Le 5 août 2014, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur le sujet de la réutilisation des eaux usées, afin de recueillir les avis des Organisations non gouvernementales (ONG), des usagers, des citoyens, des exploitants, des entreprises et des collectivités, et de préparer des outils juridiques pour développer le cadre réglementaire. Un document de référence relatif à la consultation publique sur les options politiques pour optimiser la réutilisation des eaux dans l’Union Européenne a préconisé de nombreuses mesures et a servi de base à la consultation. Le 12 février 2015, un rapport a été publié sur l’analyse des résultats de la consultation publique. (1) Les conditions réglementaires de réutilisation des eaux usées devraient donc changer en Europe dans les prochaines années, en prescrivant de nouvelles recommandations ou obligations aux collectivités et aux exploitants.
Ces projets prennent en compte différents aspects de la réutilisation pour libérer les freins à la pratique (I) et prendre en compte d’incarner les avantages de la réutilisation jusqu’à aujourd’hui omis par le droit (II) .



I- Les projets pour libérer les freins à la pratique de la réutilisation

C’est aussi bien au niveau économique (a) que sanitaire et environnemental (b) que le document de référence relatif à la consultation publique sur les options politiques pour optimiser la réutilisation des eaux dans l’Union Européenne et le rapport sur l’analyse des résultats de cette consultation publique préconisent de nombreuses mesures spécifiques pour surmonter les obstacles en vue d’une pratique optimale de cette technique.

a- Les préconisations de mesures économiques

En premier lieu, il est préconisé de développer des dispositions non contraignantes afin de promouvoir la réutilisation des eaux usées.

Le premier volet consiste à libérer les craintes et freins économiques et commerciaux sur plusieurs plans :

- en effectuant des analyses sur l’optimisation des coûts/avantages de cette solution par l’intermédiaire du renforcement des objectifs de tarification préconisés par la directive cadre sur l’eau ;
- en contrôlant les subventions dans le secteur de l’eau pour effectuer une meilleure répartition de la ressource ;
en encourageant les collectivités locales à développer cette pratique sans leur imposer des coûts trop importants ;
en créant une meilleure réglementation pour attirer les investisseurs ;
- enfin, en prenant en considération les craintes qu’une réglementation trop stricte puisse freiner la libre circulation des marchandises agricoles lors de l’élaboration des normes sanitaires. C’est d’ailleurs dans cet objectif que des normes internationales ISO et européennes CEN devraient être publiées en fin 2015 pour clarifier les exigences de la réutilisation dans le domaine de l’agriculture.

b- Les préconisations concernant la gestion des risques

Au niveau des projets liés à la santé publique, le droit européen devrait renforcer les études et les orientations concernant les risques sanitaires afin de mettre en place un cadre pour une bonne gestion de risques. Des normes minimales, juridiquement contraignantes, afin de lutter contre les risques sanitaires et environnementaux sont envisagées.

La conformité des normes européennes reconnues accroîtrait la crédibilité des projets de réutilisation des eaux et fournirait davantage de certitudes aux investisseurs potentiels en ce qui concerne la gestion du risque économique. Cette conformité contribuerait également à la création de conditions de concurrence équitables pour les producteurs de produits agricoles irrigués avec des eaux recyclées.

De plus, ces normes devraient créer un cadre pour une gestion des risques qui permettrait de prendre en compte des risques plus divers et plus larges que les simples normes liés aux agents pathogènes. Ainsi, réaliser et obtenir l’approbation d’un plan de gestion des risques sur chaque projet de réutilisation encadrant des « normes de traitement, les contrôles du processus de traitement, les contrôles d’application et les références de qualité des eaux » (2) seraient nécessaires avant toute obtention de permis pour réutiliser les eaux usées. Ils devraient englober, entre autres :
« - les risques pour la santé publique, compte tenu des diverses voies d’exposition possibles;
- les risques de santé au travail pour les travailleurs exposés aux eaux recyclées;
- les pertes de productivité agricole (en ce qui concerne la charge nutritive et la salinité, notamment);
- les dommages aux procédés industriels et aux produits industriels;
- les risques résultant de l’accumulation de substances nocives dans les sols irrigués. » (3)

Une meilleure gestion est également préconisée au niveau des collectivités locales et des parties prenantes, en vue notamment d’atténuer leur responsabilité en cas de dommage sanitaire liés à la réutilisation. On peut imaginer que le cadre juridique futur réponde aux questions qui créé aujourd’hui des incertitudes juridiques sur la responsabilité, notamment le fait de savoir quel est le statut de celui qui réutilise les eaux usées.



II- Les projets positionnant la réutilisation comme une méthode de réponse à différents enjeux

Outre préconiser des mesures pour libérer les freins qui empêchaient la pratique, l’objectif est de préciser le droit (a) et illustrer les intérêts environnementaux que peut avoir la réutilisation des eaux usées (b).

a- La réduction des incertitudes juridiques

En premier lieu, le rapport issue de la consultation publique préconise de renforcer l’apport de la directive DERU de 1991 relative au traitement des eaux résiduaires urbaines sur la réutilisation des eaux usées à son article 12, en précisant ce qui est entendu par « lorsque cela se révèle approprié » pour fournir aux Etats membres des précisions quant à la façon dont ils peuvent appliquer cet article, « notamment lorsque de nouvelles stations d’épuration sont construites ou que d’autres, déjà existantes, sont modernisées » (4). Cet apport faciliterait l’élaboration de règles au niveau national et la prise de position des utilisateurs en augmentant leur sécurité juridique.

b- Les préconisations de mesures d’évaluation et de surveillance pour intégrer les intérêts environnementaux

Les projets réglementaires intègrent la réutilisation dans ses enjeux environnementaux, notamment au niveau de la quantité de l’eau, et cela des deux manières suivantes.

En premier lieu, des mesures d’évaluation et de la surveillance seraient rendues obligatoires pour les territoires de l’Union touchés par le stress hydrique. Ceux-ci devraient évaluer l’apport de la réutilisation des eaux usées dans leurs régions et développer ces pratiques si celles-ci s’avèrent avantageuses.

Ensuite, en renforçant les objectifs de surveillance des prélèvements d’eau douce préconisés par la Directive cadre sur l’eau ; ce qui permettrait d’encourager les Etats membres à se tourner vers la réutilisation des eaux usées.


(1) 12 February 2015. Optimising Water Reuse in the UE. Public consultation analysis report. Disponible sur : http://ec.europa.eu/environment/water/blueprint/pdf/BIO_Water%20Reuse%20Public%20Consultation%20Report_Final.pdf


(2) (3) (4) Document de référence pour la consultation publique sur les options politiques pour optimiser la réutilisation des eaux dans l’Union Européenne