A l’heure où la protection de l’environnement devient la préoccupation de tous, les expressions « vert », « écologique », apposées sur des produits ou services, deviennent des arguments de vente. Mais peut-on vraiment se fier à ces termes ? Comment être sûr que des produits estampillés « écologiques » ont réellement une incidence négative moindre sur l’environnement par rapport à d’autres produits ?

I. Les arguments « écologiques » de vente : une nouvelle approche marketing.

Le consommateur est en demande croissante de produits naturels et cela dessine les contours de nouveaux modes de consommation. Production, vente et achat s’inscrivent de concert dans un nouvel art de vivre animé par une recherche éclairée de qualité écologique. Ainsi, le consommateur s’intéresse désormais à leur origine du produit (bio ou non), à sa composition (présence d’agents chimiques, toxicité…) et à l’impact de la production et de la distribution sur l’environnement (énergie consommée, transport, biodégradabilité, recyclage).

L’émergence de cette « vague verte » n’a pas échappée aux industriels et grands groupes. Leurs pratiques de marketing ont changé pour inclure des références à l’environnement ou à un cadre de vie sain sur les étiquettes d’emballages, le packaging (vert qui rappel la nature) ou dans les slogans publicitaires. Et ces derniers arguments sont nombreux et divers : pas de phosphates ou autres substances chimiques, moins de consommation énergétique, pas de tests sur les animaux, produits naturels ou issus de l’agriculture biologique…

Toutefois, tous les industriels n’ont pas la même démarche ou la même motivation. Pour certains, elle relève de réelles préoccupations environnementales ou de la volonté d’intégrer un nouveau marché durable. Pour d’autres, comme les compagnies pétrolières, il s’agit de communiquer pour valoriser leur image à la suite, par exemple, de catastrophes écologiques (marée noire…).

II. Les instruments de surveillance et de contrôle mis en place.

Pour éviter les abus, plus particulièrement en ce qui concerne la publicité, certains mécanismes ont été imaginés pour éviter les références environnementales approximatives ou les mensonges.

A. Instruments en ce qui concerne la publicité : les codes de bonnes conduites

Ainsi, des Codes ont été proposés par des organismes pour encadrer l’utilisation de l’environnement dans la publicité et avoir une approche plus éthique de la communication. La Chambre internationale de commerce a par exemple publié en 1991 un Code international en matière de publicité faisant référence à l’environnement et qui vise à imposer des pratiques loyales. L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité a elle aussi produit des règles d’autodisciplines. Ces règles édictent des principes d’honnêteté, de loyauté, de présentation véridique des produits et de bonne foi dans la publicité. Toutefois, la force juridique de ces règles est toute relative voir inexistante, leur respect n’étant pas assuré (ni contrôle ni sanction). D’autres exemples, notamment certains plus répressifs, existent comme en Grande-Bretagne.

Ces règles suffisent rarement et ce sont alors les instances supérieures, notamment judiciaires, qui interviennent lors de plaintes de particuliers ou autres, contre des producteurs, pour publicité mensongères.

Citons comme exemple le désherbant Roundup (sous ses différentes formes). Il était reproché au fabricant d’avoir effectué une publicité télévisuelle « comportant des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, sur les qualités substantielles, les propriétés, les conditions d'utilisation » du produit en indiquant « que le produit était biodégradable et qu'il laissait le sol propre », et d’avoir « sur les cartons d'emballage de ces produits, apposé le logo d'un oiseau et mentionné "respect de l’environnement", "propre", "efficacité et sécurité pour l’environnement". Dans un arrêt du 29 octobre 2008 (n°1012/07), le Tribunal de Grande Instance de Lyon a considéré qu’il s’agissait bien d’une « publicité mensongère ou de nature à induire en erreur […] concernant les produits herbicides pour jardins d'amateurs […] et comportant des allégations et indications de nature à induire en erreur sur les qualités substantielles, s'agissant de l'ampleur alléguée du caractère biodégradable de leur substance active dénommée glyphosate ». Il a également précisé qu’en l’espèce l’apposition du logo, associé à l’expression « respect de l’environnement », n’avait pas lieu d’être et était de nature trompeuse.

B. Instruments d’informations : l’étiquetage et les écolabels

Parallèlement à ces dispositifs dans le domaine de la publicité, des signes officiels (étiquetage) de reconnaissance des avantages environnementaux des produits ont été crées à partir des années 70 : les écolabels. Leur but est de distinguer les produits dont l’impact sur l’environnement est moindre, d’encourager les industriels à améliorer la qualité écologique de leurs produits et de contribuer à un comportement éco-responsable des consommateurs par une information plus fiable et claire (permet au consommateur de faire un choix plus éclairé).

Le premier écolabel apparaît en 1977 et est allemand : l’« Ange bleu ». La France, elle, a crée sa marque « NF- Environnement » en 1991. Un an plus tard, l’Union Européenne présente son Ecolabel : La Fleur ».

Et à la fin des années 90, l’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) va normaliser les pratiques d’étiquetage écologique en les regroupant en trois catégories regroupées sous la série de normes ISO 14020.

La première catégorie concernant les étiquettes du type I, communément appelées les écolabels, regroupe les produits qui sont, selon des critères établis par un organisme tiers, moins dommageables pour l’environnement que des produits similaires (par comparaison). Selon les normes ISO 14021 et 14024 qui leurs sont applicables, les critères sont déterminés selon deux phases : la normalisation fondée sur l’analyse du cycle de vie des produits (de la matière première à la fin de vie) et la certification, par un organisme, qui évalue le respect des critères écologiques.

La deuxième catégorie concernant les étiquettes du type II regroupe les produits qui sont déclarés moins dommageables à l’environnement par leur fabricant (par exemple les industriels qui ont crée leur propre logo : Monoprix vert…). Selon la norme ISO 14024, l’analyse du cycle de vie doit être prise en compte mais le contrôle du respect de ces critères n’est pas assuré.

La troisième catégorie concernant les étiquettes du type III regroupe les produits dont l’étiquette fournit des informations sur les caractéristiques du produit, sans le comparer à un autre produit. Selon la spécification technique ISO 14025, l’étiquette doit aussi être fondée sur des considérations relatives au cycle de vie. A la différence des écolabels, elle peut être apposée sur tous les produits, à charge pour le consommateur de bien faire la différence dans les indications (c’est une sorte de fiche détaillée des proportions, de la consommation d’énergie…).

Mais ce sont les écolabels (étiquette de type I) qui sont les plus à même, de par leurs caractéristiques, d’informer et de garantir à la fois la qualité d’usage et les caractéristiques écologiques du produit.

Cela est dû au fait qu’ils soient mis en place par les pouvoirs publics et qu’ils fassent l’objet d’un contrôle par une tierce partie. Ils doivent ainsi satisfaire à un cahier des charges (écolabel européen) ou référentiel de certification (marque NF-Environnement) préétablit grâce à la collaboration de professionnels, association, pouvoirs publics…, et qui fixe des critères environnementaux et de performance pour chaque catégorie de produits. Ces critères sont différents selon les produits. Ce peut être limiter ou interdire les ingrédients toxiques, augmenter la biodégradabilité, limiter la quantité emballages, limiter la consommation énergétique, utiliser des substances naturelles etc.

Au niveau européen, les critères sont élaborés et revus par le Comité de l’Union européenne pour le label écologique (CUELE) et ensuite approuvés par les Etats membres et la Commission européenne. Au niveau français, les critères sont élaborés par le Comité Français des Ecolabels. En France, c’est l’AFNOR qui est en charge de répondre aux demandes de certification que se soit pour la délivrance de l’Ecolabel Européen ou de la marque NF-Environnement.

Pour les producteurs et les industriels, la démarche de certification est volontaire, globale (elle prend en compte tout le cycle de vie du produit) et évolutive (l’écolabel n’est attribué que pour une durée déterminée et le cahier des charges peut être révisé en fonction de nouvelles données). De plus, cette démarche n’est pas gratuite. Des frais de dossiers et une redevance annuelle (pourcentage sur le chiffre d’affaire ou de vente) sont à la charge du demandeur. Toutefois, les PMI et TPE bénéficient de certains avantages, rabais. Il faut savoir qu’une démarche d’éco-conception ne débouche par toujours sur un écolabel. Le coût financier du démarrage de la procédure peut bloquer les bonnes volontés d’entrepreneurs qui proposent des produits de qualités, conformes aux critères des écolabels.

De nombreux produits ou services sont concernés par l’écolabel, du détergent aux services d’hébergement touristiques en passant par les peintures, enveloppes ou appareils électriques. Et la liste n’est pas la même selon qu’il s’agisse de l’écolabel européen ou de la marque NF-Environnement (elle s’intéresse à des produits non concernés par l’écolabel européen pour le compléter).

Toutefois, certains produits sont exclus : les produits pharmaceutiques, agroalimentaires, les dispositifs médicaux et des boissons. Mais il existe d’autres labels qui peuvent bénéficier à ces derniers. C’est le cas des labels « AB » et « agriculture biologique » pour les aliments et boissons, qui attestent d’une production biologique et du respect de l’environnement, le « label rouge » pour les animaux d’élevage. Il existe également des labels « Cosmébio Eco » et « Cosmébio Bio » pour les produits d’hygiène et de beauté, qui garantissent que le produit possède au moins 95% d’ingrédients naturels, qu’il n’est pas testé sur les animaux…

Mais même avec tous ces mécanismes, comment être sûr que le produit a réellement un impact moindre sur l’environnement et la santé ? Les critères définis par l’Ecolabel sont-ils clairement mesurés et suffisants en nombre par rapport aux attentes des consommateurs ? En effet, les critères ne sont pas les mêmes selon le label. De plus, l’intégration de produits biologiques, naturels n’est pas toujours un critère. Ainsi, le label agriculture biologique est moins exigeant que la marque AB en ce qui concerne les pesticides et les OGM. De même, certaines substances peuvent être considérées comme dangereuses par certains organismes et pas par d’autres. Le consommateur doit donc être mieux informé.

Un point positif est que les cahiers des charges ou référentiels de certification ne sont pas figés. Ils peuvent être révisés pour rendre les critères plus exigeants, en fonction des évolutions postérieures. Le Parlement a bien compris cette possibilité, et nécessité, de faire évoluer l’écolabel européen. En effet, dans une optique de révision de l’écolabel, le Parlement a fait un premier pas en adoptant, le 2 avril 2009, un projet de règlement révisant le système actuel. L’objectif est d’étendre le nombre de produits concernés par l’écolabel, de simplifier la procédure d’obtention, d’améliorer l’information des consommateurs par des campagnes de communication et donc d’augmenter l’utilisation de l’écolabel. Toutefois, à ce stade de la procédure, certaines questions restent encore en suspend comme la définition des critères, l’intégration de produits agroalimentaire, l’interdiction des tests animaliers ou des produits toxiques… Espérons que cette révision aura pour conséquence de rendre l’écolabel européen plus accessible aux entreprises avec des critères plus protecteurs de l’environnement et des personnes.


Bibliographie :

Julien GIRARD, « Du Chat à Shell ou la nécessité d’une déontologie de la publicité verdoyante… », Revue Droit de l’environnement, n°165-Janvier-Février 2009, p 11.

http://www.ecolabels.fr/fr
http://www.ecologie.gouv.fr/ecolabels/
http://www.environnement.ccip.fr/management/produit/ecolabels.htm
http://ec.europa.eu/environment/ecolabel/
http://www.europarl.europa.eu/oeil/file.jsp?id=5667652