LE PROCES DE L’AGENT ORANGE DEVANT LES JURIDICTIONS FRANCAISES
Par Ngoc-My ABDUL
Correspondante Environnement
SNCF RESEAU
Posté le: 20/07/2015 16:54
Le conflit entre les Etats-Unis d’Amérique, le Viet Cong et l’Armée populaire du Nord du Viêt Nam issue du Viêt Minh communiste dirigé par Ho Chi Minh (lui-même soutenu par l’Union Soviétique) a érigé la guerre du Viêt Nam comme la plus grande guerre chimique de l’Histoire de l’humanité.
Les entreprises Monsanto et Dow Chemical, pour ne citer qu’elles, sont à l’origine de la production de l’agent orange, dioxine déversée sur les forêts vietnamiennes par l’armée américaine en vue de débusquer les Viet Cong.
Il y sera déversé 3,5 fois le tonnage de bombes larguées durant toute la Seconde Guerre Mondiale, soit l’équivalent de 450 bombes atomiques d’Hiroshima.
I. Contexte historique
En 1961, le président John F. Kennedy décida de mettre en œuvre l’opération Ranch Hand, nom de code militaire donné à l’épandage de l’Agent Orange au Viêt Nam, et sur les parties limitrophes du Laos et du Cambodge. La forêt tropicale est rasée de la surface de la terre et les récoltes sont empoisonnées afin d’affamer les populations et les combattants. Titanesque écocide qui fera disparaitre à jamais de nombreuses espèces terrestres.
Dix années seront nécessaires pour pulvériser 74 millions de litres de défoliants : agent bleu (contenant de l’arsenic), agent vert (dioxine), agent blanc (nitrosamine), agent pourpre (dioxine), agent rose (dioxine), puis agent orange (dioxine) appelés ainsi à cause des bandes de couleur sur les fûts contenant le poison. L’agent orange représente à lui seul plus de 62% du volume des défoliants pulvérisés sur le Viêt Nam. Son nom devient le nom générique de la plus grande guerre chimique de l’Histoire de l’humanité.
L’agent orange contient la tétrachlorodibenzo-para-dioxine, dioxine dite 2.3.7.8-TCDD composée de 2 noyaux de benzène, 2 molécules d’oxygène et 2 molécules de chlore, de fluor et de brome. La dioxine TCDD est d’ailleurs le plus puissant poison connu et un des plus durables. Cette dioxine est présente dans les sols, les boues, les sédiments, nappes phréatiques et passe ainsi dans la chaîne alimentaire des populations.
II. Le procès de l’Agent Orange en France
Le 16 avril 2015 à Paris, a eu lieu la première audience de procédure au tribunal de grande instance d’Evry (Essonne), intentée par Madame Tran To Nga, représentée par le cabinet d’avocats William Bourdon & Forestier, à l’encontre de 26 firmes américaines ayant produit la dioxine répandue par l’US Air Force durant la guerre du Vietnam.
Pour la première fois, l’action est intentée en France par une vietnamienne de nationalité française. En effet, sous la présidence de Nicolas Sarkozy en 2010, le Parlement posait quatre verrous confisquant toute compétence du juge français en matière de droit international. En 2013, sous la présidence de François Hollande, le Parlement restaura la compétence du juge français en matière de droit international en levant trois des quatre verrous :
- tout d’abord, la condition de résidence habituelle du suspect en France fut abandonnée,
- deuxièmement, il n’est plus exigé que les faits soient punis par la loi du pays où ils ont été commis,
- enfin, le Parquet ne demandera plus à la Cour pénale internationale de se prononcer la première.
L’ouverture d’une procédure par une victime de nationalité française pour un tort extraterritorial commis par un tiers étranger est donc recevable en France. La plainte de Mme Tran To Nga, portée au civil, vise à rendre justice en obtenant enfin la première reconnaissance tangible d’un immense crime contre l’Humanité.
Si en 1984, les vétérans américains ayant porté plainte contre les fabricants d’herbicides ont été indemnisés par leur gouvernement pour les maladies contractées à la suite de leur exposition à cet agent orange, tel n’est pas le cas des vietnamiens, dont le droit d’ester en justice a été rejeté en première instance le 10 mars 2005 par le juge Jack B. Weinstein.
Le procès ouvert en France est donc une brèche permettant, si elle aboutit, à ouvrir la voie à d’autres démarches, à l’étranger cette fois, pour les civils vietnamiens.
III. Des conséquences lourdes pour l’environnement et la santé humaine
Parmi les sociétés incriminées, Dow Chemical Company, et Monsanto Company, sont accusées d’avoir produit l’agent orange vendu à l’armée américaine, mais surtout, de l’avoir produit en connaissance de cause des conséquences sur la santé des populations aspergées.
En effet, cette guerre chimique a causé le plus grand écocide du XXe siècle : 43% des terres arables et 44% de la superficie forestière totale du Sud du Vietnam ont été pulvérisées au moins trois fois par des herbicides. Pour que cet environnement se rétablisse totalement, quatre-vingts voire cent ans seront nécessaire.
Les conséquences sur l’homme sont tout aussi dramatiques. On dénombre ainsi une quinzaine de pathologies, dont plusieurs cancers (prostate, poumon, larynx….), ainsi qu’une vingtaine de malformations congénitales. De nombreux enfants vietnamiens sont ainsi nés avec de graves pathologies et malformations.
« Le mal se transmet et s’aggrave au fil des générations », constate Tran To Nga.
Sources :
www.agent-orange-vietnam.org/present/proces-en-france
http://vava.org.vn/?lang=en