mettre en place de mesures complémentaires sur 16 sites répartis sur cinq départements. Ces mesures compensatoires sont associées à la destruction de 76 hectares de zones humides.
Or, selon le SDAGE du Rhône-Méditerranée, la société doit créer de nouvelles zones humides à d’autres endroits du bassin versant, et ce, pour une superficie égale à 200% de celle des zones humides détruites.
Le tribunal a jugé que les mesures compensatoires proposées ne sont pas compatibles avec le SDAGE considéré, donnant ainsi raison à la Frapna, association de protection de l'environnement et membre de la fédération France Nature Environnement.
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Sources :

(1) Les services de l’Etat en Isère, Zones humides, mis à jour le 20/03/2013
Consultable sur : http://www.isere.gouv.fr/layout/set/print/Politiques-publiques/Environnement/Patrimoine-naturel/Zones-humides#2 (page consultée le 12/08/2015)

(2) Actu environnement, La prise en compte des fonctions des zones humides est une des clefs pour la protection, propos recueillis par Dorothée Laperche, publié le 28/02/2015
Consultable sur : http://www.actu-environnement.com/ae/news/martin-guespereau-agence-eau-rhone-mediterranee-corse-zones-humides-23976.php4 (page consultée le 12/08/2015)

(3) Préfet de l’Essonne, Les mesures compensatoires pour les zones humides – éléments de doctrine, rédigé par la mission Inter-Services de l’eau, publié le 31/05/2015
Consultable sur : http://www.essonne.gouv.fr/content/download/676/4365/file/Mesures_compensatoires_ZH.pdf (page consultée le 19/08/2015)


(4) Le service public d’information de l’eau, Schémas Directeurs d’aménagement et de gestion des eaux
Consultable sur : http://www.eaufrance.fr/agir-et-participer/planifier-et-programmer/schemas-directeurs-d-amenagement (page consultée le 21/08/2015)

(5) Actu environnement, Center Parcs de Roybon : les mesures compensatoires sont insuffisantes, rédigé par Florence Roussel, publié le 16 juillet 2015-08-25
Consultable sur : http://www.actu-environnement.com/ae/news/center-parc-roybon-mesures-compensatoires-insuffisantes-24981.php4#xtor=ES-6 (page consultée le 12/08/2015)