
Bilan du Plan de lutte contre les algues vertes en Bretagne 2010-2015
Par Pauline Bureau
Préfecture administrative de Paris - Contrôle des actes d'urbanisme et d'aménagement du territoire
Posté le: 08/07/2015 11:49
Le 5 février 2010, les ministères de l’environnement et de l’agriculture ont annoncé la mise en œuvre du Plan gouvernemental de lutte contre les algues vertes en Bretagne 2010-2015. Son objectif était d’accompagner la gestion des algues vertes et de prévenir leur prolifération. Il concerne le littoral breton, à savoir les départements des Côtes d’Armor et du Finistère. Il a fait l’objet d’une déclinaison territoriale dans huit baies, à savoir la Fresnaye, Saint-Brieuc, Lieue de Grève, Locquirec, Horn-Guilee, Guisseny, Douarnenez et Cancarneau-baie de la Forêt.
Le Plan « algues vertes » s'inscrit dans le prolongement d’une chaine de processus engagés depuis deux décennies avec les programmes « Bretagne eau pure » initiés en 1994, « pro-littoral » (2002-2006), le grand projet n°5 du contrat de plan État-Région 2007-2011 et le programme « Breizh-bocage ».
Il s’articule autour de trois grands types d’actions : l’amélioration des connaissances, le ramassage et le traitement des algues, et enfin des actions préventives. Le volet préventif comporte cinq actions, à savoir :
1) réduire le flux de nutriments en provenance des installations de traitement des eaux usées,
2) engager la reconquête des zones naturelles,
3) faire évoluer l’agriculture vers des systèmes de production à très basse fuite d’azote,
4) développer des filières pérennes de traitement de l’ensemble des lisiers excédentaires par la méthanisation,
5) améliorer le respect de la réglementation par des contrôles renforcés et plus efficaces.
Le comité de suivi du plan s’est réuni le vendredi 26 juin 2015 afin de présenter les conclusions de la mission interministérielle relatives à l’évaluation du dernier volet, à savoir la prévention. Le rapport d’évaluation a été remis aux ministères le lundi 29 juin 2015.
I) Le bilan du plan 2010-2015
Le plan s’est concrétisé par des progrès sensibles, notamment grâce à l’engagement des acteurs locaux. Cet engagement s’explique par le fait que la prévention de l’apparition de nouvelles marées vertes est jugée indispensable pour préserver l’économie du territoire, essentiellement constituée par l’agriculture et le tourisme.
Les résultats sont cependant différents dans chacune des baies, la date de mise en œuvre du plan ayant été différente pour chacune d’entre elles. Elles sont néanmoins toutes entrées dans la phase opérationnelle de réalisation du plan.
Les agriculteurs et les responsables agricoles se sont également engagés dans cette démarche de diminution des intrants. Dans la plupart des cas ces derniers sont animés par une volonté d’amélioration des revenus et/ou des conditions de travail. En effet, la réduction d’intrants ne réduit ni le potentiel de production, ni le revenu de l’exploitation, tout en permettant un gain environnemental significatif. Des pistes d’évolution ont été soulevées, telles qu’une meilleure répartition des épandages et des pâturages sur l’ensemble de l’exploitation, la conduite de rotations dans les exploitations mixtes bovins-cultures, le recours à des outils individuels d’agriculture de précision ou encore le recours aux algues échouées comme fertilisant.
Un autre point significatif est celui de l’assainissement des eaux usées. La réduction des flux d’azote provenant des installations de traitement des eaux usées domestiques et industrielles faisait en effet partie du volet préventif du plan et a été largement mise en œuvre. Les stations d’épuration, les réseaux de collecte et les branchements ont été contrôlés, modernisés voir créés. Il convient également de noter que les gestionnaires de station d’épuration, de même que les producteurs, les épandeurs et les industriels, sont soumis à l’obligation de déclarer les flux d’azote utilisés et échangés. Le contrôle et l’assainissement des réseaux non collectifs se sont révélés plus difficiles, malgré l’implication des élus locaux.
Enfin, le plan a permis la reconquête des zones naturelles en maintenant et en réhabilitant une part significative des surfaces existantes. Il s’agit des zones humides, des prairies extensives, des ripisylves, des zones boisées humides, des haies et bandes végétalisées le long des cours d’eau. Cette action fait partie de celle permettant d’atteindre les objectifs de qualité de l’eau. L’état d’avancement est cependant différent selon les baies.
Des progrès restent encore à accomplir. Ils consistent à prioriser les actions, à favoriser les projets individuels, à vérifier d’avantage la réalisation des engagements, à mettre en œuvre des mesures agri-environnementales et climatiques, à approfondir les questions relatives au foncier et enfin à réviser le rôle des prescripteurs. Ces pistes de progrès font l’objet de recommandations permettant l’achèvement du plan.
II) Les recommandations relatives à l’achèvement du plan
A) Les actions à mettre en œuvre dès 2015
Le rapport propose la mise en œuvre de certaines actions afin d’optimiser la mise en œuvre du plan.
Au titre de ces actions il est proposé de vérifier la conformité réglementaire des mesures et de la mise en œuvre du plan avec le 5ème programme « nitrates » et le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) Loire-Bretagne 2016-2021. Pour ce faire il est recommandé de prescrire, sous la forme d’un arrêté interministériel, un processus harmonisé et normé en matière de calcul de la balance globale azotée par exploitation et par territoire. Il est également proposé de vérifier, d’ici la fin de l’année, la conformité de toutes les chartes au regard de la réglementation. En effet, chacune des huit baies concernées par le plan dispose de sa propre charte, établie de façon harmonisée et présentant les objectifs, une liste d’actions ainsi que des indicateurs de suivi. Cela permettra de vérifier la pertinence des objectifs et en cas d’insuffisance d’ambition la charte pourra être modifiée par voie d’amendement.
Le comité scientifique du plan ayant été dissout, le rapport préconise le rétablissement de nouvelles bases de dialogue avec la communauté scientifique régionale. Le rétablissement d’un comité scientifique ayant une fonction consultative et non de censure permettrait de favoriser le partage des expériences et la mutualisation des acquis grâce à des échanges réciproques.
B) La prolongation jusqu’en 2016
La commission propose de prolonger le plan jusqu’au 31 décembre 2016 afin de l’achever dans les meilleurs conditions possibles. Cette prolongation ne pourra se faire qu’à condition que les chartes et les engagements individuels soient mis à jour, si nécessaire, avant le 31 décembre 2015.
Ce délai permettrait aux territoires ayant signé leur charte récemment d’achever sa réalisation et aux autres de tirer les conclusions des actions menées jusqu’ici. Il est également nécessaire que l’action soit recentrée sur les mesures ou les projets individuels les plus porteurs de résultats en y accordant les moyens financiers nécessaires ou en mettant en place les contrôles nécessaires à la réduction des situations anormales pénalisant l’ensemble. L’enjeu ne serait plus de mesurer le nombre d’engagements mais la qualité de ces derniers. Enfin, seuls trois schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) sur les sept concernant les bassins versants où des algues vertes sont apparues sont déjà approuvés. Si leur approbation d’ici la fin 2016 sera difficile compte tenu de leur état d’avancement, la commission estime qu’ils devront l’être au plus tard le 31 décembre 2017 afin d’être cohérents avec le SDAGE.
III) Les bases du futur plan 2017-2021
L’évaluation contient enfin des recommandations afin de préparer le futur plan 2017-2021, qualifié de « plan de limitation des algues vertes de Bretagne », car si l’éradication des algues vertes est peu probable, leur maîtrise est nécessaire.
Il est recommandé au Préfet de région, en lien avec les administrations centrales, l’agence de l’eau et le conseil régional, de jeter les bases d’un futur plan contenant des objectifs de qualité de l’eau pour l’horizon 2021 prenant en compte l’objectif de bon état des eaux pour 2027.
Ainsi, le principe d’un copilotage Etat-région ainsi qu’une déclinaison sous forme de chartes par baies serait maintenu. Cependant, le nouveau plan ne sera accessible qu’aux seules baies ayant atteint les objectifs du plan 2010-2015 et en particulier les niveaux fixés par les règlementations en vigueur. Le plan s’appuiera également sur un dispositif de suivi scientifique permettant d’adapter les actions en fonction des résultats attendus et des moyens à mette en œuvre pour y parvenir. Enfin, Les contrôles effectués par les maîtres d’ouvrage du plan et les contrôles réglementaires effectués par l’Etat devraient être articulés dans un objectif de simplification et d’efficacité.
Les administrations centrales sont invitées à mettre en place une mission d’accompagnement complémentaire afin de faciliter la préparation du futur plan par la réalisation de travaux préparatoires.
Enfin, les bassins versants prioritaires de la façade atlantique devraient être identifiés car les phénomènes de marées vertes et de prolifération algale concernent également les côtes du Morbihan, des Pays de Loire (Loire-Atlantique et Vendée) et la Normandie (Calvados et Manche). Cette identification permettrait de cibler les bassins nécessitant la mise en place de programmes d’action spécifiques dès 2017.
Ces recommandations devraient être mises en place dès la fin de l’année 2016 afin de garantir la réussite du plan 2017-2021.
Bibliographie
MEDDE et Ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt :
- Evaluation du volet préventif du plan 2010-2015 de lutte contre les algues vertes en Bretagne (rapports n°009998-01 et 14113)
Actu Environnement
- http://www.actu-environnement.com/ae/news/plan-lutte-algues-vertes-bretagne-bilan-24858.php4