Le marché du carbone est un système d'échanges de droits à émettre une quantité de CO2. Il en existerait près de 17 dans le monde, et le marché européen est le plus important avec 90 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2010. Le marché carbone européen a été mis en place afin de permettre aux industriels de contribuer aux objectifs du protocole de Kyoto. L'idée est aussi de motiver les grandes entreprises à investir dans des technologies qui consomment peu d'énergie, en fixant un plafond d'émission. Les entreprises peu polluantes peuvent revendre leurs quotas ou les économiser, tandis que celles qui polluent le plus doivent en acheter.
A l'occasion d'un projet de loi présenté au Sénat en 2013, des associations ont vivement critiqué l'efficacité du système d'échange de quotas et ont mis en avant la nécessité de mettre en œuvre d'autres mesures afin de réduire les émissions. Le marché carbone est perçu comme un échec : celui-ci n'a pas permis de réduire les émissions de gaz à effet de serre, puisque les entreprises les plus polluantes ont préféré délocaliser dans des pays où les restrictions d'émissions sont moins contraignantes. Ce marché a aussi permis aux grands industriels d'obtenir des permis d'émissions gratuits lors des premières années de mise en œuvre du système, ce qui a maintenu les technologies en place au lieu de se servir de ces économies pour développer d'autres technologies. Ces grands industriels ont donc maintenu leurs méthodes de production polluantes, et ont préféré acheter des crédits carbones plutôt que de réduire leurs émissions. Les prix instaurés par l'Union Européenne ne permettent pas d'obtenir un effet dissuasif, qui amènerait une restructuration des méthodes de production et l'investissement dans de nouvelles technologies.
Les gouvernements de l'Union Européenne ainsi que la Commission Européenne sont en faveur d'une refonte du système de marché carbone, afin de recentrer cet outil sur des considérations environnementales et de ne plus servir de moyen de subvention pour les pollueurs.
Cet article vise à mettre en avant les difficultés actuelles rencontrées par le marché carbone (I), avant de souligner les mesures envisagées par le Parlement Européen pour améliorer ce système d'échanges (II).

I. Les sources du dysfonctionnement du marché carbone

Outre les problèmes évoqués précédemment dans l'introduction, le marché carbone fait face à des problèmes de fonds qui empêchent la pleine réalisation de ses objectifs initiaux. Le premier problème est relatif à l'essence même de cet outil, la tarification des émissions (A), tandis que le second problème est lié à la fraude (B).

A. Une difficile tarification du carbone

La tarification du carbone est le point primordial dans l'échange de quotas d'émissions. En effet, celle-ci a été mise en place afin de motiver les entreprises à moins polluer et investir dans des technologies qui consomment moins d'énergie.
Depuis 2008, les prix du carbone connaissent une diminution qui fait la part belle aux industriels. De plus, l'instabilité du prix ne permet pas d'instaurer une confiance dans cet outil et les industriels préfèrent se tourner vers l'achat de quotas plutôt que de procéder à une refonte de leurs méthodes de production.
Les entreprises qui ont bénéficié de permis gratuits lors de l'instauration du système les ont revendus pour acheter des crédits de compensation, moins chers, et donc obtenir un bénéfice.
Donner un prix au carbone permet de faire fonctionner le principe pollueur-payeur, mais le concept de responsabilisation a eu l'effet inverse. Certains acteurs, notamment les associations environnementales, perçoivent le marché carbone comme un frein à l'innovation et à d'autres solutions environnementales: le marché carbone favorise la mise en place de dispositifs de réduction des émissions, qui certes diminuent le rejet de CO2 (comme les dispositifs automatisés de capture de méthane), mais sont à la source de nombreux déchets et ne permettent pas une réduction à la source. De plus, la monétisation de la pollution confère aux entreprises un droit à polluer, et renforce leurs positions, notamment envers les populations locales, puisqu'elles n'ont désormais aucune contrainte pour polluer, si ce n'est l'argent.

B. Le risque de fraude lié au marché carbone

En 2010, une fraude dite carrousel a été découverte concernant le marché des quotas carbone. Les quotas d'émissions étaient considérés comme des biens incorporels, et de ce fait étaient soumis à la TVA. La loi établissait que si l'acheteur et le vendeur étaient situés dans deux Etats différents, la TVA était due par le preneur. Dès lors, un système de fraude a été mis en place qui consistait à faire acheter par une société française des quotas à une société étrangère, et à les revendre à une société B, qui elle-même les revendait à une société C afin d'obtenir le remboursement de la TVA par le Trésor Public.
Cette fraude constitue une des plus importantes (1,6 milliards d'euros) que l'administration fiscale française ait connus, mais d'autres systèmes de fraude ont été mis en place dans toute l'Europe.
Il n'existe pas à l'heure actuelle d'organisme assurant la direction et la surveillance du marché carbone européen et cela favorise la fraude.
Afin d'obtenir des moyens juridiques pour lutter contre les fraudeurs, le marché de quotas d'émissions a été ajouté à la directive des marchés d'instruments financiers et de la directive sur les abus de marché. Cela permet d'encadrer le marché et d'établir plus facilement des sanctions.

II. La refonte du marché carbone après 2019

Le 15 juillet, une réforme du marché carbone a été proposée par la Commission européenne. Celle-ci vise à proposer un allègement des quotas d'émissions pour 2020 (A), et à mettre en œuvre un fonds destiné à la protection de l'environnement (B).

A. L'allègement des quotas d'émissions

La Commission Européenne propose de réduire de 21% les quotas d'émission qui seront mis à disposition entre 2021 et 2030. Elle précise que 57% de ces quotas seront mis aux enchères tandis que 47% seront alloués gratuitement.

Concernant les attributions gratuites, la Commission s'engage à viser prioritairement les secteurs dont le risque de délocalisation hors de l'Union Européenne est élevé. De plus, le nombre d'industries qui pourront bénéficier de 100% de quotas gratuits sera divisé par trois.
Ces innovations ont pour objectif de raréfier les quotas d'émissions afin d'en limiter l'offre et donc d'en augmenter les prix. Dans l'objectif de promouvoir l'innovation en matière de technologies non polluantes et de réduire de 40% les réductions d'émissions d'ici 2040, le prix du quota d'émission devrait avoisiner les 17 euros après la mise en place de ces mesures en 2020 et 30 euros en 2030. L'effet dissuasif initialement prévu lors de la création du marché carbone devrait alors porter ses fruits.
Une réserve de stabilité a d'ores et déjà été votée au Parlement pour 2019. Cette réserve consiste à recueillir les excédents de quota qui n'auraient pas été vendu d'une période à l'autre, afin d'éviter de surcharger le marché et de devoir réduire les prix.

B. La mise en place d'un fonds pour l'environnement

La mise aux enchères des quotas d'émissions servira à financer un fonds, dédié à la création de projets. Ce fonds pour l'innovation soutiendra essentiellement des projets destinés à l'énergie verte et à la réduction du carbone. Un quart des revenus des enchères pourraient rapporter jusqu'à Millions d'euros au fonds si les estimations relatives au prix du quota carbone s'avèrent correctes.
Les pays en voie de développement pourront être inclus dans les destinataires de ce fonds afin de développer des projets relatifs au développement durable.

Sources:
(1) Anne Feitz, Les Echos << Bruxelles veut relancer le marché du carbone >>
http://www.lesechos.fr/journal20150716/lec2_industrie_et_services/021208216672-bruxelles-veut-relancer-le-marche-du-carbone-1137431.php (consultée le 16/07)

(2) Aline Robert, Euractiv, << La Commission tente d'accentuer la lutte contre la fraude à la TVA >>
http://www.euractiv.fr/services-financiers/la-commission-veut-lutter-contre-news-533329 (consultée le 16/07)

(3) Aline Robert, La tribune, << La vente de quota CO2, un butin convoité à l'approche de la COP21,
http://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/la-vente-de-quotas-de-co2-un-butin-convoite-a-l-approche-de-la-cop21-491779.html (consultée le 16/07)