La directive déchets du 5 avril 2006 a pour objectif de protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets préjudiciables causés par le ramassage, le transport, le traitement, le stockage et le dépôt des déchets. Pour tendre vers cet objectif les Etats doivent « établir un réseau intégré et adéquat d’installations d’élimination, de manière à permettre à l’Union européenne dans son ensemble et aux États membres individuellement d’assurer l’élimination des déchets » selon la directive. L'Italie avait transposé la directive déchets en 2006 et pour ce qui concerne la région de Campanie, une loi régionale avait défini 18 zones territoriales homogènes dans lesquelles il devait être procédé à la gestion et à l’élimination des déchets urbains produits dans les bassins respectifs. Pourtant aujourd’hui ce n’est pas moins de 6 millions de tonnes de déchets qui se sont accumulés dans cette région d’après la Commission Européenne, ce constat fait suite à une bataille juridique entre la Commission et l’Italie depuis 2007 (I), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a finalement condamné l’Italie à une amende importante avec astreinte dans un arrêt rendu le 16 juillet 2015 (II).

I. La mauvaise application de la directive déchets par l’Italie depuis 2007

La condamnation de l’Italie par la CJUE dans un arrêt rendu le 16 juillet 2015 à une amende forfaitaire de 20 millions d’euros et une astreinte d’un montant de 120 000 euros par jour de retard pour mauvaise application de la directive déchets, fait suite à une bataille juridique entre l’Italie et la Commission européenne qui a débuté en 2007.

Au départ, c’est une crise de l’élimination des déchets dans la région de Campanie en 2007 qui fait débuter la bataille juridique entre les deux parties. La Commission introduit un recours en manquement contre l’Italie car elle lui reproche de ne pas avoir établi pour cette région « un réseau intégré et adéquat d’installations capable d’assurer l’autosuffisance en matière d’élimination des déchets sur la base du critère de proximité géographique ». La Commission estimant que cette situation engendrait un danger tant pour la santé humaine que pour l’environnement, leurs protections étant pourtant l’objectif fondamental de la directive déchets que l’Italie avait transposé en 2006.

La première condamnation de l’Italie pour mauvaise application de la directive déchets date du 4 mars 2010. La CJUE avait estimé que l’Italie n’avait pas adopté pour la région de Campanie « toutes les mesures nécessaires pour garantir que les déchets soient valorisés et éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement » Et elle remettait particulièrement en cause le fait pour l’Italie de ne pas avoir établi un réseau adéquat et intégré d’installations d’élimination. L’ensemble de ces manquements étant contraire aux obligations qui lui incombaient au regard de la directive déchets.

Dans le cadre du contrôle de l’exécution de l’arrêt de la CJUE du 4 mars 2010 suite à la première condamnation de l’Italie, la Commission est parvenue à la conclusion que l’Italie n’a pas assuré une mise en œuvre correcte de cet arrêt. En effet, elle rapporte qu’entre 2010 et 2011 « de multiples problèmes de collecte des déchets ont été signalés en Campanie et se sont soldés par l’amoncellement, plusieurs jours durant, de tonnes de déchets sur les voies publiques de Naples (Italie) et d’autres villes de Campanie ». Le plus alarmant étant qu’une grande quantité de déchets pas moins de 6 millions de tonnes de déchets dit « éco-balles » se sont accumulés dans cette région et doivent encore être éliminés, ce qui va nécessiter selon la Commission une période d’environ 15 ans.

Au final, la première condamnation d’Italie par la CJUE n’a pas été dissuasive. La Commission a donc engagé un nouveau recours en manquement contre l’Italie pour faire constater le non-respect du premier arrêt de la Cour de 2010. Ce qui a mené à la seconde condamnation d’Italie par la CJUE dans son arrêt rendu le 16 juillet 2015.

II. La condamnation monétaire dissuasive de l’Italie pour mauvaise application de la directive déchets par la Cour de justice de l’Union européenne

La CJUE constate dans son arrêt rendu le 16 juillet 2015 que l’Italie n’a pas correctement exécuté l’arrêt qu’elle avait déjà rendu le 4 mars 2010 et la condamne à une astreinte de 120 000 euros par jour de retard dans la mise en œuvre de l’arrêt de 2010 (l’astreinte étant due à compter de la date de l’arrêt du 16 juillet 2015) et à une somme forfaitaire de 20 millions d’euros.

La CJUE condamne l’Italie au regard premièrement des arguments de la Commission en ce qui concerne le problème d’élimination des « éco-balles », qui devrait prendre 15 ans et le nombre insuffisant d’installations ayant la capacité nécessaire pour le traitement des déchets urbains dans la région de Campanie. Deuxièmement, compte tenu de la déficience importante dans la capacité de la région de Campanie à éliminer ses déchets, la CJUE estime qu’il peut être déduit « qu’une telle insuffisance grave au niveau régional est susceptible d’affecter le réseau national d’installations d’élimination des déchets, lequel ne présentera alors plus le caractère intégré et adéquat requis par la directive. Cela est de nature à compromettre sérieusement la capacité de l’Italie à tendre vers l’objectif d’une autosuffisance nationale en matière d’élimination des déchets.»

La Commission avait demandé dans son recours en manquement de condamner l’Italie à une somme forfaitaire journalière de 28 089,60 euros pour la période comprise entre l’arrêt de 2010 et l’arrêt de du 16 juillet 2015, et à une astreinte, éventuellement dégressive, de 256 819,20 euros par jour de retard dans la mise en œuvre de l’arrêt de 2010, à compter de l’arrêt du 16 juillet 2015.

La CJUE même si elle a opté pour une sanction monétaire moindre par rapport aux demandes de la Commission, a estimé nécessaire ce mode de sanction pour 2 raisons. Premièrement, le manquement reproché à l’Italie a pu perdurer plus de 5 ans ce qui constitue une atteinte considérable à la santé humaine et l’environnement. Deuxièmement, l’Italie n’ayant pas mis en œuvre l’arrêt de 2010 le fait de lui imposer de telles sanctions financières constitue aux yeux de la CJUE un moyen approprié afin d’assurer l’exécution complète de son premier arrêt.

Aujourd’hui, le manquement de l’Italie en matière de déchets au regard de la directive déchets a été constaté dans plus de 20 affaires portées devant la CJUE. Le manquement de l’Italie dans l’application de la directive déchets ainsi que l’atteinte pour la santé humaine et l’environnement ne faisant plus de doutes espérons que la somme forfaitaire et le montant de l’astreinte journalière fasse réagir le gouvernement italien.

Sources :

- Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 16 juillet 2015 (Affaire C-653/13 - http://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?text=&docid=165914&pageIndex=0&doclang=FR&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=486740)

- Communiqué de presse n°86/15 de la Cour de justice de l’Union européenne relatif à l’arrêt C-653/13 Commission/Italie en date du 16 juillet 2015 (http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2015-07/cp150086fr.pdf)

- Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 6 novembre 2014 (Affaire C-385/13 - http://curia.europa.eu/juris/celex.jsf?celex=62013CJ0385&lang1=fr&type=TXT&ancre=)

- Arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne rendu le 4 mars 2010 (Affaire C-297/08 - http://eur-lex.europa.eu/legal-content/fr/TXT/PDF/?uri=uriserv%3AOJ.C_.2010.113.01.0008.01.FRA)

- Directive 2006/12/CE du Parlement européen et du Conseil en date du 5 avril 2006 relative aux déchets (http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2006:114:0009:0021:fr:PDF)