Si le concepteur d'une machine est le responsable de premier rang de la prévention des risques liés à son utilisation, l'utilisateur (souvent l'employeur) a la charge de maintenir ces exigences légales, notamment au travers de l'état de conformité.
Les machines utilisées par les salariés et mises à disposition par le chef d'entreprise doivent être appropriées au travail à effectuer et être équipées, installées, utilisées, réglées et maintenues de façon à respecter les exigences essentielles de santé et sécurité. Le code du travail énonce les règles applicables à l'employeur dans les articles L4321-1 à L4321-5.
S'il ne respecte pas ces obligations ou si un accident survient du fait d'une non-conformité de la machine, l'employeur et/ou la personne morale peut engager sa responsabilité, civile comme pénale.
Il existe plusieurs étapes lorsqu'une entreprise décide d'acquérir une machine. Il existe tout d'abord des obligations qui résultent de l'achat même de cette nouvelle machine (I) : de la procédure de réception à l'intégration des nouveaux risques liés à la machine, l'employeur se doit de mettre en œuvre tout son possible pour que la sécurité et la santé de ses employés ne soient pas affectées par de nouveaux équipements. Une fois la machine intégrée à l'entreprise, celle-ci, dont la conformité est attestée par la déclaration de conformité CE fournie par le fabricant, devra faire l'objet d'une attention régulière, par le biais de diverses vérifications, afin de maintenir cet état de conformité (II). Ces vérifications devront être effectuées de manière périodique, ou à la suite d'une modification du matériel qui pourrait nuire au niveau de sécurité.

I. Les obligations relatives à l'achat d'une machine

L'achat d'une machine s'avère être complexe au vue des exigences de santé et sécurité imposées par le Code du travail. L'employeur doit dans un premier temps s'assurer que la machine reçue est conforme (A), avant de procéder à l'intégration des nouveaux risques dans l'organisation du travail (B).

A. La définition du besoin

Le cahier des charges de l'entreprise permet de transcrire le besoin auquel doit répondre la machine. Ce besoin est d'abord matériel, puisqu'il faudra déterminer quelle tâche la machine est amenée à effectuer. Mais il est aussi légal, puisque la machine devra répondre à des critères de sécurité pour être mise à disposition des employés. Ainsi, l'employeur devra faire des choix quant au système de nettoyage, réglage, arrêt d'urgence etc. incorporés à la machine. L'ergonomie pourra aussi être mise en avant pour répondre aux besoins de conforts des employés. Tous ces critères sont prévus par le concepteur lors de la fabrication de la machine, mais l'employeur peut, selon le type de machine qu'il souhaite acheter, les prendre en compte dans ses besoins et en faire des critères déterminant pour choisir le produit.
L'INRS souligne quatre besoins principaux: les fonctions assurées par la machine, les exigences de production, la maintenance/réglage/nettoyage, et les conditions et contraintes d'implantation de la machine.
Un cahier des charges est ensuite rédigé afin de rappeler les exigences légales de conformité, la nature du besoin, les conditions de réception etc. Il peut être annexé au contrat et va servir de support au fournisseur pour rédiger un devis et calculer les délais.
Dès lors que l'employeur reçoit la machine, celui-ci a la possibilité de refuser la réception si le matériel ne respecte pas les exigences de conformité. L'utilisateur va s'assurer que la machine correspond aux exigences du cahier des charges, mais il devra aussi s'assurer du respect des exigences essentielles de santé et de sécurité. La procédure de réception est bien souvent inclue dans le cahier des charges, ce qui permet au fabricant d'anticiper les points qui vont être examinés lors de la réception.

B. L'intégration des nouveaux risques liés à l'acquisition d'une machine

Afin d'éviter de nuire au niveau de sécurité des salariés, l'employeur doit prendre certaines mesures afin de prévenir le risque d'accident. Cela passe par une organisation du travail qui s'adapte à l'arrivée de nouvelles machines, ainsi qu'une formation des salariés afin de réduire au maximum le risque d'accident.

La notice d'instructions et les retours d'expérience vont être au cœur de l'adaptation de l'organisation du travail. La notice va permettre de déterminer les différents moyens d'utiliser la machine et donc les moyens de protection nécessaires à son utilisation, selon les interventions qui peuvent être effectuées (réglage, maintenance, nettoyage…). Les retours d'expérience vont, quant à eux, permettre de mettre en lumière les différents problèmes qui peuvent survenir au cours de l'utilisation et qui ne sont pas forcément inscrit dans la notice. Cela implique qu'une machine du même type ait déjà été achetée dans l'entreprise puisque le retour d'expérience n'a pour vocation que d'éviter à un incident déjà survenu de se reproduire.

Les fiches de postes vont aussi permettre de préciser aux salariés l'étendue de leur mission.
Les salariés doivent être tenus au courant des risques liés à l'utilisation des différents équipements de travail. Par le biais d'affiches ou des animateurs sécurité, ils doivent être formés aux bonnes pratiques de travail afin de réduire au maximum le risque d'accident. Peu importe la forme, peu importe le destinataire, chaque salarié qui est amené à utiliser une machine doit être formé aux risques et aux règles de sécurité relatives à cette dernière.



II. Le maintien de l'état de conformité

L'employeur se doit, après avoir réduit au maximum le risque d'accident lors de la mise en service de la machine, en s'assurant de la conformité et en formant ses salariés, de maintenir ce niveau de sécurité. Cela passe par un ensemble de vérifications obligatoires (A): de la maintenance aux vérifications règlementaires, un niveau de sécurité et de santé équivalent à celui de la déclaration de conformité CE doit être maintenu.
Ce niveau de sécurité doit aussi être maintenu après une modification de la machine : si celles-ci sont tout à fait autorisées, elles ne peuvent causer des risques pour les salariés, autres que ceux prévus initialement.

A. Les vérifications obligatoires

L'objectif des vérifications obligatoires est de déceler une dégradation, un dysfonctionnement de la machine avant qu'un accident ne soit survenu. Les vérifications obligatoires doivent être effectuées parallèlement aux mesures de maintenance: une vérification obligatoire ne saurait remplacer une maintenance prévue par le fabricant dans le dossier technique.
Ceux sont les différents articles de la partie règlementaire du Code du travail qui vont fixer les contenus de ces vérifications. Cependant, l'employeur peut, lorsque celles-ci ne sont pas prévues par le Code, prendre l'initiative de mettre en place des vérifications périodiques, en prenant en compte la notice d'instructions et l'évaluation des risques fournies par le fabricant.
Il est possible que l'inspection du travail demande à l'employeur d'effectuer des vérifications suites à plusieurs cas : accident, constat d'une situation dangereuse, doute sur la conformité de l'équipement. Les inspecteurs vont alors déterminer si les vérifications doivent être effectuées sur tout ou partie de la machine. Le contrôle permettra de mettre en avant les règles applicables à la machine, la conformité au moment du contrôle par rapport à ces exigences de santé et sécurité et un rapport détaillé des contrôles effectués.
Un contrôle demandé par l'inspection du travail est obligatoirement effectué par un organisme accrédité.

QUID en cas de modification d'une machine ?

La modification d'une machine peut remettre en cause son niveau de sécurité et donc sa conformité.
C'est le guide technique du 18 novembre 2014, relatif aux opérations de modifications de machine, qui est venu préciser cette notion et les conséquences de celle-ci. La modification est définie comme << l'opération par laquelle l'employeur modifie, ou fait modifier pour son compte, une machine en service>>. Cette définition exclue donc les modifications effectuées sur les machines neuve avant leur mise en service, une machine usagée en vue de sa mise sur le marché dans l'UE pour la première fois ( et donc considérée comme neuve et non en service) etc.

Deux types de modifications peuvent être énoncés:

1) Le remplacement, l'ajout ou la suppression d'un élément ou d'une fonction , l'ajout d'un équipement interchangeable ou la modification de l'application définie lorsque ces opérations sont réalisées sur une machine soit :
- soumise au marquage CE et quand l'opération n'est pas prévue par le fabricant dans la notice d'instructions
-non soumise au marquage CE quand l'opération est une opération de rénovation, de modification des performances ou des conditions de travail.

2) Un assemblage de machines qui concerne au moins une machine en service et dès lors que l'assemblage n'est pas prévue par le fabricant dans la notice d'instructions.

Il est strictement interdit de supprimer une fonction de sécurité d'une machine.

B. Les transactions de machine

• L'achat de machine: comme vu précédemment, le fabricant doit donner à l'acheteur la déclaration de conformité CE. Celle-ci ne constitue cependant qu'une présomption de conformité et l'acheteur doit s'assurer du respect des exigences essentielles.
• La revente, le prêt, la location : dès lors qu'une entreprise effectue une de ces trois transactions, elle doit s'assurer de la conformité de la machine et transmettre au récepteur une déclaration de conformité CE et une notice d'instructions. (sauf en cas de revente à un professionnel ou un ferrailleur )
• La mise au rebut: la notice d'instructions contient les obligations à respecter lors de la mise en rebut. Le fabricant précise à l'utilisateur les règles environnementales à respecter lors de la fin de vie d'une machine. C'est une obligation, mais il peut arriver que le constructeur n'existe plus (liquidation judiciaire par exemple). Dès lors, l'entreprise devra effectuer une analyse de risque avant de commencer la mise en rebut.


Bibliographie:


(1) Ian Fraser, Guide pour l'application de la directive Machines 2006/42/CE, 2e Edition, Juin 2010 (consulté le 23 juin 2015)
http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/mechanical/files/machinery/guide-appl-2006-42-ec-2nd-201006_fr.pdf

(2) INRS, Conception et utilisation des équipements de travail, 2015, (consulté le 23 juin 2015)
www.inrs.fr/demarche/conception-utilisation-equipements-travail.html

(3) Guide technique relatif aux opérations de modification des machines en service
http://travail-emploi.gouv.fr/publications/picts/bo/20141130/TRE_20140011_0110_0001.pdf

(4) Inrs, Vérifications périodiques des machines et appareils de levage,
http://www.inrs.fr/media.html?refINRS=ED%206067