Le cercle international de recherche sur le cancer (Circ) de l’organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé le 20 mars 2015, dans la revue The Lancet Oncology, avoir classé l’herbicide glyphosate, les insecticides malathion et diazon comme cancérigènes probables pour les hommes (groupe 2A), dernier échelon avant cancérigènes certains, alors que les pesticides tectrachlorvinphos et parathion sont classifiés comme cancérigènes possibles pour les hommes (groume 2B).

Cette classification fait suite à la réunion du 3 au 10 mars 2015 d’un groupe de travail d’une vingtaine d’experts scientifiques internationaux de plusieurs disciplines. Il avait analysé les différentes informations disponibles, à savoir les publications scientifiques et les rapports gouvernementaux accessibles au public, sur le tétrachlorvinphos, le parathion, le malathion, le diazinon et le glyphosate et rendu une évaluation. Le Circ indique également avoir tenu compte des travaux des l’agence américaine de protection de l’environnement qui avait classé le glyphosate comme « cancérigène possible chez l’homme » en 1985 mais qui était revenue en arrière en 1991.

Il faut cependant noter que les avis et la classification du Circ n’ont pas de valeur réglementaire et ne peuvent conduire à eux mêmes à l’interdiction ou à la régularisation d’une substance. Le Circ a rappelé qu’il ne procédait pas à des évaluations mais à l’identification de risques et qu’il revient aux gouvernements et autres organisations internationales de recommander des réglementations, des législations ou des interventions de santé publique afin d’encadrer les substances à risque.


I. Bilan des usages et des effets des substances classées

Le glyphosate est l’un des herbicides les plus vendus. C’est l’un des composants du Roundup, herbicide de synthèse produit par Monsanto dans les années 1970, qui représente le plus gros volume de production mondiale. Cet herbicide fait partie des plus vendus en Europe selon l’Ineris, il est également le plus utilisé en France. L’usage le plus important au niveau mondial est pour l’agriculture mais il est également utilisé par les jardiniers amateurs ainsi que pour l’entretien des voies de circulation et des forêts. En 2011, 8 000 tonnes de ce pesticide avaient été épandues. Cette utilisation massive n’est pas sans conséquence car une étude publiée en 2011 par l’US Geological Survey avait montré que dans certaines régions le glyphosate était présent de façon significative dans les trois quarts des échantillons d’air et d’eau de pluie analysés. Des traces ont également été retrouvées dans de la nourriture et le Circ a précisé que les populations habitant à coté de zones traitées y sont exposées, ces niveaux étant cependant généralement bas.

Son utilisation a fortement augmenté depuis le développement des cultures génétiquement modifiées résistantes au glyphosate. L’avis rendu par le Circ a été qualifié d’explosif car il remet en cause l’innocuité du Roundup mais également une grande partie de la stratégie du secteur des biotechnologies. En effet, la majorité des plantes génétiquement modifiées sont conçues pour pouvoir absorber le glyphosate sans péricliter.

Dans un rapport rendu en 2010, l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) soulignait que le glyphosate est, en France, le principal responsable du déclassement de la qualité des eaux. Il faut cependant noter que cette substance ne résiste pas au chlore et est absente de l’eau potable.

Des études avaient déjà souligné ses impacts sur les embryons de vertébrés en 2010 et sur le système endocrinien en 2012. D’autres études datant de 2011 avaient quant à elles permis d’apporter des preuves, certes limitées, sur la cancérogénicité du glyphosate pour l’homme pour le lymphome non hodgkinien. Ces études portaient sur des expositions, principalement agricoles, aux Etats-Unis et au Canada. Selon le Circ il existe des preuves convaincantes de la cancérogénicité du glyphosate chez les animaux de laboratoire. En effet des études ont montré que le Roundup induisait des dommages chromosomiques, un risque augmenté de cancer de la peau et du tubule rénal ainsi que d’adénomes de cellules pancréatiques. Il serait également à l’origine de lésions sur le matériel génétique des cellules humaines. Cependant ce risque accru de cancer ne concernerait pas la population générale mais principalement les jardiniers et les agriculteurs. En fin de compte, le Circ estime que l’ensemble de la littérature scientifique examinée ne permet pas de conclure avec une totale certitude à la cancérogénicité du glyphosate.

Le glyphosate est en cours de réévaluation au niveau européen. L’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a désigné l’Allemagne comme Etat rapporteur pour conduire l’évaluation des risques liés à ce pesticide. Cette révision devra prendre en compte l’avis du Circ ainsi que les travaux récents sur les risques de cancer.


Concernant les autres produits mentionnés dans le classement du Circ, les insecticides tetrachlorvinphos et parathion ne sont plus utilisés en France. Le tétrachlorvinphos est interdit au sein de l’Union européenne mais reste utilisé aux Etats-Unis sur le bétail et les animaux de compagnie, principalement dans les colliers antipuces. Le diazinon fait l’objet de restrictions aux Etats-Unis et dans l’Union Européenne et ses volumes de production sont en baisse depuis 2006. Enfin, le malathion est interdit en Europe mais est toujours produit en quantités importantes au niveau mondial, principalement pour un usage agricole et pour le contrôle des insectes en zone urbaine. Il avait été exceptionnellement autorisé de façon dérogatoire en août 2014 pour lutter contre l’épidémie de chikungunya en Guyane.

Les insecticides malathion et dioazinon provoqueraient des tumeurs chez les rongeurs ainsi que des lésions ADN et une perturbation hormonale. Des études avaient également souligné l’existence de preuves limitées de cancérogénicité chez l’homme à travers l’apparition de lymphomes et de cancers du sang. Le malathion serait également susceptible de causer des cancers de la prostate non hodgikien et le diazion serait lui susceptible de causer des cancers du poumon. L’apparition de ces cancers est cependant en baisse depuis que des restrictions ont été imposées en 2006 par les Etats-Unis et l’Europe.

II. Les mesures envisagées


La question se pose donc du retrait du glyphosate. En effet le règlement 1107/2009 (annexe II point 3.6.3) prévoit le retrait du marché des produits commerciaux contenant une substance active reconnue de façon officielle comme cancérigène probable.

L’association Générations futures a demandé dans un communiqué à l’Agence européenne de sécurité sanitaire (Efsa) de réévaluer le glyphosate et le retrait des produits vendus en France qui en contiennent. Le Circ a cependant rappelé à cette occasion que seuls les gouvernements et les organisations internationales peuvent mettre en place des règlements, des législations ou des interventions de santé publique.

Leur demande semble avoir été entendue car la ministre de l’écologie, Ségolène Royal, souhaite que ces herbicides, insecticides et pesticides classés cancérigènes probables ou possibles ne soient pas accessibles à la vente libre pour les particuliers et que cette vente soit accompagnée de conseils. Elle a demandé à l’agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) de réaliser des études complémentaires sur sujet. Elle souhaite également accélérer la recherche afin de trouver des produits de substitution.

Bibliographie :

- Actu-environnement
o http://www.actu-environnement.com/ae/news/pesticides-circ-cancerogene-oms-glyphosate-malathion-diazinon-24156.php4

- Le Monde
o http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/04/03/royal-contre-la-vente-libre-aux-particuliers-des-pesticides-cancerogenes-possibles_4609440_3244.html?xtmc=pesticides&xtcr=2
o http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/25/le-desherbant-roundup-classe-cancerogene_4600906_3244.html
o http://www.lemonde.fr/planete/article/2015/03/20/cinq-pesticides-classes-cancerogenes-probables-ou-possibles-par-l-iarc_4598306_3244.htm
- Le Figaro
o http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/03/20/97001-20150320FILWWW00387-5-pesticides-cancerogenes-probables-oms.php