Mathieu Couturier, est un agriculteur de la Creuse propriétaire d’une ferme et de terres agricoles entre Guéret et Montluçon. Ce trentenaire pratiquant l’agriculture biologique depuis deux ans, souhaiterait investir afin de créer un commerce de volailles qu’il vendrait sur place, mais hésite fortement depuis qu’il a eut connaissance qu’un projet de mines d’or était envisagé dans sa région.
Les inquiétudes du Creusois s’expliquent par la situation géographique de son champ de blé, situé sur le « PER » (permis exclusif de recherche) de Villeranges, octroyé en 2013 à une filiale de la compagnie minière canadienne La Mancha. En effet, la société a été autorisée à effectuer des prélèvements sur les sols afin de mesurer leur teneur en or, sur un périmètre de 47 kilomètres carrés, couvrant sept communes.

Après plus d’un siècle d’exploitation, la fermeture la dernière mine aurifère de Salsigne située dans le Languedoc-Roussillon, remonte à 2004. Ainsi, de 2013 à 2015, ce sont une dizaine de permis de recherche qui ont été accordés par Arnaud Montebourg, ancien ministre du redressement productif, dont le souhait était de redynamiser l’industrie minière de la France.

Des tests effectués dans une ancienne mine, abandonnée par Total dans les années 80, au lieu-dit Les Farges, auraient révélé une densité aurifère de 4 grammes pour une tonne de minéraux extraite, ce qui serait suffisant pour assurer la rentabilité financière de cette opération. La première étape de recherche consistant à prélever de la roche en surface, s’est achevée début mars dans la Creuse. Tanguy Nobilet, géologue pour Cominor, filiale de La Mancha, expose que « Les résultats étant encourageants, nous voulons passer à une deuxième étape, avec des sondages plus profonds ». Le porte-parole de Cominor, Dominique Delorme, a précisé sur le sujet qu’ils n’envisageaient « pas d’exploitation à ce stade; cela dépendra de notre prochaine phase de recherche et du cours de l’or ».

Les incertitudes et interrogations entourant ce projet, nourrissent les craintes des habitants de Lussat, village situé en plein centre du PER. Le premier à militer contre ce projet est Rémi Bordeau, maire de cette commune de 450 habitants, parmi lesquels on trouve une vingtaine d’agriculteurs « Si mon village va être rasé, ça m’intéresse de le savoir ». L’ensemble des riverains craignent en effet, que le paysage de leur région ne soit défiguré, avec l’installation de mines à ciel ouvert.
Luttant déjà contre l’enfouissement des déchets nucléaires dans le Limousin, l’association « Oui à l’avenir » s’est emparée du dossier. De surcroit, Monsieur couturier, des riverains de Lussat, ainsi que des communes alentour, ont entrepris de monter l’association « Stop mines 23 » et ont constitué une liste d’opposition aux élections municipales, dans l’objectif de « sensibiliser les locaux aux problèmes du PER ». De nombreux tracts « Non aux mines » ont ainsi été distribués dans le village.

L’émergence et la mobilisation de ces associations ne sont pas anodines, les mines d’or ayant historiquement conduit à d’importantes pollutions environnementales. Chargés en métaux lourds toxiques tels que l’arsenic, le plomb, ou encore le mercure, les sols aurifères présentent un réel danger tant pour la santé humaine, que pour l’environnement.
La mine de Salsigne en est un exemple édifiant : un rapport paru en 2005 de l’Institut de veille sanitaire, a établi entre 1969 et 1998, une surmortalité des populations riveraines par cancer du poumon et de l’appareil digestif de 80 % à 110 %, « probablement explicable par contamination environnementale ». Le risque réside principalement en ce que l’exploitation du minerai engendre des déchets susceptibles de contaminer l’environnement, s’ils sont mal pris en charge.
« Nous ne voulons pas de ça ici » s’exclame Jean-Pierre Ferant, retraité et membre de Oui à l’avenir « Si un ministre avait une maison ici, il n’y aurait jamais eu de PER».
La priorité des associations cible la préservation de la qualité de l’eau, la filiale quant à elle, se défend en expliquant que les recherches ne se situent pas à proximité des zones de captage et que les teneurs en arsenic et autres métaux lourds dans les sous-sols creusois sont bien inférieures à celles constatées à Salsigne.
Le vice-président du conseil de la Creuse, Monsieur Simmonnet, ne cache pas ses inquiétudes en la matière « C’est inimaginable d’avoir des mines à ciel ouvert ici à coté́».
Une motion contre le PER a été votée à l’unanimité en 2014 par le département et bien que le nouveau conseil général élu en mai, ne se soit toujours pas exprimé sur la question, M. Simonnet maintient sa ferme opposition.

La mine du Châtelet située quelques villages plus loin, a été abondamment exploitée de 1905 à 1955 pour son or dont plus de quinze tonnes furent extraites. Jacques Constantin, le maire, présente fièrement la photographie en noir et blanc de deux mineurs qui portent un lingot d’or provenant de cette dernière. Toutefois, le passé glorieux du minerai fait parallèlement écho à un passé douloureux marqué par des déchets toxiques, ayant été laissés à l’abandon et découverts dans les années 1990. La réhabilitation d’un site étant onéreuse, celle-ci n’a été entreprise que depuis trois ans, l’enfouissement des déchets ayant couté approximativement 5 millions d’euros au gouvernement. M. Constantin affirme avoir «épuisé quatre ou cinq préfets pour obtenir ces travaux ».
Dans le village concerné, à Lussat, les habitants favorables aux mines se font discrets, quand ceux-ci ne sont pas inexistants. Dominique Delorme de Cominor parle de « majorité silencieuse » et soutient que des agriculteurs aimeraient profiter de l’aubaine afin de vendre leur parcelle. « L’économie agricole se porte mal, abonde Nicolas Simonnet, le salaire annuel moyen est d’environ 15 000 euros».

Malgré le fait que la majeure partie des agriculteurs concernés aient autorisé dans un premier temps Cominor à venir effectuer des prélèvements sur leurs terres, lors de la première phase des recherches, ils semblent bien plus réticents pour la seconde étape.
« Si on me disait demain qu’il n’y a pas de projet, qu’ils n’ont rien trouvé et qu’ils s’en vont, je serais content. On est bien petits face à une multinationale» commente Thierry Chazette, exploitant d’une surface de 290 hectares.


Sources :

- http://www.liberation.fr/économie
- http://www.leparision.fr/économie
- http://www.lemonde.fr/environnement