La sécurité, nouveau critère de la nécessité d’un avis d’aptitude du salarié ?

Le 7 mai 2014, le ministère du Travail confiait à Monsieur le député Michel ISSINDOU, Monsieur Christian PLOTON, membre de la Direction des Ressources humaines de Renault et Madame le Professeur Sophie FANTONI-QUINTON, ainsi qu’à l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) une mission ayant pour objet l’aptitude et la médecine du travail.

Le groupe de travail a rendu son rapport à François Rebsamen le 21 mai dernier. Sans suggérer une énième réforme en la matière, la dernière ayant eu lieu en 2011, il propose de revoir la notion d’aptitude et l’organisation du suivi de santé du salarié. Le conseil d’orientation sur les conditions de travail (COCT) doit maintenant débattre de ces propositions dont certaines pourraient être intégrées par le biais d’amendements au projet de loi relatif à la modernisation du dialogue social.

Selon la réglementation actuelle, et à l’exclusion des salariés soumis à une surveillance médicale renforcée, l’article R. 4624-10 du code du travail dispose que le salarié doit bénéficier d’un examen médical avant son embauche ou au plus tard avant l’expiration de sa période d’essai. Par la suite, le salarié bénéficie d’une visite médicale périodique tous les deux ans, prévue à l’article R. 4624-16 du même code.

A l’issue de ces visites d’embauche et périodiques, l’article R. 4624-47 du code du travail dispose que le médecin du travail délivre un avis d’aptitude ou d’inaptitude au salarié et à l’employeur. Ce dernier est tenu de suivre l’avis rendu. Cependant, le code du travail n’apporte aucune définition de la notion d’aptitude au poste de travail. Outre cette difficulté, l’absence de définition de l’aptitude peut également poser problème dans la mesure où l’articulation des articles L. 1132-1 et L. 1133-3 du code du travail prohibe le licenciement du salarié fondé sur son état de santé sauf en cas d’inaptitude constatée par le médecin du travail.

Aussi, les propositions du rapport, en plus de permettre une optimisation de la médecine du travail auraient pour effet indirect d’éviter des situations délicates source d’insécurité juridique aussi bien pour l’employeur que le salarié.

1. La proposition d’abandon de la visite médicale d’embauche systématique et de l’avis d’aptitude qui en découle

Le rapport propose que la visite médicale systématique d’embauche soit remplacée par un entretien de prévention qui devra être réalisé dans les trois mois suivants l’embauche pour les salariés occupant un poste à risque et dans les six mois pour les autres.

Cette entretien ne serait pas mené par le médecin du travail mais par l’infirmier et consisterait notamment à présenter le service de santé au travail, apporter des informations, faire de la prévention ainsi qu’à proposer un suivi de santé. Si cet entretien révèle des incompatibilités avec le poste occupé, le salarié serait alors renvoyé vers le médecin du travail pour une visite médicale.

La difficulté soulevée par la brièveté de certains contrats à durée déterminée est prévue par le groupe de travail qui préconise de réaliser l’entretien de prévention quand bien même le salarié ou l’intérimaire ne serait plus en poste. Cette mesure est destinée à pallier le fait que seulement une visité médicale d’embauche sur trois prévues est en réalité réalisée.

Le suivi médical serait réalisé ensuite au plus tard tous les cinq ans, quelles que soient les interruptions dans le parcours professionnel du salarié. Cette périodicité pourra être raccourcie au regard des risques inhérents au poste du salarié.


2. Une exception pour les salariés occupant un poste de sécurité

Le rapport prévoit de limiter le contrôle de l’aptitude aux seuls salariés qui occupent un poste de sécurité.

Cette notion n’est pour l’heure définie que dans certains secteurs activités et ne fait l’objet d’aucune définition générale. Le rapport propose de retenir que « le poste de sécurité est celui qui comporte une activité susceptible de mettre gravement et de façon immédiate en danger, du fait de l’opérateur, la santé d’autres salariés ou de tiers ».

La mission ne propose toutefois pas une liste réglementaire des postes de sécurité. Elle estime en effet qu’une liste exhaustive risquerait d’être incomplète et de soulever des difficultés de réalisation puis d’actualisation. Elle préconise ainsi que ce soit à l’employeur de recenser ces postes avec l’appui du médecin du travail et du Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail mais sans celui du comité d’entreprise. La liste des postes serait alors annexée au règlement intérieur et pourrait faire l’objet d’un contrôle de l’inspection du travail.

Pour les salariés qui occupent ces postes de sécurité de sécurité, un contrôle de l’aptitude serait réalisé avant l’embauche par un médecin différent du médecin du travail en charge de la surveillance de l’état de santé du salarié. Par la suite, les salariés auraient tous les deux ans une visite pour réévaluer leur aptitude.


Sources :
- Rapport du groupe de travail « aptitude et médecine du travail »
- Article « Le contrôle de l’aptitude pourrait être strictement limité aux postes de sécurité, ActuEL HSE, 26 mai 2015
- Article « Médicalement, l’avis d’aptitude tel que nous le connaissons n’a aucune valeur », ActuEL HSE, 22 mai 20154