L’article L512-21 du code de l’environnement créé par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové introduit le dispositif du tiers demandeur. Cette loi a notamment pour objectif de réformer le droit des sites et sols pollués et encourager la reconversion des friches industrielles car la désindustrialisation a laissé des milliers de terrains demeurant pollués, notamment en raison d’activités qui ne faisaient pas l’objet des mêmes préoccupations de sécurité, environnementales et sanitaires qu’aujourd’hui. La publication du décret du 18 août 2015 permet de faire entrer en vigueur le dispositif du tiers demandeur et devrait ainsi favoriser la réhabilitation des friches industrielles. La publication du décret n° 2015-1004 du 18 août 2015 clarifie les modalités du transfert d’obligation de réhabilitation du dernier exploitant au tiers demandeur et notamment sur le volet des garanties financières qui devront être constituées par le tiers demandeur (I) ; Toutefois ce dispositif souffre de certaines limites qui compromettent le but fixé par cette loi (II).

I. Les modalités du transfert d’obligation de réhabilitation du dernier exploitant au tiers demandeur

La publication du décret n°2015-1004 permet d’éclaircir les modalités entourant le transfert d’obligation de réhabilitation du dernier exploitant au tiers demandeur notamment sur le volet essentiel des garanties financières que devra constituer le tiers demandeur.

Dans un premier temps l’article R. 512-76 du code de l’environnement précise que le tiers sera dans l’obligation de recueillir l’accord du dernier exploitant et devra définir l’usage envisagé du terrain. Si le ou les types d'usages envisagés par le tiers demandeur sont identiques à l'usage défini dans l'arrêté d’origine, le tiers demandeur peut adresser au préfet une demande d’accord préalable. Dans le cas contraire, le tiers demandeur devra recueillir également l'accord du maire ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme et, s'il ne s'agit pas du dernier exploitant, celui du propriétaire du terrain sur lequel est située l'installation. En l'absence de réponse dans un délai de trois mois suivant la réception de la proposition, leur avis est réputé favorable. Cet avis réputé favorable au bout de 3 mois en cas de silence permet de ne pas ralentir excessivement le tiers dans sa démarche. Quant au silence du préfet pendant plus de deux mois sur la demande préalable, celui-ci vaut rejet.
L’article R. 512-77 du code de l’environnement précise que « Lorsque le tiers demandeur ne se substitue que sur une partie du terrain, le dernier exploitant assure la remise en état sur la partie restante, pour l'usage défini dans l'arrêté d'autorisation ou d'enregistrement de l'installation mise à l'arrêt définitif… ». Cette mesure permet de réhabiliter les friches industrielles même si cela doit se faire parcelle par parcelle.

Dans un second temps, le tiers demandeur devra constituer un dossier comprenant « un mémoire présentant l'état des sols et des eaux souterraines et les mesures de gestion de la pollution à mettre en œuvre pour assurer la compatibilité entre l'état des sols et des eaux souterraines et le ou les usages futurs » conformément aux dispositions de l’article R.512-78 du code de l’environnement. Ce dossier devra également comprendre une estimation du montant et de la durée des travaux de réhabilitation. Il faudra aussi que le tiers dispose de capacités techniques et financières suffisantes pour permettre la réhabilitation du site. Ce dossier devra être transmis au préfet. L’article R. 512-79 du code de l’environnement prévoit une procédure similaire pour la réhabilitation d’une installation classée par un tiers demandeur mais sans l’accord du dernier exploitant à toutes les étapes de la procédure dans la mesure où l’installation classée n’a plus d’exploitant connu.

Dans un troisième temps, l’article R.512-80 du code de l’environnement précise les possibilités offertes aux tiers demandeurs afin de répondre aux garanties financières exigées par l’article L.512-21 du code de l’environnement. Le tiers demandeur dispose de 4 possibilités. Premièrement, « l'engagement écrit de garanties à première demande d'un établissement de crédit, d'une société de financement, d'une entreprise d'assurance ou d'une société de caution mutuelle ». Deuxièmement, « une consignation entre les mains de la Caisse des dépôts et consignations ». Troisièmement, « l'engagement écrit, portant garantie autonome à première demande au sens de l'article 2321 du code civil, de la personne physique, où que soit son domicile, ou de la personne morale, où que se situe son siège social, qui possède plus de la moitié du capital du tiers demandeur ou qui contrôle le tiers demandeur au regard des critères énoncés à l'article L. 233-3 du code de commerce… ». Ce troisième choix est toutefois soumis à d’autres conditions plus exigeantes précisées dans les dispositions de l’article selon si le siège social de la personne morale garante est situé dans un Etat membre de l’Union européenne ou non. Quatrièmement, « les établissements sous tutelle de l'Etat ou d'une collectivité, respectivement de l'engagement de leur ministère ou de leur collectivité de tutelle».

La publication de ce décret permet enfin l’entrée en vigueur du dispositif du tiers demandeur avec des dispositions claires et précises afin de permettre de résoudre le problème actuel des friches industrielles. Mais ce dispositif a des limites et l’objectif visé qui était la réhabilitation des friches industrielles en France semble difficile à atteindre.

II. Les limites du dispositif du tiers demandeur dans la réhabilitation des friches industrielles

Le dispositif du tiers demandeur souffre de certaines limites, car même si le tiers demandeur dans le cas où la substitution concernant la réhabilitation du site ICPE (Installations Classées pour la Protection de l'Environnement) aurait été accepté et qu’il serait soumis aux mêmes mesures de police que le dernier exploitant, sa défaillance peut exister. Si c’est le cas, l’administration pourra de nouveau se retourner contre le dernier exploitant. Ce qui revient à toujours faire peser l’obligation de réhabilitation sur le dernier exploitant.

En cas de défaillance du tiers intéressé, les dispositions de l’article L. 512-21 du code de l’environnement permettent clairement à l’administration de se retourner contre le dernier exploitant du site en recherchant sa responsabilité. C’est dorénavant aussi défini à l’article R. 512-81 du code de l’environnement. Sauf dans le cas où l’installation classée n’avait déjà plus d’exploitant connu.

Toutefois l’hypothèse de la défaillance du tiers demandeur est partiellement résolue sans la faire de nouveau peser sur le dernier exploitant grâce aux garanties financières, d’où l’importance de la publication de ce décret qui définit plus précisément les modalités de celle-ci, ce qui était une étape obligatoire afin d’espérer la réussite du but fixé par ce dispositif. Le préfet pourra les mettre en œuvre en cas de non-exécution de ses obligations par le tiers demandeur ou de disparition de celui-ci - c’est-à-dire le décès du tiers demandeur ou de la liquidation dans le cas où le tiers demandeur était une personne morale.

On peut aussi estimer que le dispositif actuel est complexe et lourd pour l’éventuel tiers demandeur qui pourrait durant la procédure abandonner l’idée de se substituer au dernier exploitant et abandonner son projet. Car le coût économique de la réhabilitation serait trop important par rapport au bénéfice espéré de son projet à court ou long terme. Ce qui revient de nouveau à faire peser l’obligation de réhabilitation sur le dernier exploitant alors que celui-ci se serait investi dans cette démarche.

Finalement ces limites ne sont probablement pas insurmontables mais demandent un effort supplémentaire au législateur afin de rassurer les industrielles et principalement les derniers exploitants sur lesquels pèse une obligation de réhabilitation du site industriel quasi ad vitam aeternam ce qui est évidemment insoutenable pour eux.


Sources :

- Loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové ; (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=5068CB0EC2861AF1CDA33AD183D7F196.tpdila13v_2?cidTexte=JORFTEXT000028772256&dateTexte=20150821)

- Article L512-21 du code de l’environnement ; (http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220&idArticle=LEGIARTI000028786367&dateTexte=29990101&categorieLien=cid)

- Décret n° 2015-1004 du 18 août 2015 portant application de l'article L. 512-21 du code de l'environnement. (http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031056735&fastPos=17&fastReqId=324917526&categorieLien=id&oldAction=rechTexte)