Jussieu et Dunkerque : le procès continue

Tout d’abord, concernant l’affaire de Jussieu, les bâtiments du site universitaire de Jussieu contenaient de l’amiante avaient causé des cancers de poumon à des étudiants et des personnels travaillant sur le site. Le juge d’instruction saisi de l’affaire, a mis en examen des décideurs publics, des membres de l’administration, des membres de l’administration d’Etat et d’autres personnes en considérant qu’il existait des indices graves ou concordants rendant vraisemblable leur participation indirecte pendant leurs périodes de fonctions aux blessures ou homicides involontaires.

Concernant l’affaire de Dunkerque ensuite, il s’agissait des salariés des chantiers de Dunkerque qui étaient exposés à l’amiante sur leur lieu de travail. Certains on développé des maladies graves et d’autres sont décédées.

L’association de défense des victimes de l’amiante (ADVA) a porté plainte pour homicides et blessures involontaires, et omission de porter secours. Sur cette base, certains responsables du ministère de la santé et médecins du travail ont été mis en examen. Ayant fait un recours contre cette mise en examen, la Chambre d’instruction annule la décision de la mise en examen pour défaut de lien de causalité entre les faits reprochés et le dommage subi. Cependant, elle a jugé que les maladies contractées résultaient de « contamination » et qu’elles avaient pu avoir lieu avant la prise de fonction des personnes mises en examen. La Chambre d’instruction en déduit que les liens de causalité entre les faits reprochés et le dommage subi n’est pas établi avec certitude, les mises en examen devant donc être annulées.

Sur le fondement de l’article 80-1 alinéa 1 du code de procédure pénale qui encadre la mise en examen dans un but de protection des libertés, la Cour de cassation, en tant que juge du droit, annule les décisions d’annuler les mises en examen de Jussieu et Dunkerque. En effet, selon cet article, la mise en examen peut être décidée « si des indices graves ou concordants rendent vraisemblable le fait qu’une personne ait pu participer à la commission des infractions reprochées ». La Cour de cassation rappelle la mission du juge d’instruction qui est de mener son information à charge et à décharge. Par conséquent, elle en déduit que la mise en examen peut avoir lieu si des indices graves ou concordants rendent vraisemblable le fait qu’une personne ait pu participer à la commission des infractions reprochées et que l’exigence de cet article ne s’entendait pas qu’il faille une certitude. En somme, le lien de causalité n’exige pas la certitude de la participation des mis en examen à la commission de l’infraction, il suffit juste des indices graves et concordants au sens de l’article mentionné plus haut.

Affaire Condé-sur-Noireau : fin des poursuites au plan pénal

Des salariés de l’usine Condé-sur-Noireau étaient exposés à l’amiante sur leur lieu de travail. Certains ont développé de graves maladies ainsi que leurs conjoints qui lavaient leurs vêtements de travail qui ont aussi développé des maladies. Le juge d’instruction a mis en examen des décideurs publics, des membres de l’administration d’État et d’autres personnes qui participaient à des structures non étatiques. Le juge d’instruction a jugé qu’il existait des indices graves ou concordants qui rendaient vraisemblable leur participation indirecte, pendant la période au cours de laquelle, ils étaient en fonctions, au développement de ces maladies ou de ces décès.

Les personnes qui ont été mises en cause ont fait recours et saisi la Cour de cassation. Après avoir souverainement statué sur les faits, la chambre de l’instruction a considéré que des indices graves ou concordants n’étaient pas réunis contre les personnes mises en examen et a donc décidé d’annuler les mises en examen. La décision se fonde sur deux motifs : d’abord, sur l’absence de négligence qui leur serait imputable dans la surveillance de la réglementation en vigueur ; d’autre part, compte tenu des connaissances scientifiques de l’époque à laquelle les faits se sont déroulés, les mis en examen ne pouvaient mesurer la particulière gravité du risque auquel, elles auraient exposé les victimes.

La Cour de cassation saisie, en pourvoi, confirme la décision de la Chambre d’instruction sur les mêmes motifs rappelés dans les affaires précédentes, Jussieu et Dunkerque : absence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation des mis en examen. Ainsi, la Chambre criminelle confirmant l’annulation des mises en examen opérées par la Chambre d’instruction, précise les contours du contrôle en cas de recours contre une décision de mise en examen.

Rappelons que dans sa décision du 1er octobre 2003, la Cour de cassation avait rappelé que l’ « absence des indices graves ou concordants » imposait à la Chambre de l’instruction de prononcer l’annulation de la mise en examen. Les trois décisions du 14 avril 2015 s’appuient sur cette jurisprudence. En l’espèce, la Cour de cassation se limite à sanctionner les juges du fond qui n’ont pas recherché l’existence de ces indices, dans les affaires Jussieu et Dunkerque, ce qu’ils avaient fait dans l’affaire Condé-sur-Noireau.

Rappelons, qu’au passage, que parmi les personnages étatiques d’alors mis hors de cause, figure Martine Aubry, qui était directrice des relations du travail au ministère du travail de 1984 à 1987, et qui avait été mise en examen en 2012 au motif qu’elle n’avait pas agi à temps pour protéger les salariés.

Procès de l'amiante et poursuite au pénal, une erreur de choix des requérants ?

S'il est vrai que la contamination de l'amiante cause des dommages graves et doivent être réparés, le choix des requérants de la poursuite des auteurs mis en examen au pénal reste problématique dans la perspective d'une demande indemnitaire, quand bien même, une action au civil est intentée en parallèle. En effet, les associations requérantes ont déjà trente de procédures contre les décideurs publics sans réel succès. En effet, à l'image de l'affaire du sang contaminé, puis qu’aucun patrimoine n'est visé, l'affaire finit naturellement par un échec.




Références:

Communiqué arrêts dit de l'amiante de la Cour de cassation du 14 avril 2015

L'amiante et les conditions de la mise en examen : https://www.contrepoints.org/2015/04/18/204979-lamiante-et-les-conditions-de-la-mise-en-examen

Affaire de l'"Amiante" : la Cour de cassation rappelle les conditions de mise en examen et précise les contours du contrôle de la chambre de l'instruction : http://actualitesdudroit.lamy.fr/Accueil/Articles/tabid/88/articleType/ArticleView/articleId/126176/Affaire-de-lAmiante-la-Cour-de-cassation-rappelle-les-conditions-de-mise-en-examen-et-precise-les-contours-du-controle-de-la-chambre-de-linstruction.aspx