L’Agence Européenne de l’Environnement a rendu un rapport le 24 juin 2015 sur l’efficacité de la politique européenne de ses quatre zones maritimes : l’Atlantique du Nord-Est, la mer Baltique, la mer Méditerranée et la mer Noire. Ce rapport permet de faire un parallèle entre les objectifs fixés par la directive cadre Stratégie pour le milieu marin et l'état écologique actuel des zones maritimes.


1. La Directive sur la stratégie marine de l’Union Européenne


La directive cadre Stratégie pour le milieu marin a été adoptée le 17 juin 2008 par le Parlement et le Conseil de l’Union Européenne. Elle est entrée en vigueur le 15 juillet 2008 et les Etats membres avaient jusqu'au 15 juillet 2010 pour la transposer dans leur droit national.

Elle établie un cadre d'actions communautaire visant à atteindre trois objectifs de prévention, de protection et de conservation des milieux marin vis-à-vis des activités humaines nuisibles. Ses objectifs sont résumés en une formule : « Pour une mer propre, une mer saine, une mer productive ».

Cette directive impose aux pays de l'Union Européenne d'élaborer des stratégies visant à protéger les écosystèmes marins et à veiller à ce que les activités économiques liées au milieu aquatique intègrent un paramètre de durabilité.(1)

Pour ce faire, les Etats membres doivent élaborer trois types de plans.
Il y a tout d'abord les programmes transfrontaliers. Ces programmes permettent de définir des actions en vue d’atteindre les objectifs fixés et tout particulièrement de garantir un bon état écologique des espaces maritimes d’ici à 2020. Un « bon état écologique» fait référence « à la diversité et au dynamisme écologique des océans et des mers et à leur propreté, leur bon état sanitaire et leur productivité ». L’objectif de cet « bon état écologique » est de veiller à la protection des écosystèmes marins pour les générations actuelles et futures. Ces programmes transfrontaliers permettent de renforcer la coopération entre les quatre régions marines. Par ailleurs, la directive contribue aussi à renforcer la coopération mondiale par le biais de la création d’un réseau mondial de zones maritimes protégées, permettant ainsi d'ouvrir le dialogue avec les pays situés hors de l’Union Européenne.
Ensuite, les Etats membres doivent également prévoir des programmes de mesures à prendre. Ils définissent l’étendue de la zone concernée et le calendrier des actions à mettre en place afin de pratiquer les activités marines de façon durable.
Enfin, il y a les programmes de surveillance, institués en 2014 par la Commission Européenne lors de sa révision des premières étapes de la mise en œuvre de la directive. Ces programmes visent à mesurer et à évaluer les progrès en vue d’atteindre les objectifs. Si certains objectifs ne sont pas atteints, les pays de l’Union Européenne sont tenus de donner des justifications et peuvent, le cas échéant, appliquer certaines exceptions.

La directive précise que, les mers européennes étant divisées en quatre régions marines, les pays travaillant dans les mêmes régions sont tenus de coordonner leurs actions.

Pour mettre en œuvre cette directive et atteindre les objectifs, les pays de l’Union Européenne doivent également évaluer l’état écologique de leurs eaux marines, notamment en mesurant l’incidence des activités humaines sur les écosystèmes marins. Cette évaluation comprend aussi une analyse socio-économique. Cette évaluation va les aider dans la définition des objectifs environnementaux et le développement des programmes et plans d'actions.
En septembre 2010, des avis scientifiques ont permis à la Commission Européenne de définir onze critères d'évaluation permettant aux Etats membres de déterminer l'état environnemental et sanitaire des milieux marins. Ces critères permettent d'établir les priorités et objectifs des plans d'actions.
Parmi ces critères, on retrouve (2) :
- le maintien de la biodiversité : taille et variétés des populations, répartition des espèces, état des habitats
- la lutte contre les espèces non-indigènes (espèce introduite de manière intentionnelle ou non-intentionnelle) et/ou envahissantes (espèce non-indigène ayant des impacts sur les écosystèmes)
- l'eutrophisation : détérioration d'un écosystème marin provoqué par la prolifération de nutriments
- la bonne santé des stocks de pêche (poissons et crustacés)
le niveau d'intégrité des fonds marins : le niveau de préservation
- les macrodéchets : « déchets issus de l'activité humaine, flottant en surface ou immergés, transportés par les courants marins ou par les fleuves jusqu'au littoral et se déposant sur les plages » (définition de l'accord de Ramoge)
- le niveau de concentration des contaminants (substances dangereuses)
- l'impact des sources sonores sous-marines et de l'énergie thermique, des champs électromagnétiques et de la lumière

L’objectif final de cette directive est donc de garantir un bon état écologique des eaux marines d’ici 2020. Sept ans après, l’Agence Européenne de l’Environnement constate que cet objectif est loin d’être atteint.


2. Le constat de l'Agence Européenne de l'Environnement


Bien que ces zones soient encore productives, elles ne peuvent cependant plus être considérées comme étant en bonne santé ou propres.

L’activité humaine est à l’origine de la plupart des nuisances causées aux espaces marins. Il existe de nombreuses nuisances dont la pêche, le tourisme, le transport et l’extraction de ressources.
Ces nuisances ont des impacts sur les écosystèmes marins : elles causent des dommages physiques sur les fonds marins, l’extraction de poissons et de crustacés, l’introduction d’espèces non-indigènes, un apport de nutriments conduisant à l’eutrophisation et causent aussi diverses pollutions notamment par le biais des déchets marins.
L'Agence Européenne de l'Environnement constate que cette accumulation de dégâts combinés aux pressions sur les écosystèmes marins est un problème de plus en plus complexe et une préoccupation croissante. En effet, il plane un risque de modification du fonctionnement des écosystèmes marins et de réduction de leur résilience, c'est-à-dire de leur capacité à résister et surmonter à des perturbations importantes pour retrouver un fonctionnement normal (3), notamment face au changement climatique.
De plus, ces impacts sur les écosystèmes marins et le risque de la modification de leur structure et de leur fonctionnement entraine un risque pour la productivité même. En effet, c'est tout le service écologique rendu par l'écosystème marin qui est mis en péril.

Des actions ont été menées afin de réduire ces pressions sur l’environnement marin. On peut par exemple citer la réduction des quantités de poissons pêchés à des niveaux durables, quantités correspondantes au rendement maximal durable, pour un nombre croissant de stocks de l’océan Atlantique et de la mer Baltique, afin de réduire la pression sur les espèces causées par la pêche. Par ailleurs, diverses bonnes pratiques de pêche ont permis une reconstruction des stocks de poissons.
L’Agence Européenne de l’Environnement a d'ailleurs souligné que cette reconstitution des stocks montre que les mers sont encore résilientes. Ainsi, les changements de pratiques doivent être opérés dès maintenant afin de faciliter le rétablissement de l’écosystème marin et d’éviter le point de non-retour.

L’Agence souligne également l’importance des efforts de politique et de gestion dans la préservation des écosystèmes marins lorsqu’ils sont correctement mis en œuvre. Or, en Europe, bien que les politiques sont mises en œuvre, les milieux continuent de se dégrader, notamment à cause de l’eutrophisation. C'est un phénomène d'asphyxie des écosystèmes aquatiques résultant d'un apport trop riche en nutriments et causant la prolifération d'algues consommant l'oxygène nécessaire à la vie de l'écosystème (4). C'est une forme de pollution de l'eau causée par le phosphore et l'azote.
De nouvelles pressions s’ajoutent à l'eutrophisation, comme les macrodéchets (qui causent la mort par étouffement de mammifères marins tels que les baleines et les phoques (5)), les pollutions chimiques (habitats de moins bonne qualité pour le développement et la survie de la faune et de la flore marine), le bruit sous-marin (qui entraîne l'échouage des cétacés, des malformations corporelles et retards de développement chez les larves marines, des impacts sur la communication notamment notamment entre les baleines, une perte d'audition, etc. (6)). D'autres pressions sont en augmentation comme l'introduction d'espèces exogènes (exemple de l'introduction volontaire de la Gambusie, petit poisson introduit pour lutter contre les moustiques mais qui se nourrit également d'insectes aquatiques et de crustacés (7)), les pressions sur le fonds marin par le biais des exploitations minières (destruction d'habitats, modification de la composition physico-chimique de l'eau -ph, température, etc. (8)) et de l'énergie offshore.

L’un des points positifs soulevés par ce rapport a été la diminution sur ces trente dernières années de la pollution en nutriments, qui s’est vu être réduite de manière significative notamment dans la mer du Nord et la mer Baltique. L'eutrophisation demeure cependant comme étant l'une des causes de dégradation des écosystèmes marins.


Pour que cette directive soit efficace et qu'elle atteigne ses objectifs, il faudrait commencer par acquérir une meilleure connaissance de l'état des eaux marines et de leur environnement. Les résultats mesurés suite à l'évaluation initiale faite par les Etats membres ne sont pas suffisant et sont de mauvaise qualité.
Une harmonisation doit également être effectuée, d'une part entre les différentes politiques maritimes en vigueur (la directive cadre stratégie marine, directive cadre sur l'eau, directive habitats, directive pêche, etc) et d'autre part entre les cartes de caractéristiques de l'écosystème et les cartes de pressions humaines qui permettent d'effectuer une analyse spatiale combinée comme cela a été le cas pour Helcom, la convention régionale sur la mer Baltique. (9)

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Sources :

(1) EUR-Lex, Stratégie pour le milieu marin, dernière modification le 19/12/2014
Consultable sur : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=URISERV:l28164 (page consultée le 18/07/2015)

(2) Actu environnement, Bon état écologique du milieu marin : Bruxelles tire la sonnette d'alarme, rédigé par Rachida Boughriet, publié le 21 février 2014
Consultable sur : http://www.actu-environnement.com/ae/news/bon-etat-ecologique-milieu-marin-mer-europe-france-20875.php4 (page consultée le 18/07/2015)

(3) Futura Sciences, Résilient
Consultable sur : http://www.futura-sciences.com/magazines/nature/infos/dico/d/botanique-resilient-5455/ (page consultée le 18/07/2015)


(4) Vedura, Pollution de l'eau : eutrophisation des écosystèmes aquatiques
Consultable sur : http://www.vedura.fr/environnement/pollution/eau-eutrophisation-ecosystemes-aquatiques (page consultée le 18/07/2015)

(5) Actu environnement, directive études d'impacts : la pollution sous marine prise en compte, rédigé par Rachida Boughriet, publié le 13 mars 2014
Consultable sur : http://www.actu-environnement.com/ae/news/directive-etude-impact-pollution-sonore-sous-marine-petrole-21066.php4 (page consultée le 18/07/2015)

(6) Surfrider Foundation Europe, les impacts des macrodéchets,
Consultable sur : http://www.surfrider.eu/fr/environnement-actions-locales/macro-dechets/une-menace-pour-lenvironnement/les-impacts-des-macro-dechets.html (page consultée le 18/07/2015)

(7) Office Nationale de l'Eau et des Milieux Aquatiques, Connaissance sur les espèces exotiques envahissantes, rédigé par Emmanuelle Sarat, Alain Dutartre et Emilie Mazaubert, publié le 2 juin 2015
Consultable sur : http://www.onema.fr/IMG/pdf/EEE-vol1-chp1.pdf (page consultée le 19/07/2015)

(8) Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie, Impacts environnementaux de l'exploitation des ressources minérales marines profondes , publié le 19 juin 2014
Consultable sur : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Esco.pdf (page consultée le 19/07/2015)

(9) Actu Environnement, Les mers Européennes sont encore loin du bon état écologique, par Sophie Fabrégat, publié le 29 juin 2015
Consultable sur : http://www.actu-environnement.com/ae/news/mers-europeennes-bon-etat-ecologique-resilience-echec-24849.php4 (page consultée le 18/07/2015)


Pour en savoir plus sur la définition du bon état écologique pour les sous-régions marines françaises : http://www.cnrs.fr/inee/communication/actus/docs/2012_BEE.pdf