La compensation écologique a été consacrée dans la loi de 1976 relative à la protection de la nature.
Le Business and Biodiversity Offsets Program définie ce terme comme " la réalisation de mesures pour restaurer, créer, améliorer ou empêcher la perte ou la dégradation d'un type d'écosystèmes, afin de compenser les impacts résiduels sur l'écosystème et/ou sur ses espèces associées". Il s'agit donc d'établir des mesures qui vont palier à des impacts inévitables sur l'environnement à travers un remplacement d'une perte de biodiversité.

La compensation écologique fait l'objet d'une mise en œuvre tant au niveau local que national, notamment à travers des organismes chargés de faire respecter le principe compensatoire. Le plus célèbre exemple reste les " Mitigation Banks" américaines. Ces banques ont pour objet de financer les mesures de compensations du maître d'ouvrage qui va acheter des crédits afin de construire en zone humide. Le Clean Water Act de 1972 a voulu protéger les zones humides et a créé des obligations règlementaires vis-à-vis des aménagements au sein de ces zones. Les banques de compensation sont monnaie courante aux Etats-Unis mais elles sont très rares en Europe.

Le principe de compensation est indissociable du cycle " Eviter, Réduire, Compenser". L'économiste et anthropologue Jacques Weber a précisé " La séquence éviter-réduire-compenser ne correspond pas à une alternative". Il s'agit donc pour le maitre d'ouvrage de mettre tous les moyens possibles pour éviter tout dommage à l'habitat naturel exploité et dans un second temps, de réduire au maximum les dommages inévitables. C'est alors que les impacts environnementaux qui n'ont pas pu être évités feront l'objet d'une compensation écologique.
Cet article vise à étudier dans un premier temps l'intégration juridique de la compensation écologique (I), avant de mettre en lumière ses inconvénients (II).

I. L'intégration de la compensation écologique

Si la première évocation de la compensation écologique est ancienne, celle-ci n'était que trop marginale dans son application. C'est pourquoi le législateur français a fait preuve de redondance en instaurant cette notion dans plusieurs textes (A).
La notion de compensation est sous l'influence de plusieurs domaines: scientifique, juridique, social.. c'est pourquoi sa mise en oeuvre est complexe et doit veiller à respecter plusieurs principes directeurs (B).

A. Un cadre juridique éparse mais complet: gage d'une efficacité

En France,la loi de 1976 sur la protection de la nature n'a fait que poser les bases d'une longue épopée juridique, au cours de laquelle le droit est venu élargir la notion de compensation écologique en l'appliquant à diverses domaines spécifiques. Bien qu'insuffisante, la loi de 1976 a su poser les bases du triptyque éviter-réduire-compenser.

La loi sur l'eau de 1992 est venu reprendre cette notion, comme pour rappeler aux maitre d'ouvrage que la compensation écologique s'applique aussi aux cours d'eau, et au milieu aquatique en général (loi de 2006).
En matière d'installations classées pour l'environnement, les études d'impacts doivent évoquer toutes les mesures pour compenser un dommage à l'habitat naturel et à ses espèces qui ne saurait être évité ou réduit. La loi Grenelle II de 2009 est venue préciser que des mesures de suivis devaient être mises en œuvre afin d'évaluer l'efficacité du programme de compensation qui a été décidé.

Plus récemment, la loi relative à la responsabilité environnementale de 2008 n'a pas dérogé à l'envie de reprendre cette notion, tout en renforçant les mesures de compensation qui interviennent après la survenance d'un dommage ou d'une perte de biodiversité. Il convient de distinguer les mesures compensatoires prises préventivement, c'est à dire avant la mise en service d'une exploitation/installation, et celles prises après un dommage au cours de la vie de l'installation.
Enfin, le législateur a imposé cette obligation de compensation à l'Etat, dans le respect du principe de continuité écologique.

L'Union Européenne a édicté deux directives traitant de la notion de compensation écologique.
La directive Evaluation des incidences environnementales de 1985 est venu consacrer cette notion, tandis que la directive habitats de 1992 a précisé que les mesures compensatoires devaient faire face à des " effets notables dommageables" sur l'environnement. Une troisième directive de 2004 sur la prévention et réparation des dommages environnementaux a fait suite à la loi de 2008 vu ci-dessus.
B. L'équivalence écologique: clé de voûte de la compensation écologique
L'équivalence écologique est à la base du fonctionnement de la compensation. Cela relève d'une certaine logique puisque cette dernière vise à éradiquer les pertes de biodiversité et même à tendre vers un gain de celle-ci. Le problème est que du fait des diverses textes régissant la compensation écologique, il n'existe aucune définition stricte de l'équivalence et celle-ci diffère selon les domaines (forêts cours d'eaux, espèces..). Quand la directive Habitat définie la compensation comme le maintien de la cohérence globale du réseau Natura 2000, le Code forestier invoque la nécessité de reboisement dès lors qu'il y a défrichement, mais ne précise en aucun cas la nature de celui-ci: doit-il être qualitativement équivalent? Le danger réside dans le fait qu'un reboisement peut parfois être plus dangereux que ne rien faire si le type d'arbre ne correspond pas à celui qui est originaire du milieu reboisé, et cela peut engendrer la destruction d'espèces endémiques.

Il n'est donc pas possible d'édicter une définition universelle de l'équivalence écologique. Cependant, la revue Sciences Eaux & Territoires affirme que cette notion pourrait être définie par l'idée qu'une compensation doit répondre au principe de " pas de perte nette".
En effet, un projet cause des effets négatifs sur l'environnement: si les mesures pour éviter et réduire ces effets tendent à rapprocher l'impact de zéro, les mesures compensatoires sont là pour corriger les pertes de biodiversité inévitables pour qu'au final, les résultats montrent si ce n'est un gain de biodiversité, un état au moins égal à celui qui précédait l'installation.

Les bureaux d'études vont être chargés de calculer les pertes et les gains de biodiversité mais il n'est jamais possible de prévoir toutes les pertes.
Concrètement, si l'habitat naturel d'une espèce vient à être détruit, il devra soit être reconstitué au plus près pour permettre à l'espèce de perdurer, où cette même espèce devra être déplacée dans un nouvel habitat, sans que cela ne vienne perturber le cycle naturel de cet autre milieu écologique.

II. Les limites au principe de compensation écologique

La compensation écologique est complexe à mettre en place. La France ne dispose pas des moyens techniques et scientifiques suffisants pour prévoir tous les tenants et aboutissants des mesures compensatoires. Pour chaque mesure compensatoire s'en suit par définition une modification d'un système naturel. Un gain de biodiversité ne veut pas signifier que l'équilibre écologique n'est pas perturbé, c'est pourquoi il conviendra d'étudier dans un premier temps les risques causés par cette pratique (A), avant de mettre en exergue quelques pistes d'amélioration (B).

A. Les risques inhérents à la compensation écologique

La première critique concernant la compensation écologique concerne plus une conception philosophique. En effet, donner le droit de compenser une perte de biodiversité dans un endroit X par un gain dans un endroit Y n'est-il pas la consécration d'un droit absolu sur la nature? Pouvoir détruire à la condition qu'on recréer est une stratégie risquée à long terme, d'autant plus que comme dit précédemment, le manque de connaissances techniques et scientifiques ne permet pas de suivre et de gérer les différents gains/pertes de biodiversité et leurs effets sur un long terme.
Par exemple, il est possible de générer des gains de biodiversité mais cela sera t-il suffisant pour rendre une espèce viable? Quel est le nombre d'individus nécessaires pour qu'une espèce se développe sereinement?
Malgré les divers textes sur le sujet, aucun n'édicte une méthodologie unifiée pour déterminer quelle mesure compensatoire est suffisante. Il serait peut-être nécessaire de rédiger une nomenclature pour préciser quelle mesure s'appliquerait à quel dommage. Le problème d'une telle nomenclature réside dans le fait que pour chaque dommage à une espèce animale, une mesure devra être précisée pour les sous catégories d’espèces selon leurs degrés de sensibilité, leurs besoins environnementaux..

Aussi, la revue Science Eaux & Territoires évoque l'idée que dès lors qu'on veut générer un gain de biodiversité, on doit définir un risque d'extinction acceptable, c'est à dire qu'on ne pourra jamais assurer à cent pour cent qu'une espèce visée par une mesure compensatoire lui survivra, mais on fera tout notre possible pour qu'elle y survive. Dès lors, la protection de la nature est reléguée au second plan par rapport aux intérêts économiques.
De plus, les mesures compensatoires ne font pas l'objet d'un suivi suffisant pour contrôler leur application et quand bien même elle ferait l'objet d'un contrôle régulier, il faudrait contrôler les effets de chacune de ces mesures pour voir si elles sont viables à long terme.

B. Les différentes solutions possibles

La première amélioration à envisager est, comme il est coutume pour chaque règle, d'apposer des limites à la compensation légale. Cette dernière ne doit tout d'abord pas devenir une alternative usuelle et l'UICN propose d'instaurer " l'option zéro", c’est-à-dire d'abandonner un projet dès lors que celui-ci causerait des dommages trop important à l'environnement (espèces rares fortement impactées par le projet, possibilité de restauration trop faible etc..).
Aussi, il convient de respecter dans son ordre hiérarchique le triptyque éviter-réduire-compenser. Certains maîtres d'ouvrage ont dans l'esprit que la compensation étant une étape nécessaire selon l'ampleur du projet, les mesures d'évitement et de réduction peuvent être oubliées au profit d'une plus grande compensation. Une autre piste d'amélioration proposée par l'UICN consiste à prendre en compte la biodiversité ordinaire, c’est-à-dire celle qui n'est " ni remarquable ni protégée". En effet, les mesures compensatoires ne visent jamais les simples étendues d'herbes ou les buissons qui servent d'habitats aux espèces et qui sont nécessaires à l'écosystème. Toutes les mesures compensatoires doivent faire l'objet d'un suivi, tant dans leur application que dans leurs effets positifs ou négatifs. Enfin, les mesures de compensation doivent aussi être appliquées au niveau marin et dans les territoires d'Outre-mer, où leur mise en œuvre n'est que marginale.

Les mesures compensatoires sont donc une nécessité pour l'environnement: elles permettent d'éviter les pertes de biodiversité. Cependant, la possibilité de détruire pour reconstruire à côté n'est pas une solution à long terme, et le principe de compensation doit rester une solution de dernier recours.

Synergiz, Cahier technique 2012-01, " La compensation des atteintes à la biodiversité: lorsqu'il n'y a pas d'autres solutions" http://www.synergiz.fr/wp-content/uploads/2012/03/CT-biodiversite-eviter-reduire-compenser-principes-comptables-Synergiz-2012.pdf (07/04/15)

Hélène Soyer, " La compensation écologique : état des lieux & recommandations" Septembre 2011 http://www.uicn.fr/IMG/pdf/Etude_Compensation_UICN_France.pdf (07/04/15)

Laurent Radisson, " Incertitudes et limites de la compensation écologique" 04 avril 2012 http://www.actu-environnement.com/ae/news/compensation-ecologique-colloque-Natureparif-FNE-15375.php4 (07/04/15)