Le réchauffement climatique et l'augmentation de la population et de l'urbanisation créent des problématiques liées à l'eau. Le changement climatique entraîne une augmentation de la fréquence des épisodes hydrométéorologiques extrêmes ainsi qu’une réduction du débit moyen des rivières, et le rythme de l'accroissement de la population et sa réunion dans les milieux urbains dépasse la capacité de la nature à répondre à notre rythme de besoins. Ainsi, de nombreuses régions du monde font déjà face à des pénuries d'eau potable, et certaines régions sont susceptibles d’y être confrontées. Il existe un risque de concurrence pour l’accès à la ressource. La France n’échappera pas à ces difficultés, il est ainsi nécessaire de repenser son système de gestion de l'eau.
En effet, le système d’assainissement français actuel, bien que très efficace, n'est pas parfait et il ne pourra pas répondre aux demandes de traitement accru liée l’augmentation de la population. En premier lieu, les rejets des eaux usées des stations d’épuration après certains traitements créent des phénomènes d’eutrophisation qui polluent les rivières. La gestion des stations d'épuration actuelle consiste avant tout à répondre aux objectifs de bon état des eaux de la Directive cadre sur l’eau 2000/60/CE du 23 octobre 2000, ce qui se traduit par le développement de techniques de traitement très énergivore et parfois encore polluantes. Bien que d’autres techniques alternatives de traitement très efficaces se développent pour être de plus en plus propres et économes et générer moins d’impacts dommageables, les stations d’épuration consomment énormément d’énergie et détruisent des éléments (azote et phosphore) qui pourraient être utilisables comme source d’engrais ou encore d’énergie, alors que les producteurs d'engrais utilisent eux-mêmes des énergies fossiles non renouvelables (phosphore) pour fabriquer des engrais. Enfin, avec l’augmentation de la population, les stations d’épuration auront du mal à traiter toutes les eaux rejetées et à gérer l’excès d’azote qui arrive.

Dès lors, une nouvelle pratique se développe : la réutilisation des eaux usées pré-traitées. Les eaux usées sont définies comme « tous les déchets qui sont évacués dans une canalisation, le plus souvent dilués dans une certaine quantité d’eau. Dans les grandes villes françaises, ces canalisations rejoignent usuellement un réseau d’égouts qui amène cette eau et ces déchets à une station d’épuration qui va traiter cette eau usée avant son rejet au milieu naturel.
Les eaux usées sont de trois types :
- les eaux usées domestiques qui comprennent les eaux ménagères (lessives,
cuisine, toilette, etc.) et les eaux vannes (urines et matières fécales) ;
- les eaux industrielles, qui correspondent à tous les rejets issus d’une utilisation de
l’eau autre que domestique ;
- les eaux pluviales qui proviennent des précipitations atmosphériques ». (1)
La réutilisation apparaît comme une mesure pertinente d’atténuation et d’adaptation en matière de gestion de l’eau, notamment dans les régions au climat aride ou semi-aride, telles que dans le bassin méditerranéen. Elle permettrait aussi de répondre aux objectifs de réduction de pollution dans les rivières, du risque de pénurie d’eau et de réduire les traitements dont les demandes seront de plus en plus grandes avec l’augmentation de la population.
Au niveau mondial, « il y aurait 20 millions d’hectares de cultures irriguées par ces eaux ».
Aujourd’hui, seulement 2,4 % des eaux usées sont réutilisées en Europe, et la plupart sont rejetées dans les rivières. Cela est notamment due à une réglementation insuffisante ou trop stricte au niveau européen (I) et national. (II)

I- Une réglementation européenne insuffisante.

La réglementation européenne est insuffisante et le droit de la réutilisation est encadrée soit de manière indirecte, soit de manière directe mais floue.
En premier lieu, dans de nombreux états membres, les prélèvements d’eaux douces sont peu surveillés, en particulier chez les agriculteurs, ce qui entraîne de nombreux prélèvements illégaux et qui n’encourage pas la demande d’eau recyclée.
La directive de 1991 n°91/271/CEE relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, qui encadre le traitement et les rejets des eaux résiduaires urbaines dans les rivières en fixant les teneurs en polluants des rejets encourage la réutilisation en ce qu’elle fixe des limites élevées de rejet. La réutilisation à son article 12 reste floue. Elle préconise que « les eaux usées traitées sont réutilisées lorsque cela se révèle approprié ».

La directive cadre sur l’eau n°2000/60/CE du 23 octobre 2000 qui établit un cadre pour une politique communautaire de l’eau propose un cadre pour la « gestion durable » des ressources et évoque que le recyclage puisse être une des mesures pour participer à la gestion durable de l’eau.


Le manque de réglementations européennes et nationales sur le sujet de la réutilisation est en partie due aux craintes sanitaires liées à la réutilisation. En effet, l’idée de manger des fruits et légumes irrigués par des eaux usées traitées est peu populaire ; car ceux-ci sont susceptibles de contenir des micro-organismes pathogènes et également de modifier l'équilibre des sols, alors qu’on consomme parfois déjà sans forcément le savoir.
De plus, la réutilisation d’une eau traitée coûte plus cher que le prélèvement direct de l’eau dans le milieu naturel, et les ménages ne sont pas prêts à payer plus cher pour anticiper une pénurie potentielle future. Enfin, certains ont peur qu’une future législation entrave la libre circulation des produits irrigués avec des eaux usées.


II- Une réglementation sanitaire interne trop stricte

La réglementation interne de la réutilisation pose deux difficultés : non seulement elle n’est pas réglementé par la loi mais par des arrêtés, ce qui en réduit la force contraignante, mais aussi elle est soumise à des contraintes sanitaires très strictes pour l’irrigation. L’arrêté du 2 août 2010 a soumis l’eau utilisée pour l’irrigation à des contraintes similaires à celle de l’eau potable lorsque ce n’était pas nécessaire et la technique d’irrigation la plus répandue, l’aspersion, ne pouvait être exercé que dans le cadre expérimental. Si l’arrêté du 22 juin 2014 assouplit ces conditions et supprime notamment l’exigence du rapport expérimental, la seule réglementation encadrant l’épandage des eaux usées restent sanitaire et il est regrettable que le droit de l’environnement n’interagisse pas. (2)


(1) • ESCULIER Fabien, Projet de Fin d'Etudes « Vers une gestion cyclique des déchets et des eaux usées », du 11 septembre 2007 au 8 août 2008

(2) • GRAINDORGE Joël. 21 novembre 2013. Réemploi des eaux usées traitées : vivement le nouvel arrêté ! [en ligne]. Disponible sur : http://www.mairie-albi.fr/dev_durable/assainissement/juridique.html (page consultée le 12 mai 2015)