Le 3 juin 2015, la Ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie a demandé aux préfets de régions et de départements d’établir une cartographie complète afin de mieux faire connaître les parties du réseau hydrographique devant être considérées comme des cours d’eau.

Les services chargés de cette cartographie sont, au niveau régional, la Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement (DREAL) et la Direction Régionale et Interdépartementale de l’Environnement et de l’Energie (DRIEE). Au niveau départemental, les services concernés sont la Direction Départementale des Territoires (DDT) ainsi que la Direction Départementale des Territoires et de la Mer (DDTM).

Cette instruction n’est pas applicable aux départements d’outre-mer où les cours d’eau sont domaniaux.

La qualification de cours d’eau permettant d’appliquer les différentes obligations prévues par le droit de l’eau, telles que par exemple celles issues de la réglementation sur les installations, ouvrages, travaux et aménagements (IOTA) soumis à autorisation ou à déclaration, le contentieux relatif à cette qualification est important. La cartographie à venir permettra aux usagers de connaître la position des services de l’Etat sur la qualification de la majorité des écoulements et ainsi de réduire le nombre de contentieux relatifs à cette question.


I) La notion de cours d’eau

Il convient de rappeler que la notion de cours d’eau n’est définie ni par la loi, ni par le règlement. L’appréciation de cette notion a été laissée au juge. Dans un arrêt du 21 octobre 2011 n°334322, le Conseil d’Etat a énoncé que « constitue un cours d’eau, un écoulement d’eaux courantes dans un lit naturel, à l’origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant une majeure partie de l’année ».

Ainsi, un cours d’eau est caractérisé par trois critères cumulatifs, à savoir :

o L’existence d’un lit naturel à l’origine

Au regard de ce critère, un cours d’eau fortement modifié, par exemple canalisé ou recalibré, doit être considéré comme un cours d’eau, quand bien même cette modification substantielle a supprimé la présence de vie aquatique ou un substrat spécifique.

Un bras artificiel captant la majeure partie du débit d’un bras naturel, et remettant par là même en cause le critère de permanence de l’écoulement, peut être considéré comme un cours d’eau.

o Un débit suffisant une majeure partie de l’année

Un cours d’eau est un milieu caractérisé par un écoulement non exclusivement alimenté par des épisodes pluvieux locaux. Ainsi, un écoulement après une période de forte pluviosité n’est pas déterminant. Il convient au contraire de déterminer la présence d’un écoulement après une période de pluviosité non significative. Les précipitations significatives sont considérées comme étant celles supérieures à 10mm.

Certains cours d’eau étant des écoulements naturels intermittents, tels que les cours d’eau à régime torrentiel, les cours d’eau méditerranéens ou encore les cours d’eau d’outre-mer, il convient donc, lors de l’identification, de préciser les conditions d’écoulement du cours d’eau afin que celui-ci reçoive cette qualification.

o L’alimentation par une source

Un cours d’eau doit être alimenté par au moins une autre source que les seules précipitations. Ainsi, un fossé ou une ravine ne faisant qu’évacuer les eaux de pluies ne peuvent recevoir la qualification de cours d’eau. La source n’a pas à être précisément localisée. Elle peut être ponctuelle, à l’endroit où la nappe jaillit, mais aussi être l’exutoire d’une zone humide diffuse. De même que pour le critère du débit suffisant une majeure partie de l’année, certaines sources peuvent se tarir pendant certaines périodes.


Lorsque ces trois critères ne sont pas suffisants, le juge administratif prend en compte un faisceau d’indices, par exemple la continuité de l’écoulement d’amont en aval. La présence de vie aquatique permet également de retenir cette qualification car, lorsque le débit est suffisant, des organismes spécifiques au milieu aquatique se développent. Cette vie peut se caractériser par la présence de larves, d’algues, de crustacés et mollusques, de vers, de coléoptères, de trichoptères… Enfin, la présence de berges et d’un lit au substrat spécifique peut être déterminante. En effet, l’écoulement d’eau donne naissance à un lit marqué, c’est le cas pour les ruisseaux. La nature du fond du lit est différente de celle de la parcelle adjacente. Il peut s’agir de sable, de graviers ou encore de vase organique.


II) Les objectifs de la nouvelle cartographie

Cette cartographie doit être réalisée avant le 15 décembre 2015 dans les zones où les référentiels disponibles, tels que les cartographies au 1/25000e de l’IGN, sont assez complets pour servir de base à une cartographie fiable. Dans certains départements, il existe également une base partenariale ayant d’ores et déjà permis d’établir une base consensuelle pouvant servir à l’élaboration de cette cartographie.

Au 15 décembre 2015, la Ministre souhaite que les deux tiers du territoire métropolitain soient couverts par une cartographie complète. L’objectif à terme est de couvrir la totalité du territoire métropolitain, à l’exception de 5 à 10% en raison des difficultés spécifiques du terrain.

Dans les départements où la complexité et le coût d’une identification exhaustive rendent la réalisation d’une cartographie complète impossible au 15 décembre, les services départementaux et régionaux peuvent réaliser des cartographies incomplètes et recourir à une méthode d’identification des cours d’eau. Cette méthode permettra d’identifier au niveau local les écoulements pouvant être considérés comme des cours d’eau au regard des critères jurisprudentiels et des indices complémentaires précités en les adaptant au contexte géographique et climatique local. De plus, les usages locaux pourront permettre de déterminer la qualification de l’écoulement.

Les informations ainsi recueillies seront mises à la disposition du public afin que chaque utilisateur connaisse la position de l’Etat. Pour les zones où une cartographie complète des cours d’eau aura pu être réalisée, les lieux de consultation de cette cartographie devront être communiqués. Dans les autres zones, les méthodes devront prévoir les modalités de mise à disposition du public des avis déjà rendus sous la forme d’une cartographie progressive.

Un guide devra également être réalisé pour le 15 décembre 2015 afin de présenter aux propriétaires riverains d’un cours d’eau leurs obligations ainsi que les bonnes pratiques à mettre en œuvre afin de préserver les milieux aquatiques. Ce guide sera ensuite décliné à l’échelle locale en s’adaptant aux conditions et pratiques de chaque territoire. Il permettra ainsi aux propriétaires riverains de savoir quelles opérations d’entretien doivent être réalisées sans procédure préalable et quelles opérations relèvent des procédures préalables au titre de la police de l’eau.


Bibliographie :

Instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 relative à la cartographie et à l’identification des cours d’eau et à leur entretien