« Les Français ne paieront plus chez le médecin » cette déclaration de Marisol TOURAINE l’été dernier signe le début du combat entre les professionnels de santé et la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes. Malgré une forte mobilisation des professionnels de santé contre ce projet et essentiellement contre le dispositif généralisant le tiers-payant le projet de loi de modernisation du système de santé a été voté le 14 avril 2015 en première lecture par l’Assemblée nationale. Il reste à déterminer quels sont les principales mesures de ce projet de loi santé qui ont été débattues après deux semaines de vifs débats à l’Assemblée mais aussi de revenir sur les mesures moins polémique et médiatisées qui ne sont pas moins importante pour autant.

I. Les principales mesures du projet de loi de modernisation du système de santé

La principale disposition du texte qui fait polémique est la généralisation du tiers payant. C’est-à-dire que les patients n’auront plus à avancer de frais lors des consultations médicales, c’est l’Assurance-maladie elle-même qui se chargera de gérer le paiement des consultations avec ou sans les mutuelles selon si les patients en bénéficient. Jusqu'à 20% des Français renoncent à des soins, faute de pouvoir avancer les frais d’après le magazine Challenges. La principale raison de la grogne des professionnels de santé étant une crainte réelle de lourdeurs administratives supplémentaires et d’un ralentissement des délais de paiement important. C’est à partir du 30 novembre 2017 que le tiers payant sera un droit pour tous les assurés. Aucune sanction n’est cependant fixée pour les professionnels récalcitrants. Le paiement de la part prise en charge par l’assurance maladie est garanti au professionnel de santé, dans un délai maximum qui devrait être de sept jours mais les professionnels de santé ne semblent pas y croire. Il faut préciser que ce dispositif est une promesse de campagne de François Hollande ce qui peut expliquer que Marisol TOURAINE n’ait pas cédé face à la mobilisation des professionnels de santé.

Deuxièmement, il s’agit de supprimer le délai prévu entre les deux rendez-vous médicaux préalables à une interruption volontaire de grossesse (IVG). Pour l’instant, le dispositif prévoit un délai de réflexion d’une semaine entre les deux rendez-vous et exceptionnellement, si l’urgence le préconise, le délai est réduit à quarante-huit heures. Sa suppression est justifiée selon ces partisans par le constat que ce délai constitue d’après les témoignages recueillis par le Monde auprès de ses lectrices que ce délai représente un réel « calvaire » et il ne sert qu'à culpabiliser les femmes, ont aussi souligné de nombreux députés de la majorité. Cette disposition est toutefois contestée par l’Eglise et l’opposition. Il a aussi été voté que les sages-femmes pourront aussi désormais pratiquer des IVG médicamenteuses et que les centres de santé pourront également pratiquer des IVG instrumentales par aspiration jusqu’à lors ces centres ne peuvent actuellement que réaliser des IVG médicamenteuses.

Troisièmement, cela concerne la mise en place du paquet de cigarettes « neutre ». C’est-à-dire la standardisation pure et simple des paquets de cigarette, Ils auront la même forme, la même taille, la même couleur et la même typographie, la place libérée sur l’emballage étant réservée pour les avertissements sanitaires. Ces paquets standardisés mais avec la marque en petits caractères seront obligatoires à partir du 20 mai 2016. Il sera aussi interdit de fumer dans les voitures transportant des mineurs ou de vapoter dans certains lieux publics selon le projet de loi. Et les produits aromatisés, comme les cigarettes mentholées, disparaîtront des présentoirs d'ici à mai 2020.

Quatrièmement, l’expérimentation pendant six ans des « salles de shoot », salles de consommation de drogue à moindre risque (SCMR). Ces salles étant destinées aux toxicomanes précarisés qui assouvissent leur addiction souvent dans des conditions d’hygiène plus que déplorables. Certains élus estiment toutefois ces salles comme des menaces pour les riverains. Le but étant de réduire les risques liés aux injections et une amélioration de l'accès aux soins des usagers de drogues. Cinquièmement, l’exercice d’une activité de mannequin sera interdit à toute personne dont l’indice de masse corporelle sera inférieur à des niveaux à définir notamment lors des défilés afin d’éviter des mannequins de plus en plus maigre cause de maladie et dans le pire des cas des décès en cas d’extrême anorexie. Et une mention « photographie retouchée » deviendra obligatoire en cas d’apparence corporelle modifiée d’un mannequin. Le fait d'encourager une personne à une maigreur extrême sera puni d'une peine d'un an d'emprisonnement et 10 000 € d'amende.

Pour finir, le lancement d'un pacte pour lutter contre les déserts médicaux. En pratique, le gouvernement veut, par arrêté, mettre en place un pacte national territoire-santé et mis en œuvre par les Agences régionales de santé (ARS) qui visera à promouvoir la formation et l’installation des professionnels de santé en fonction des besoins des territoires. Ce dispositif ayant pour but une meilleure coordination de l’action des professionnels de santé principalement dans les territoires isolés. A défaut d’initiative des professionnels eux même, les ARS prendront les initiatives pour en constituer mais à la condition d’une concertation avec les représentants des syndicats médicaux.

Ces mesures qui ont monopolisées les débats durant deux semaines à l’Assemblée Nationale ne sont pas pour autant une liste de l’ensemble des mesures du projet de loi santé. D’autres mesures ont été voté et elles ne sont pas moins importantes pour autant mais ont parfois réussi à réunir une plus grande majorité elles vont de l’interdiction des cabines de bronzage des mineurs assez secondaire à des mesures prometteuses comme l’ouverture des actions de groupe dans le domaine de la santé.

II. Les autres mesures du projet de loi de modernisation du système de santé moins polémique et médiatique

Les autres mesures ne sont pas moins importantes malgré leurs faibles médiatisations, elles sont au nombre de dix, cette liste n'étant pas totalement exhaustive au vue du grands nombres de mesures prises, certaines secondaires ne seront pas développées. Premièrement, un amendement qui permettrait de contourner la législation actuelle sur le don d’organes qui oblige le médecin à consulter les familles avant de prélever les organes du défunt pour augmenter le nombre de greffons disponible, les dons étant en chute libre ces dernières années, l’amendement prévoit qu’au plus tard à partir de 2018 un refus de don ne sera possible que si le donneur est explicitement inscrit sur le registre national des refus. La famille du défunt ne sera plus consultée mais simplement informée d’un prélèvement.

Deuxièmement, le projet de loi introduit le principe de l'étiquetage nutritionnel des aliments, à l'aide d'un système de codes couleur pour donner au consommateur des repères sur l'apport calorique, la teneur en sucre, en graisses saturées et en sel de ce qu'ils achètent. Il faudra toutefois attendre la rédaction du décret pour savoir précisément ce qui sera marqué sur les étiquettes pour plus de précision. Dans ce contexte, une bagarre d'influence a déjà lieu, où deux camps s'affrontent. D'une part, les médecins du Programme national de nutrition santé, qui souhaitent mettre en place des étiquettes de couleur permettant de distinguer la qualité nutritionnelle des produits. Le professeur Dominique TRUCK défend cette approche et déclare que « Nous voulons montrer qu'au sein d'une même catégorie de plats cuisinés, il existe des bons et des moins bons élèves du point de vue nutritionnel. C'est nécessaire pour la santé des gens. ». D’autre part, la grande distribution et l’industrie agroalimentaire. Emilie TAFOURNEL, directrice qualité de la Fédération du commerce et de la distribution, (FCD) qui regroupe notamment des grands groupes comme Carrefour, Auchan et Monoprix reconnaît qu'« aujourd'hui le consommateur ne s'y retrouve pas. Il faut améliorer les choses. Mais nous refusons des pastilles qui stigmatiseraient certains produits. » La grande distribution a donc élaboré son propre projet de codes couleurs différent de celui des experts du ministère. Les industriels proposent un logo vert pour les produits que l'on peut manger tous les jours, du bleu pour ceux conseillés plusieurs fois par semaine et du violet pour ceux que l'on mange occasionnellement. Une proposition jugée peu sérieuse par le professeur Dominique TURCK qui crie déjà au manque d’indépendance dans la mesure où les industriels deviendrait avec ce système juge et partie.

Troisièmement, Les établissements proposant un service de cabines de bronzages n'auront pas le droit de proposer leurs services à des mineurs, ni de faire de la publicité dans leur direction. Cette mesure secondaire ayant pour but de lutter contre les cancers de la peau. Quatrièmement, Les citoyens français pourront entamer des actions de groupe dans le domaine de la santé, comme il en existe actuellement dans le domaine de la consommation. L’action de groupe pourra être possible en cas de dommages causés par un traitement, les victimes pourront donc se joindre à une action collective. Cinquièmement, Voté à l’unanimité, les homosexuels pourront désormais donner leur sang. Car depuis 1983, les hommes qui déclaraient avoir eu des relations sexuelles avec d'autres hommes étaient exclus du don du sang à vie en raison d'un risque considéré comme accru de contamination par le sida.

Sixièmement, Les jouets qui contiennent du bisphénol A ne seront plus autorisés à la vente. Cette substance chimique de synthèse, utilisée pour fabriquer les plastiques durs et transparents, est identifiée comme étant un perturbateur endocrinien. C’est-à-dire toute molécule ou agent chimique composé, xénobiotique ayant des propriétés hormono-mimétiques et décrit comme cause d'anomalies physiologiques et de reproduction. Septièmement, pour lutter contre l'obésité chez les jeunes, les fontaines à soda que l'on peut trouver dans certaines chaînes de restauration rapide seront interdit. Qu'ils soient sucrés ou aux édulcorants, les sodas sont accusés de favoriser le surpoids. C'est la fin du soda à volonté en libre-service. Huitièmement, le sport par ordonnance qui a déjà fait ces preuves à Strasbourg. Les patients atteints d'une maladie longue durée comme un cancer pourront se voir prescrire une activité physique par leur médecin. Le but étant d’utiliser les bienfaits du sport pour améliorer la résistance à la maladie.

Neuvièmement, la lutte contre le « binge drinking » dit beuveries express. Deux mesures, l’interdiction de vente à des mineurs d’objets vantant l’ivresse comme certains tee-shirts et des sanctions contre toute personne qui incite autrui à consommer de l’alcool de manière excessive qui passera par une peine allant d’une amende de 15 000 € jusqu’à un an de prison. Pour finir, l’instauration d’un droit à l’oubli pour ceux ayant guéri d’un cancer et souscrivant une assurance ou un emprunt de ne pas déclarer leur ancienne pathologie. Il va concerner les personnes ayant souffert d'un cancer avant l'âge de quinze ans et également l'ensemble des anciens malades, quel que soit le cancer dont ils souffraient, quinze ans après l'arrêt du traitement.

L’ensemble de ces mesures même si certaines sont polémiques, constitue un projet de loi de modernisation de notre système de santé prometteur qui ouvre droit à de nombreux avantages pour les patients en France et de sensibiliser davantage les citoyens français sur certains sujets, comme l’obésité, le droit des femmes à l’IVG, l’anorexie, l’alcool, le tabac qui est un combat de tous les jours. Concernant l’efficacité de ces mesures il faudra être patient et attendre le vote du Sénat, les décrets d’applications et les délais accordés pour leurs mises en application effective.

Sources :

- Le projet de loi de modernisation de notre système de santé, adopté par l’Assemblée nationale en première lecture. Consultable sur : http://www.assemblee-nationale.fr/14/ta/ta0505.asp

- La loi de santé « Garantir un accès au soin équitable ». Consultable sur : http://www.gouvernement.fr/action/la-loi-de-sante

- Le Monde, article intitulé « Que contient le projet de loi santé ? ». Consultable sur : http://www.lemonde.fr/sante/article/2015/03/31/le-projet-de-loi-de-sante-examine-par-les-deputes_4606156_1651302.html

- Le Parisien, article intitulé « Ce que la loi santé va changer au quotidien ».
Consultable sur : http://www.leparisien.fr/laparisienne/sante/loi-sante-ce-qui-va-changer-au-quotidien-14-04-2015-4690999.php

- Challenges, article intitulé « Tout ce qui va changer avec la loi santé ». Consultable sur : http://www.challenges.fr/economie/20150413.CHA4874/tout-ce-qui-va-changer-avec-la-loi-sante.html