En Toscane, deux sociétés ont exploité un site industriel de production d’insecticides et de désherbants pendant près d’une vingtaine d’année ce qui a conduit a une grave pollution des sols par divers substances, notamment le dichloroéthane et l'ammoniaque. Plusieurs années après la cessation des activités industrielles sur ce lieu, deux sociétés distinctes ont acquis les divers terrains du site par actes administratifs du 18 mai 2007 et des 16 septembre et 7 novembre 2011.
Les directions compétentes du Ministero italien ont alors ordonné aux nouveaux propriétaires des terrains l’exécution de mesures spécifiques de « sécurisation d’urgence », au sens du code de l’environnement, à savoir la réalisation d’une barrière hydraulique de captage en vue de la protection de la nappe phréatique et la présentation d’une modification d’un projet de réhabilitation du terrain existant depuis l’année 1995. Ces sociétés ont saisi la juridiction administrative italienne se défendant en assurant qu’elles n’étaient pas à l’origine de la pollution et que par conséquent, en vertu du principe du pollueur-payeur, l’administration ne pouvait pas leur demander d’exécuter ces mesures alors même qu’elles n’ont aucune responsabilité directe dans la réalisation du phénomène de contamination sur le site. La législation italienne ne permettant pas d’imposer au propriétaire d’un terrain non responsable de la pollution la mise en oeuvre de mesures de réparations, le Conseil d’Etat italien s’interrogeait quant à la compatibilité de ces règles nationales avec le droit de l’Union européenne, notamment le principe du pollueur-payeur consacré par l’article 191 du Traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) et la directive 2004/35 du 21 avril 2004 sur la responsabilité environnementale. Elle retient que le principe du pollueur-payeur ne peut pas être invoqué directement par un particulier (I) et que seuls les exploitants sont visés par la directive 2004/35 du 21 avril 2004 (II).

I. Impossibilité pour les particuliers de se prévaloir du principe du pollueur-payeur tel que contenu dans l’article 191 du TFUE

La première question qui est posée est relative à l’applicabilité de l’article 191, paragraphe 2, du TFUE. En l’espèce, les propriétaires du terrain pollué avaient directement invoqué ce texte pour s’exonérer des mesures de réhabilitation des sols ordonnées par l'administration italienne. La CJUE relève que cet article se borne à définir les objectifs généraux de l’Union européenne en matière d'environnement et qu'il confie au Parlement européen et au Conseil de l’Union Européenne le soin de décider de l’action à entreprendre en vue de la réalisation de ces objectifs. Par conséquent, la Cour retient que cette disposition ne saurait « être invoquée en tant que telle par des particuliers aux fins d’exclure l’application d’une réglementation nationale intervenant dans un domaine relevant de la politique de l’environnement lorsque n’est applicable aucune réglementation de l’Union adoptée sur le fondement de l’article 192 TFUE couvrant spécifiquement la situation concernée ».
Néanmoins, la CJUE précise que ce principe est invocable si les requérants invoquent la directive 2004/35. Encore faut-il que la directive soit applicable ratione temporis aux faits de l’espèce, c'est-à-dire que les faits se soient déroulés postérieurement au 20 avril 2007.

La directive 2004/35 met en oeuvre le principe du pollueur-payeur à travers la responsabilité de l’exploitant, c’est pourquoi la CJUE va préciser les contours de cette notion.


II. Les conditions de la responsabilité environnementale des exploitants au sens de la directive 2004/35

Afin que la responsabilité environnementale de l’exploitant soit engagée il est nécessaire qu’il existe, conformément aux différentes dispositions de la directive, un lien de causalité entre l’activité d’un ou plusieurs exploitants identifiables et les dommages environnementaux concrets et quantifiables aux fins de l’imposition de mesure de réparation quelque soit le type de pollution en cause. Par conséquent, conformément à l’article 8 de la directive, l’exploitant n’est pas tenu de supporter les coûts des actions de réparation entreprises en application de ce texte dès lors qu’il est en mesure de prouver que les dommages causés à l’environnement sont le résultat du fait d’un tiers ou d’un ordre ou d’une instruction émanant d’une autorité publique. En l’espèce, les sociétés propriétaires du terrain n’ont pas participé à causer cette pollution qui existait préalablement à l’acquisition du terrain par ces dernières. La CJUE conclut donc que les dispositions de la présente directive ne permettent pas d’imposer au propriétaire non responsable de la pollution des mesures de réparations. En revanche, elle ajoute que cette directive ne s’oppose pas aux règlementations nationales qui visent à condamner un tiers à la réhabilitation des sols quand bien même il n’existerait pas de lien de causalité entre ce dernier et la pollution du sol.
C’est notamment le cas de la France qui autorise, en matière de sols pollués, que la réhabilitation des lieux soit imputée aussi bien au dernier exploitant, qu’à un tiers intéressé ou au propriétaire du terrain.


Source :

- Site de la CJUE : http://curia.europa.eu/jcms/jcms/j_6/