Il existe des graisses d’origine végétale et des graisses d’origine animale. Ces dernières durcissent à plus basse température que les graisses végétales, ce qui entraîne un encadrement réglementaire différent. Toutes les deux ont cependant le point commun de présenter des difficultés lorsqu’elles sont rejetées dans les stations d’épuration ou dans le milieu naturel.

Dans le premier cas, elles entraînent des phénomènes de colmatage et de dégradation des ouvrages des stations d’assainissement des eaux résiduaires urbaines, ou encore des nuisances olfactives et des dangers pour la santé des employés de la station. En effet, l’accumulation des graisses dans les égouts créée des émissions de CO2 très dangereuses pour le personnel d’exploitation et pour l’environnement. Ces phénomènes incitent des stations d’épuration à augmenter les traitements : ce qui leur fait supporter un coût supplémentaire de 30%, qui se répercute sur les consommateurs.

De plus, les graisses apportent une source de carbone qui déséquilibre les milieux aquatiques naturels.

C’est pourquoi les collectivités locales, les entreprises et les stations d’épuration cherchent un moyen de valoriser ces graisses en développant des techniques de gestion.

Le droit applicable à la valorisation des graisses montre comment le législateur a progressé : en encadrant tout d’abord les graisses dans la règlementation sur les eaux usées (A), puis en le considérant comme un élément propre, les dotant en conséquence d’un statut juridique spécifique (B).



A- Le droit applicable aux graisses dans la réglementation des eaux usées


Le droit a d’abord commencé par limiter les rejets des graisses dans les milieux où ils créent des problèmes (1) avant de pouvoir envisager de les valoriser (2).

1- Le droit applicable au déversement des graisses


Les rejets des graisses sont interdits dans les milieux aquatiques (a) et limités dans les stations d’épuration (b).



a- Le déversement des graisses dans les cours d’eau

Le règlement sanitaire départemental est un texte régit par le Conseil Général qui établit des prescriptions dans le domaine de la santé et de l’hygiène. Il s’applique aux domaines de construction, de l’aménagement qui ne sont pas régis par le droit commun, et fixe les conditions d’entretien des installations. Le ministère de la Santé a établi un modèle de Règlement sanitaire départemental pour en faciliter l’application.

L’article 90 du règlement sanitaire départemental interdit le déversement des graisses d’origine végétale ou animale « susceptibles de constituer un danger ou une cause d’insalubrité, de communiquer à l’eau un mauvais goût ou une mauvaise odeur, de provoquer un incendie ou une explosion » dans les « cours d’eau, lacs, étangs, canaux, sur leurs rives et dans les nappes alluviales ».

b- Le déversement des graisses dans les stations d’épuration

Le déversement des graisses dans les stations d’épuration des entreprises de métiers de bouche est interdit par l’article 29-2 du règlement sanitaire départemental qui interdit d’introduire « toute matière solide, liquide ou gazeuse susceptible d’être la cause directe ou indirecte soit d’un danger pour le personnel de l’exploitation des ouvrages d’évaluation et de traitement, soit d’une dégradation des dits ouvrages ou d’une gêne dans leur fonctionnement ».

Lorsqu’elle s’applique aux eaux usées non domestiques, qui proviennent des industries ou de la restauration, la réglementation est plus stricte : elle impose d’obtenir une autorisation obligatoire de la part de la collectivité dans laquelle se trouve la station de traitement.

Ainsi, la réglementation est claire et limite le rejet des graisses dans les milieux naturels et dans les stations d’épuration. Encore, la loi du 15 juillet 1975 interdit de « rejeter les huiles alimentaires avec les déchets ménagers, quel qu’en soit le volume ». Il faut donc trouver un autre moyen de gérer ces graisses.


2- Le droit applicable aux séparateurs de graisses (1)

Les entreprises, notamment pour les métiers dits « à bouche », de la restauration, sont dans l’obligation de se doter de matériel pour gérer leurs propres graisses en effectuant des prétraitements : les bacs à graisses ou les séparateurs à graisses. Ce matériel consiste à séparer les matières graisseuses contenues dans les eaux, afin qu’elles n’aillent pas dans les stations d’épuration provoquer les problèmes cités ci-dessus. A titre d’exemple, lorsqu’un restaurateur déverse des restes d’huiles dans un lavabo, l’eau et l’huile seront mélangés et un bac à graisse sera nécessaire. Il existe plusieurs types de bac à graisse avec des différentes réglementations applicables.

Les règlements d’assainissement imposent généralement aux petites collectivités et aux entreprises de se doter de ce type d’appareil. Un bac à graisse doit généralement respecter des normes françaises du type NF. L’article 19.1.1 du règlement d'assainissement de Paris, ainsi que l’article 27 du règlement du SIAAP, prévoient la mise en place de séparateurs de graisses pour les activités de restauration.

Cependant, les métiers de bouche ne respectent pas souvent cette obligation ; et aujourd’hui seul 20% des restaurants sont équipés. 


B- La valorisation des graisses et des huiles d’origine, végétales ou animales, dans la réglementation des biodéchets

Après avoir interdit les déversements et imposé des séparateurs à graisses, il faut qu’une réglementation pousse à les employer. C’est le cas de la réglementation sur les biodéchets. (2)


Pour rappel, il existe plusieurs types de graisses, notamment les graisses et huiles alimentaires de préparation et de transformation, les graisses et huiles alimentaires après leur séparation avec les eaux usées par les séparateurs à graisse, les graisses et huiles alimentaires provenant des ménages, des industries, des administrations, des commerces. Toutes ces graisses ont été considérées comme des déchets soumis à la réglementation générale des déchets non dangereux, ce qui impose à leurs producteurs de les collecter séparément.

Le 1 er janvier 2012, la notion de biodéchet a été créée et définie dans l’article L541-8 du Code de l’environnement comme suit :
« tout déchet non dangereux biodégradable de jardin ou de parc, tout déchet non dangereux alimentaire ou de cuisine issu notamment des ménages, des restaurants,
des traiteurs ou des magasins de vente au détail,
ainsi que tout déchet comparable provenant des établissements de production ou de transformation de denrées alimentaires ». En tant que déchet de denrées alimentaires, les graisses et les huiles sont ainsi considérées comme des biodéchets et sont soumis à la règlementation de valorisation. Conformément à l’article L. 541-21-1 (3) du Code de l’environnement, les gros producteurs et détenteurs de déchets sont obligés de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique de ces déchets, « afin de limiter les émissions de gaz à effet de serre et à favoriser leur retour au sol ». Il est ajouté que « l'Etat prend les mesures nécessaires afin de développer les débouchés de la valorisation organique des déchets et de promouvoir la sécurité sanitaire et environnementale des composts. »

Si les producteurs étaient déjà soumis à ce tri avant 2012, l’objectif de valorisation est plus ambitions avec la notion de biodéchet, dans la mesure où il intègre notamment les ambitieux de la loi n°2010-788 Grenelle II portant engagement national de l’environnement du 12 juillet 2010, à savoir : « l’objectif de 75% de recyclage des déchets non dangereux d’activités économiques hors bâtiment et travaux publics, agriculture et industries agro-alimentaires, la diminution de 15% des quantités de déchets partant en stockage ou en incinération, la mise en oeuvre de l’axe 3 « Mieux valoriser les déchets organiques » du Plan Déchets pour les années 2009-2012, qui prévoit notamment un doublement entre 2009 et 2015 des capacités de valorisation biologique des déchets », mais aussi de répondre au Plan Paquet Climat des 3x20 :

- de faire passer à 20 % la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique européen ;
- de réduire de 20 % par rapport à 1990 les émissions de CO2 dans les pays de l’Union européenne ;
- d’accroître l’efficacité énergétique de 20 %.




(1) Disponible sur : http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/environnement/dechets/dechets-non-dangereux/cadre-reglementaire-dechets-graisseux

(2) Disponible sur : http://www.entreprises.cci-paris-idf.fr/web/environnement/eau/gerer-eau-metier/rejets-eaux-restaurants-traiteurs

(3)  L. 541-21-1 : « A compter du 1er janvier 2012, les personnes qui produisent ou détiennent des quantités importantes de déchets composés majoritairement de biodéchets sont tenues de mettre en place un tri à la source et une valorisation biologique ou, lorsqu'elle n'est pas effectuée par un tiers, une collecte sélective de ces déchets pour en permettre la valorisation de la matière de manière à limiter les émissions de gaz à effet de serre et à favoriser le retour au sol. L'Etat prend les mesures nécessaires afin de développer les débouchés de la valorisation organique des déchets et de promouvoir la sécurité sanitaire et environnementale des compost
Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »