Le monde médical se retrouve de nouveau secoué. Le mis en cause est un anti-nauséeux populaire et commercialisé en France depuis 1980 : la dompéridone. L'identification de possibles effets indésirables cardiaques graves dus à cette molécule avait déjà conduit les autorités sanitaires à modifier en 2004, 2007 et 2011 leur autorisation de mise sur le marché et à mettre en garde les professionnels de santé sur leur utilisation. Cependant, il semblerait que ces mesures n’aient pas été suffisantes pour minimiser ces risques. Une étude de l’épidémiologiste Catherine Hill de l’Institut Gustave Roussy à Villejuif et Bruno Toussaint, directeur éditorial de la revue Prescrire, publiée le 31 mars 2015 dans la revue Pharmacoepidemiology and Drug Safety estime que la dompéridone pourrait être à l’origine de près de 200 morts subites en France courant 2012.

Cette étude s’appuie sur des travaux menés auparavant par la revue médicale indépendante Prescrire qui mettait déjà en garde l’an dernier les autorités et les professionnels de santé sur les dangers liés à l’utilisation de ce médicament et réclamait son retrait du marché en estimant que "le danger mortel de la dompéridone n'est pas justifié par son efficacité [...] incertaine au delà d'un effet placebo". La revue estime prudemment qu’entre 43 et 189 patients, sur environ 3 millions de personnes exposées, ont été victimes de mort subite cardiaque sous l'effet de la dompéridone en France en 2012. Cette estimation s’appuie sur 3 différents types de données :

- les remboursements effectués par l'assurance maladie
- le chiffrage de l'augmentation de risque de mort subite cardiaque liée à la dompéridone observée dans d'autres pays
- l'épidémiologie de la mort subite cardiaque en France

Bien que critiquée par plusieurs personnalités du monde médical dont le Dr Tounian, chef de service de gastro-entérologie à l'hôpital Trousseau qui déclarait que "la revue Prescrire fait le buzz en imaginant le nombre de décès que la dompéridone pourrait provoquer. Je pense que c'est plus proche du buzz que de la science" ; les autorités européenne et nationale chargées de la sécurité des médicaments ont pris cette alerte très au sérieux. Quelques semaines plus tard, le Comité d’Evaluation des Risques en Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence Européenne des Médicaments (EMA) a ainsi préconisé de restreindre l’utilisation de l’antiémétique tout en autorisant son maintien au sein du marché de l’Union Européenne estimant que "le rapport bénéfice/risque dans le soulagement des nausées et des vomissements était favorable", mais seulement à condition d'insérer de nouvelles contre-indications dans les mentions légales. Suite à cette décision européenne, l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des Produits de Santé (ANSM) a décidé de retirer du marché en septembre 2014 tout médicament contenant plus de 10 mg de dompéridone. Elle a également mis en garde les patients bénéficiant d’un traitement à base dompéridone en les informant que son utilisation a été clairement associée à un "petit risque accru d'effets cardiaques potentiellement mortels", recommandant ainsi aux médecins de ne pas prescrire cette molécule aux patients âgés de plus de 60 ans ou de limiter les doses à moins de 30 mg par jour sur une période devant être "la plus courte possible" c'est-à-dire ne devant pas dépasser une semaine en principe. De nouvelles contre-indications dans les résumés des caractéristiques des produits restants sur le marché français ont été insérées.

Sous surveillance depuis plus d’une dizaine d’années par les autorités sanitaires, les antiémétiques à base de dompéridone multiplieraient « par 2,8 le risque de mort subite cardiaque, ce qui aboutit à une estimation de 231 décès en France en 2012 dans la population âgée de 18 ans et plus » affirme Catherine Hill. Cet état des lieux plus critique que celui établi par la revue Prescrire l’année dernière, sème de nouveau le doute dans la communauté médicale. Il est à noter que des médicaments voisins de la dompéridone tels que la métopimazine et le métoclopramide sont également concernés par ces potentiels effets cardiaques graves indésirables. Malgré ces risques, la dompéridone est toujours en vente et remboursable par la Sécurité Sociale. Cependant, les conséquences liées à la publication des études ont été quasi-immédiates : l'ANSM a indiqué que le nombre de personnes prenant de la dompéridone a baissé de 30 % entre 2012 et 2014.

Sources :

http://www.leparisien.fr/societe/anti-nausee-le-motilium-pourrait-tripler-les-risques-de-morts-subites-07-04-2015-4672663.php#xtref=https%3A%2F%2Fwww.google.fr%2F

http://www.lemonde.fr/sante/article/2015/04/09/mort-subite-la-domperidone-a-nouveau accusee_4612213_1651302.html

http://www.sciencesetavenir.fr/sante/20150407.OBS6593/motilium-231-morts-subites-chaque-annee-en-france.html

http://www.prescrire.org/fr/3/31/49921/0/NewsDetails.aspx
http://www.lepoint.fr/sante/le-motilium-et-ses-generiques-responsables-de-200-morts-par-an-07-04-2015-1919269_40.php

http://www.vidal.fr/actualites/15327/domperidone_une_etude_francaise_pointe_a_nouveau_le_risque_de_mort_subite_cardiaque_l_ansm_rappelle_les_precautions_instaurees_en_2014/