A la fin du XIXe siècle, la Révolution industrielle bat son plein et le nombre d'accidents du travail ne cesse d'augmenter. Les salariés n'avaient, avant 1841, aucun recours contre leur patron lorsqu'ils étaient victime d'un accident au cours de leur fonction. Le contrat de travail était considéré comme un contrat de louage, qui se résumait par l'échange d'un service contre un salaire et ne bénéficiait d'aucune protection juridique.
Le 21 juin 1841, la Cour de Cassation affirme que le patron est tenu à une obligation de sécurité, non pas au regard de la responsabilité civile et du contrat qui le lie au salarié, mais au regard de la responsabilité délictuelle. Par la suite se développe parallèlement plusieurs théories, de la responsabilité contractuelle à la responsabilité pénale, et les tribunaux se voient rectifiés par la loi de 1898, qui consacre une obligation de résultat de l'employeur qui doit assurer la sécurité de ses salariés. En contrepartie, les patrons ont obtenu du Parlement l'octroi d'une indemnisation forfaitaire dont les salariés pourront se prévaloir en cas d'accident.
Dès lors, les règles relatives à la sécurité au travail se sont multipliées afin d'atteindre un niveau de protection optimal des salariés. A chaque évolution de la technologie, de nouvelles règles sont apparues: de l'ergonomie des postes de travail aux équipements utilisés, le patron est tenu de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à la prévention des risques liés à son domaine d'activité et aux équipements de travail mis à disposition des salariés.
La règlementation concernant la sécurité liée à l'utilisation des machines est née en 1917 où les premiers textes destinés aux utilisateurs ont été adoptés. En 1976, une loi relative au principe de sécurité intégrée pose les principes d'une prévention des risques qui doit intervenir en amont, dès la phase de conception de la machine.
L'Union Européenne a légiféré au travers de plusieurs directives, en 1989 pour les deux premières directives sur les exigences de sécurité et santé essentielles à la conception et l'utilisation, jusqu'à la directive 2006/42/CE, dernière version applicable.
Il conviendra dans cet article d'étudier les principales règles applicables au fabricant d'une machine, de son obligation d'information (I) à l'obligation de conformité de la machine(II).

I. L'obligation d'information du fabricant

Une machine s'entend d'un <>. Le champ d'application de la machine s'étend aussi aux équipements interchangeables; composants de sécurité; accessoires de levage; chaînes, câbles et sangles; dispositifs amovibles de transmission mécanique et quasi-machines. Pour chacun de ces matériels, le fabricant est tenu aux obligations édictées par la directive 2006/42/CE dont les principales sont la constitution d'un dossier technique (A), et le marquage CE (B).

A. La constitution d'un dossier technique

Le dossier technique est une obligation qui incombe au fabricant. Cette obligation résulte de l'article 24 de la directive et a été repris dans le Code du travail à l'article R4313-6, dont le contenu a été listé dans l'arrêté du 22 octobre 2009.
La finalité du dossier technique est de prouver que la machine, ou tout équipement cité ci-dessus, répond aux exigences essentielles de sécurité et de santé. L'annexe VII de la directive décrit la procédure à suivre pour élaborer le dossier.
Il doit permettre aux états membres de déterminer si la machine est conforme afin de remplir leur mission de surveillance du marché. En effet, les Etats membres doivent veiller à ce qu'aucune machine non conforme ne soit mise sur le marché et ont le pouvoir de retirer toute machine qui ne répondrait pas aux exigences essentielles de sécurité et de santé.

Le dossier doit recouvrir la conception, la fabrication et l'utilisation de la machine. Ces trois étapes sont essentielles puisqu'elles vont déterminer si le fabricant a bien pris toutes les mesures pour réduire les risques que peuvent engendrer les machines vis-à-vis des salariés.
Ce dossier doit être rédigé dans une des langues officielles de l'Union Européenne.
Le contenu du dossier technique se divise en deux parties : l'une concernant les informations relatives à la fabrication et à la conception, l'autre relative à la production de la machine.
Le dossier doit tout d'abord contenir une description suffisante pour que les Etats membres , dans leur mission de surveillance des marchés, puissent analyser le fonctionnement de la machine de façon à savoir si celle-ci réponds bien aux exigences de santé et sécurité et ainsi déterminer si elles sont conformes ou non ( description générale de la machine; plan d'ensemble, plan des circuits de commande et descriptions/explications relatives à la compréhension du fonctionnement; plans détaillés et complets pour vérifier la conformité aux exigences).
Une évaluation des risques doit aussi être inclue pour déterminer si le niveau de protection des salariés par rapport aux exigences a bien été pris en compte.( liste des exigences de sécurité et de santé applicable à la machine; mesure de protection prises).
Le fabricant doit aussi inclure une liste des normes et spécifications techniques utilisées, ainsi que des rapports sur les différents essais effectués.
A tout cela s'ajoute une copie de la déclaration de conformité, des documents relatifs aux quasi-machines, une notice d'instruction, et les mesures de contrôles relatives à la production des machines qui prouvent que celles-ci ne diminuent pas le niveau de sécurité de la machine.

B. L'évaluation des risques

Le fabricant a l'obligation de procéder à une évaluation des risques et de prendre toutes les mesures nécessaires pour diminuer ceux-ci. Cette évaluation doit être incorporée au dossier technique.
La loi de 1976 relative au principe de sécurité intégrée précise que les risques doivent être intégrés durant la phase de conception de la machine.
Le concepteur doit effectuer plusieurs étapes pour évaluer le risque:
L'analyse de risque doit tout d'abord effectuer afin de déterminer tous les phénomènes dangereux liés à la machine. Il n'existe pas de normes imposées mais la norme NF EN ISO 12100 offre une méthode qui est reprise par la plupart des fabricants. Celle-ci peut se résumer comme suit: Déterminer les limites d'utilisation; Identifier les phénomènes dangereux; Estimer le risque engendré pour chaque phénomène; Définir les objectifs de sécurité; Déterminer les prescriptions et les mesures à prendre; Valider et renouveler en cas de découverte de nouveaux risques.

Une fois l'analyse effectuée, il se peut que certains risques puissent faire l'objet d'une suppression en modifiant simplement les caractéristiques de la machine. Si de telles mesures peuvent être prises, elles doivent être privilégiées, en ce sens où celles-ci sont préférables à des moyens de protection qui certes protègeraient l'utilisateur, mais n'enlèverait pas le risque. C'est un traitement à la source du risque.
Les principaux risques liés aux machines sont : le bruit, la vibration, les rayonnements ionisants, ou encore le risque mécanique. Mais il existe une myriade de risques relatifs à l'utilisation de machines, c'est pourquoi l'analyse de risque se doit d'être la plus complète possible.


II. La conformité de la machine

A. Le marquage CE


Les règles relatives au marquage CE sont énoncées dans l'annexe II de la directive.
Le marquage CE est une obligation imposée aux fabricants. Lorsqu'il est apposé sur un produit, celui-ci acquière le droit de libre circulation sur le territoire de l'Union Européenne et il atteste qu'un produit respecte un ensemble de règles techniques. Dès lors qu'une directive le mentionne pour un produit, il est obligatoire. Par exemple, il s'applique pour les jouets, les équipements de protection individuelle, ou encore les ascenseurs.
Il doit être préalable à la mise sur le marché.

Trois procédures sont applicables aux machines pour certifier qu'une machine est conforme:
- L'auto certification, par laquelle le fabricant (ou importateur) va lui-même, aux regards des normes applicables et des essais qu'il doit réaliser, certifier que son produit est conforme et établir la déclaration CE.
- L'examen CE de type, ou un organisme notifié est chargé d'évaluer la conformité d'un modèle de machine. C'est une procédure plus restrictive qui s'applique à certaines catégories de machines, et dès lors que l'organisme aura certifié, le fabricant pourra produire en série et apposer le marquage CE si l'organisme lui a délivré l'attestation d'examen CE de type.
- L'assurance qualité complète, par laquelle un organisme notifié va évaluer cette fois-ci le système de qualité d'un fabricant et son application. Le fabricant s'engage par la suite à toujours respecter ce système pour produire ses machines, et il pourra apposer le marquage CE et délivrer la déclaration de conformité.
La déclaration CE de conformité doit répondre à des exigences bien précises, édictées dans l'annexe II, partie 1 section A de la directive. (raison sociale et adresse du fabricant, description et identification de la machine etc.)
Le fabricant a une obligation de conservation de l'original de la déclaration CE de conformité pendant dix ans, après la dernière date de fabrication de la machine.
L'apposition du marquage répond à des spécificités strictes, de proportion, de couleurs et de formes. L'annexe III présente le graphique imposé pour le marquage, ainsi que le lieu et la méthode d'apposition.

B. La procédure de réception

Une fois la machine fournie à l'utilisateur, celui-ci procède à sa réception. Il contrôle la conformité de la machine et le respect des exigences essentielles de sécurité et de santé auxquelles le fabricant est lié.
L'utilisateur va d'une part pouvoir s'assurer que la machine correspond aux exigences du cahier des charges, et d'autre part il va pouvoir vérifier le respect de la règlementation, même si celle-ci est présumée avec l'apposition du marquage CE.
Que la machine soit neuve ou d'occasion, la déclaration CE n'empêche pas la vérification par l'utilisateur.
Des guides sont mis à la disposition des utilisateurs par différents organismes, qui consistent à cocher des cases pour mentionner si oui ou non certaines caractéristiques sont respectées, mais ils ne peuvent être exhaustifs. Si la machine ne répond pas aux exigences contractuelles ou à la règlementation, un accord est souvent trouvé entre les deux partis pour établir la conformité avant la réception définitive. Cependant, si celui-ci n'est pas trouvé, le contrat peut être remis en question par l'utilisateur.

Sources:

(1) Ian Fraser, Guide pour l'application de la directive Machines 2006/42/CE, 2e Edition, Juin 2010 (consulté le 23 juin 2015)
http://ec.europa.eu/enterprise/sectors/mechanical/files/machinery/guide-appl-2006-42-ec-2nd-201006_fr.pdf

(2) INRS, Conception et utilisation des équipements de travail, 2015, (consulté le 23 juin 2015)
www.inrs.fr/demarche/conception-utilisation-equipements-travail.html