Le statut de protection des espèces de la faune et de la flore sauvages a été défini par la loi du 10 juillet 1976. Ce dernier a été renforcé notamment par la création du code de l'environnement qui définit une espèce protégée comme étant une espèce inscrite sur une liste établie par un arrêté ministériel et qui fait l'objet de mesures de conservation définies par l'article L411-1 du même code.

Malgré la mise en place de ce statut au titre du droit français, il existe de nombreux cas de destruction d'espèces protégées.


I. Les différents cas de destruction d'espèces protégées en France


Ces informations sont aujourd'hui peu relayées par les médias. Pourtant, il existe des cas de destruction d'espèces protégées en France.

Cet acte est recensé principalement auprès de chasseurs, mais des particuliers peuvent également être auteurs de cet acte.

Le 21 février 2015, un faucon pèlerin a été retrouvé blessé dans le jardin d'un particulier de la commune de Guiliers (29). Bien qu'ayant reçu des soins vétérinaires, il décéda le lendemain. Il a été confirmé que du plomb a été retrouvé dans son corps, ce qui confirme que le décès de l'animal a été causé par un tir. Cependant, la source du tir est débattue : est-ce un acte malveillant ou un accident de chasse ? C'est la première hypothèse qui est envisagée par les associations, la Ligue de Protection des Oiseaux et Bretagne Vivante, qui ont porté plainte contre X pour « destruction par tir d'espèces protégées ».
Cette espèce, protégée sur l'ensemble du territoire depuis 1981, avait disparu de Bretagne dans les années 60 notamment à cause de l'utilisation de pesticides comme le DDT, l'heptachlore et le lindane en agriculture. Elle est réapparue progressivement depuis une quinzaine d'années ce qui semblerait poser problème aux colombophiles. En effet, le faucon pèlerin est une espèce qui se nourrie d'oiseaux capturés au vol comme les mésanges, les gaies, les pigeons colombin, les merles ou encore les pigeons ramier.
Un second faucon pèlerin, décédé des suites de ses blessures, a également été retrouvé le 29 décembre 2014 dans la commune d'Ergué-Gabéric (29).

Mais ce ne sont pas là les seuls actes de malveillance à l'égard des espèces protégées. Fin octobre 2014, un milan royal, un rapace de la famille des accipitridés, a été abattu dans les Hautes-Pyrénées, bien que ce soit une espèce menacée bénéficiant d'un plan national d'action. Ces plans nationaux d'actions visent à définir les actions nécessaires à la conversation et à la restauration des espèces les plus menacées.

Aussi, fin janvier 2015, deux chasseurs ont été reconnus coupables de destruction d'espèces protégées et ont été condamnés à payer des amendements. Il s se sont également vu leur être retiré leur permis de chasse. Ces derniers ont été jugés devant le tribunal correctionnel de Dole. L'un d'eux a été condamné à de la prison avec sursis et les deux chasseurs ont dû verser 3 500€ de dommages et intérêts aux 6 associations de protection de la nature qui se sont portées partie civile dans le procès.
Les faits se sont déroulés entre 2012 et 2013 dans la commune de Chatenois dans le Jura. L'un des deux chasseurs était Vice-président de l'Association communale de chasse agréée (ACCA), l'autre était administrateur de l'Association de piégeurs agréés du Jura.
Afin de favoriser un élevage de perdrix et de faisans destinés à la chasse de loisir, les deux chasseurs ont disposé des pièges afin de capturer puis de tuer des buses variables, rapaces de la famille des accipitridés qui est une espèce strictement protégée par la loi. L'installation de ces pièges permettait une fois le rapace capturé de l'achever à coups de bâton.
Cette affaire rappelle les faits suivants, produits en 2013, dont le jugement n'a pas encore eu lieu.

En juillet 2013, deux associations de protection de la nature ont porté plainte contre la Fédération des Chasseurs de la Haute-Saône devant le tribunal correctionnel de Vesoul. Les trois dirigeants de la fédération ont été mis en examen pour destruction d'espèces protégées en bande organisées. Plusieurs centaines d'animaux protégés, tels que des martres (de petits mammifères inscrits à l'annexe III de la convention de Berne), des chats sauvages (protégés par l'arrêté ministériel du 23 avril 2007) et des rapaces, ont été tués sur le site d'une réserve à Noroy-le-Bourg (70) dont la fédération était en charge de la gestion. Ces animaux ont été éliminés, jugés indésirables par les auteurs de cet acte, ces derniers ayant pour but d'accueillir un élevage de faisans et de lapins pour la chasse sur ces mêmes terres. De plus, des stagiaires ont affirmé avoir touché des primes de 100 à 150 euros pour l'abattage de trente animaux protégés.
L’audience est attendue prochainement.


II. Les espèces protégées par le droit français


Une espèce protégée est une espèce non-domestique appartenant au patrimoine biologique français et communautaire et qui est inscrite sur une liste par un arrêté ministériel précisant le régime d'interdiction.

La loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature est composée de 6 chapitres regroupant 43 articles. Elle est à l'origine d'une partie des articles du code de l'environnement. Concernant la protection des espèces menacées, certaines d'entre elles bénéficient d'un statut général de protection. Par le biais d'arrêtés ministériels découlant de cette loi, une liste d’espèces animales et végétales sauvages protégées a été instaurée. Elles sont protégées de la destruction, la coupe, la mutilation, l’arrachage, la cueillette ou l’enlèvement, de leur fructification ou de toute autre forme prise par ces espèces au cours de leur cycle biologique, leur transport, leur colportage, leur utilisation, leur mise en vente, leur vente, leur achat, la détention de spécimens prélevés dans le milieu naturel, la destruction, l’altération ou la dégradation de leur milieu.
Cette loi a également créé les réserves naturelles.
L'avancée principale de ce texte est que la préservation des espèces végétales et animales ont été déclarées d'intérêt général.

De cette loi, découle l'article 411-1 du code de l'environnement qui interdit la destruction ou l’enlèvement des œufs ou des nids, la mutilation, la destruction, la capture ou l’enlèvement, la perturbation intentionnelle, la naturalisation ou le transport, le colportage, l’utilisation, la détention, la mise en vente, la vente ou l’achat des animaux non-domestiques protégés, qu’ils soient vivants ou morts. Il prohibe également la destruction, l’altération ou la dégradation du milieu particulier de ces espèces.
Les espèces animales concernées par cette interdiction font l'objet de listes par espèces établies au niveau national. D'après l'article R.411-1 du code ce l'environnement, ces dernières sont prises par arrêtés du Ministre chargé de la protection de la nature, du Ministre chargé de l'agriculture et du Ministre chargé des pêches maritime lorsqu'il s'agit d'espèces maritimes. Ces listes concernent les oiseaux, les insectes, les mammifères (terrestres et marins), les amphibiens, les reptiles, les crustacés et les mollusques.
La flore fait quant à elle l'objet de listes régionales ou départementales.
Certaines espèces animales bénéficient d'une protection intégrale, c'est-à-dire qu'elles sont protégées contre tous les actes cités ci-dessus. Ces espèces sont les mollusques, les amphibiens, les reptiles, les insectes, les oiseaux, certains mammifères, les poissons, les crustacés, et plus généralement les espèces appartenant à la faune marine, en particulier les tortues.
D'autres espèces animales bénéficient d’une protection partielle, c'est-à-dire que leur destruction ou leur capture peuvent être autorisées sous certaines conditions ; par exemple, en raison des dommages qu’elles sont susceptibles d’occasionner.

La loi du 16 juillet 2013, par son article 18, a permis de faire évoluer la loi française en édictant un nouveau délit, celui de « destruction, tentative de destruction ou trafic d'espèces protégées en bande organisées ». Ce délit est passible de 7 ans d'emprisonnement ainsi que d'une amende d'un montant de 150 000 euros. Ce délit a été intégré dans le code de l'environnement à l'article L415-6.
Au sens de l’article 132-71 du code pénal, constitue une bande organisée tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs infractions.
Cette loi a été votée dans un contexte de multiplication de destruction ou d'incitation de destruction d'espèces protégées notamment de l'ours, du loup, du lynx et des rapaces. Ainsi, ce texte permettait de dissuader ou de faire condamner les fédérations de chasse qui diffusent discrètement des instructions sur l’élimination des rapaces, de décourager ceux qui se regroupent pour capturer des animaux protégés (essentiellement des oiseaux) pour les vendre aux touristes après les avoir naturalisés, mais également contre les associations de chasseurs appelant à poursuivre des chasses illégales.

Malgré l'existence de ces mesures de protection, il existe toutefois, d'après l'article 411-2 du code de l'environnement, des dérogations à ces moyens de protection juridique, dont les conditions sont fixées par les articles R.411-6 et suivants du code de l'environnement. Ces dérogations sont prises par le biais d'arrêtés préfectoraux ou ministériels et doivent préciser les modalités d'exécution des opérations autorisées.
La décision est prise après avis du CNPN (Conseil National pour la Protection de la Nature). Pour obtenir une dérogation, cette dernière doit respecter trois conditions :
La demande doit s’inscrire dans un projet fondé sur une raison impérative d’intérêt public majeur.
Il n’existe pas d’autre solution plus satisfaisante (localisation, variantes, mesures d’évitement et de réduction, choix des méthodes, etc.)
La dérogation ne nuit pas au maintien de l’état de conservation favorable de l’espèce dans son aire de répartition naturelle.
Ces conditions sont cumulatives.
Par exemple, le 13 février 2015, un arrêté a été pris permettant la destruction de certaines espèces d'oiseaux protégés ceci dans le but d'assurer la sécurité aérienne en Guyane, Guadeloupe et Martinique. La dérogation accordée par le préfet précise les espèces et le nombre maximal de spécimens pouvant être détruits. Ainsi, les préfets peuvent accorder la destruction de mouettes rieuses, goélands argentés, goélands bruns, goélands leucophées, grands cormorans, choucas des tours, hérons cendrés, buses variables, faucons crécerelles, milans noirs et de hérons garde-bœufs dans les aérodromes d'Outre-mer sans consultation préalable du Conseil national de la protection de la nature.
Ces mesures de destruction par tirs sont effectuées par le personnel pouvant justifier des formations prévues par l'arrêté du 10 avril 2007 et lorsque les risques persistent malgré la mise en œuvre préalable des mesures de prévention telles que des effaroucheurs optiques, des cris de détresse, des moyens pyrotechniques, etc. Il existe également des mesures d'accompagnement visant à limiter l'attractivité de ces terrains pour les oiseaux comme par exemple le traitement des parties herbeuses, la gestion des zones humides, etc.

Enfin, la loi Biodiversité, examinée le 16 mars 2015 à l'Assemblée nationale n'a pas apporté de modifications quant à la destruction des espèces protégées. Laurence Abeille, députée à l'Assemblée nationale, a proposé l’amendement n°996 visant à créer un délit d'incitation à la destruction d'espèces protégées. Cet amendement a été rejeté le 16 mars selon le motif qu'une telle incitation pouvait déjà être visée par le code pénal.

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Sources :


(1) Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie - Espèces menacées : les plans nationaux d'actions
Consultable sur : http://www.developpement-durable.gouv.fr/-Especes-menacees-lesplans-.html (page consultée le 08/04/2015)

(2) Ligue pour la Protection des Oiseaux – Un second faucon pèlerin tiré dans le Finistère ! - 17/03/2015
Consultable sur : https://www.lpo.fr/communiques-de-presse/un-second-faucon-pelerin-tire-dans-le-finistere (page consultée le 22/03/2015)

(3) France 3 régions – Haute-Saône : des animaux protégés éliminés par dizaines – Par Emilie Dinjar – 29/09/2013
Consultable sur : http://france3-regions.francetvinfo.fr/franche-comte/2013/09/29/haute-saone-des-animaux-proteges-elimines-par-dizaines-327597.html (page consultée le 22/03/2015)

(4) Politis – Nouvelle loi : sept ans de prison pour « destruction d'espèces protégées en bande organisée » - par Claude-Marie Vadrot – 05/08/2013
Consultable sur : http://www.politis.fr/Nouvelle-loi-sept-ans-de-prison,23359.html (page consultée le 29/03/2015)

(5) Ligue pour la Protection des Oiseaux – Loi Biodiversité : ce qu'il faut retenir du jeudi 19 mars – 20 /03/2015
Consultable sur : https://www.lpo.fr/actualites/loi-biodiversite-ce-qu-il-faut-retenir-du-jeudi-19-mars (page consultée le 08/04/2015)

(6) Ligue pour la Protection des Oiseaux – Nouvel arrêté autorisant le tir des oiseaux protégés sur les aéroports – 30/03/2015
Consultable sur : https://www.lpo.fr/actualites/nouvel-arrete-autorisant-le-tir-des-oiseaux-proteges-sur-les-aeroports (page consultée le 11/04/2015)

(7) Le droit de la protection de la nature en France – par Virginie et Jean-Charles Croquet – Avril 2008
Consultable sur : http://droitnature.free.fr/Shtml/AMMetro.shtml (page consultée le 22/03/2015)

(8) Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie – Actes des journées anniversaire de la loi du 10 Juillet 1976 sur la protection de la nature ; 1976 – 2006 : 30 ans de protection de la nature, bilans et perspectives – par Henri Jaffeux et Keerti Averbouch (MEDAD), Michel Durousseau (SFDE) et Christophe Aubel (Ligue Roc) – 2007
Consultable sur : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/DGALN_32_Livre_LPN_08_10_OK.pdf (page consultée le 11/04/2015)

(9) Ferus – Battues à l'ours... Avis aux braconniers (nouveau délit dans la loi française) – 05/08/2013
Consultable sur : http://www.ferus.fr/actualite/battues-a-l-ours-avis-aux-braconniers-nouveau-delit-dans-la-loi-francaise (page consultée le 05/08/2015)