Le 2 juin dernier la Ministre de l’Ecologie a lancé l’appel à projet « villes respirables en 5 ans » dont l’objectif serait de « faire émerger des villes laboratoires volontaires pour mettre en œuvre des mesures exemplaires pour la reconquête de la qualité de l'air afin de garantir, dans un délai de 5 ans, un air sain aux populations » comme le précise Ségolène Royal. Les territoires concernés participent ainsi au déploiement local des dispositions du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte qui offre un cadre d'action dans tous les domaines liés à la pollution de l'air.

Cet appel à projet s’inscrit dans la continuité de la politique destinée à améliorer la qualité de l’air au même titre que la mise en place d’un nouveau système d’identification des véhicules polluants. Cependant, les villes visées par ce projet sont celles situées prioritairement dans l’une des 36 zones couvertes par un plan de protection de l’atmosphère (PPA), approuvé par arrêté préfectoral et qui définit « les objectifs et les mesures, réglementaires ou portées par les acteurs locaux, permettant de ramener, à l’intérieur des agglomérations de plus de 250 000 habitants et des zones où les valeurs limites réglementaires sont dépassées ou risquent de l’être, les concentrations en polluants atmosphériques à un niveau inférieur aux valeurs limites réglementaires ».

Dans le cadre des PPA, le préfet est habilité à prendre deux types de mesures :

- les mesures de police prises dans le cadre des régimes de police administrative préexistants c’est-à-dire les mesures au titre de la police des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et celles relatives à la police administrative générale (circulation, santé publique…) ;

- les mesures de police administrative spécifique aux PPA (articles R222-33 à R222-35 du Code de l’Environnement) comme par exemple les mesures spécifiques aux installations fixes de combustion (dispositif non mobile dans lequel sont brûlés seuls ou en mélange le gaz naturel ou de pétrole liquéfié, fioul domestique, charbon, fiouls lourds ou biomasse) ou celles spécifiques au contrôle technique de véhicules et autres objets mobiliers.

Malgré une diminution notable des émissions primaires de polluants au cours des dernières décennies, la qualité de l’air, surtout dans les zones urbaines à forte densité, laisse à désirer. En effet, 47% de la population française est couverte par un PPA. 24 zones sont couvertes par un PPA validé comme par exemple la région d’Ile de France, de Haute Normandie, du Nord-Pas- de Calais, les agglomérations de Rennes, Nantes, Tours, Orléans, Dijon, Strasbourg, Lyon ou encore le département des Bouches du Rhône. 4 PPA sont en cours de révision (agglomérations de Toulouse, Mantes, Nancy et les Trois Vallées) et 2 sont en cours d’élaboration (agglomérations de Niort et Limoges). Les modalités de mise en place d’un PPA ainsi que le dispositif en lui-même sont régis par les articles L222-4 à L222-7 et R222-13 à R222-36 du Code de l’Environnement.

Les collectivités candidates ont jusqu’au 5 septembre 2015 pour faire connaitre leur projet « villes respirables en 5 ans ». Le cahier des charges dudit projet impose aux collectivités locales candidates de « s’engager à mettre en œuvre des mesures radicales dans le domaine de la mobilité mais également, au regard des enjeux locaux, dans le domaine résidentiel, industriel et agricole pour repasser en 5 ans sous les seuils sanitaires pour les particules fines (PM10) et pour le dioxyde d’azote (NO2) et garantir ainsi un air sain aux habitants » ce qui permet ainsi de « réduire la pollution de manière pérenne et lors des épisodes de pollution ». Suite aux difficultés rencontrées par la France à respecter les valeurs de la directive du 21 mai 2008 sur la qualité de l'air ambiant transposée en droit français par le décret n°2010-1250 du 21 octobre 2010, il est primordial d’entreprendre des actions afin de s’aligner, a minima, sur les seuils d’émission de particules fines PM10 (limites maximales journalières de 50 µg/m³) et de N02 (40 µg/m³/an et 200 µg/m³/heure à ne pas franchir plus de 18 heures par an) fixés par la Communauté Européenne. Depuis le 29 avril 2015 la France est de nouveau menacée de poursuites par la Cour de Justice de l’Union Européenne si aucune mesure efficace pour lutter contre la pollution atmosphérique, liée au dépassement des limites maximales journalières d’émission de particules fines PM10, dans dix zones (Paris, Lyon, Grenoble, Marseille, la Martinique, la Vallée de l'Arve, zone urbaine régionale PACA, Nice, Toulon et la zone Douai-Béthune-Valenciennes) n’était prise rapidement. Participer au projet « villes respirables en 5 ans » est un tremplin destiné à aider les collectivités territoriales à se conformer aux exigences de la directive européenne précitée. Les projets soumis permettront ainsi d’expérimenter les nouveaux outils et pratiques mis en place, entre autre, par le projet de loi pour la transition énergétique et la croissance verte et permettront également de dégager des solutions innovantes pour lutter contre la pollution.

Pour être éligibles, les candidats doivent, a minima, présenter un projet à une échelle intercommunale et créer ou préfigurer une zone à circulation restreinte dans laquelle l'accès sera réservé aux véhicules les moins polluants afin de protéger les populations. Plus de 200 villes européennes ont déjà mis en place ce dispositif dont les résultats sont prometteurs car on note une réduction de concentration de NO2 de l’ordre de 1 à 10% et jusqu’à 12 % de réduction moyenne annuelle et jusqu’à 16 jours de dépassement de la valeur limite journalière évités concernant les particules fines PM10. En outre, deux actions complémentaires, prévues par le cahier des charges, doivent être proposées dans les secteurs émettant des polluants atmosphériques à savoir :

- les transports avec la mise en place d’une politique globale de mobilité afin de favoriser les mobilités durables et faciliter le développement de la mobilité électrique (transports en commun, pistes cyclables, covoiturage, promotion des véhicules électriques, éliminer en 5 ans les véhicules diesel les plus polluants …) ;

- l’industrie en soutenant la réalisation d'audits air-énergie pour les entreprises du territoire dans la première année qui suit la désignation en tant que « ville respirable en 5 ans » et par la mise en place des plans de réduction des émissions ;

- l’agriculture en luttant contre les biocides pesticides, engrais chimiques et tout autre polluant lié à l’épandage, développer des filières alternatives au brûlage des déchets verts à l’air libre et aux résidus des cultures agricoles mais également la création de plateformes de compostage et soutenir la démarche « agro-écologie » (primes à la conversion de matériel, expérimentations de pratiques et équipements plus performants …) ;

- le résidentiel-tertiaire : les porteurs de projet doivent développer un programme ambitieux de rénovation et de construction de bâtiments à énergie positive, accélérer le renouvellement de vieux appareils de chauffage par des modèles plus performants, installer des équipements permettant de filtrer efficacement les particules liées au chauffage ;

- la planification urbaine en réalisant une « carte stratégique de la qualité de l’air » qui identifie les zones les plus polluées et les enjeux particuliers et en ajoutant un volet « qualité de l’air » à tous les documents de planifications (plan climat air énergie territorial, plan local d'urbanisme, plan de déplacement urbain …).

Les actions envisagées dans les projets doivent s’inscrire dans le moyen-terme en faveur de la qualité de l’air et de la limitation de l’exposition des populations à un air dégradé. Toutes les mesures prévues doivent être cohérentes avec les orientations et objectifs du PPA. La qualité de l’air est l’affaire de tous et c’est pour cette raison que le cahier des charges prévoit la mise en place d’un « dispositif d’information et de mobilisation des parties prenantes concernées et des citoyens ». En effet, afin de diminuer de manière drastique et pérenne les niveaux de pollution dans toute la France et réduire ainsi les inégalités territoriales, l’Etat, les élus, les associations, les acteurs économiques et les citoyens doivent agir de concert dans le seul but de permettre à chacun de respirer un air sain de façon durable. Dans le but de permettre aux acteurs précités de conjuguer leurs efforts, l’Association agréée de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) collaborera en évaluant « l’impact des actions sur les émissions de polluants et la qualité de l’air, en valorisant les travaux déjà conduits pour la mise en œuvre des PPA » pour « mettre en place une réelle démarche d’évaluation et communiquer régulièrement les données d’avancement du projet au comité de suivi du PPA ».

Les lauréats de l’appel à projet « villes durables en 5 ans » seront connus le 25 septembre 2015, date dont le choix n’est pas anodin car il s’agit de la journée nationale de l’air, évènement inédit censé répondre à trois objectifs :

- regrouper toutes les actions de communication des acteurs participants à l’amélioration de la qualité de l’air (pouvoirs publics, experts, industriels, agriculteurs, citoyens, associations) afin de dégager des lignes de conduite communes ;

- « encourager et valoriser les bonnes pratiques et les initiatives locales de la part des particuliers, des collectivités, des AASQA ou des entreprises pour favoriser le partage d’expérience » ;

- « sensibiliser le grand public à la qualité de l’air » : ce dernier objectif met en évidence le rôle important de la communication et de l’information afin que les citoyens prennent conscience des effets néfastes que peut engendrer une mauvaise qualité de l’air entrainant ainsi des risques sanitaires majeurs et des conséquences pour la santé humaine non négligeables. Pour que chaque citoyen puisse contribuer à l’amélioration de la qualité de l’air, il faut les informer sur les sources de pollution et leur « présenter les bonnes pratiques pour réduire les émissions de polluants et limiter les expositions […] aux polluants de l’air ».

L’Etat, qui accordera des primes à l’achat et le nouveau bonus à la conversion pour les véhicules particuliers moins polluants, et l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) s’engagent à accompagner, tout au long de la vie du projet (5 ans), les lauréats en leur assurant un appui financier et méthodologique en collaboration avec d'autres organismes :

- « le fonds de financement de la transition énergétique soutiendra les études avec un taux maximal de 50 % et les investissements, hors infrastructures de transport, avec un taux maximal de 30 %, jusqu’à un million d’euros pour la totalité du projet » ;

- la Caisse des Dépôts et Consignations avec les prêts « croissance verte » ;

- la Banque Publique d’Investissement (BPI France) avec les prêts verts ;

- « les programmes d'Investissements d'Avenir (PIA) : déploiement de bornes de recharge électriques, technologies innovantes pour le contrôle automatique d’accès aux zones à circulation restreinte, développement de process industriels et agricoles éco-efficients, aides à l’acquisition de poids lourds ou utilitaires électriques, hybrides et gaz » ;

- le Fonds européen de développement régional (FEDER) ;

- le Ministère de l’agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur les équipements agricoles.

Il est à noter que ces aides ne pourront pas être accordées dès lors que des actions ont déjà été financées dans le cadre des territoires à énergie positive et « zéro déchet, zéro gaspillage ». La qualité de l’air est un enjeu sanitaire, environnemental et financier majeur pour tous. Améliorer la qualité de l’air pourrait apporter des gains potentiels de l’ordre de 20 à 30 milliards d’euros par an dont 1 à 2 milliards d’euros par an pourraient être économisés pour le système de soin.

http://www.developpement-durable.gouv.fr/Presentation-des-plans-de.html

http://www.developpement-durable.gouv.fr/Collectivites-locales-l-appel-a.html

http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/15-0244_bis_projet_de_CC_AAP_VRen5ans_-_vDGECvfinale.pdf

http://www.actu-environnement.com/ae/news/appel-projets-villes-respirables-cinq-ans-24643.php4

http://www.actu-environnement.com/ae/news/villes-respirables-appel-projets-cinq-ans-qualite-air-respecter-normes-24907.php4

http://www.actu-environnement.com/ae/news/pollution-air-menace-poursuites-france-commission-europeenne-24443.php4